11 août 1297 : Officialisation de la canonisation de Saint Louis par Boniface VIII
Le procès en canonisation du Roi de France a été particulièrement rapide pour l’époque – vingt-sept ans – même s’il a été quelque peu soumis aux turpitudes de la politique ecclésiastique des neuf Souverains Pontifes qui ont pu se pencher sur le dossier. Certains s’y étant penchés de façon assez brève en raison d’un règne écourté, tel fut le cas de Saint Célestin V.
– Après la mort de Louis IX à Tunis le 25 août 1270 et avant qu’il puisse être enseveli à Saint-Denis (excepté son cœur conservé à l’Abbaye de Monreale en Sicile), la famille royale, plusieurs proches du Roi, comme des membres des Ordres Mendiants et des Moines Cisterciens demandent déjà un procès en canonisation. C’est le Frère Geoffroy de Beaulieu, Dominicain et Confesseur du Défunt Roi qui s’attèle à la rédaction d’un dossier contenant cinquante-deux chapitres sur les vertus et faits de Louis IX. Plus tard, le Pape Grégoire X demande à Frère Geoffroy de rédiger une « Vie de Saint Louis ». Guillaume de Chartres, autre Dominicain rédige à son tour une « Vie de Louis ».
– A l’issue des funérailles du Roi à Saint-Denis le 22 mai 1271, plusieurs miracles sont attestés, ce qui incite les demandeurs à accélérer la demande. Grégoire X donne alors son avis favorable à un procès mais laisse l’examen traîner en longueur pour des raisons de politique (les Angevins de Naples, branche parente des Capétiens sont alors en tension avec les Aragonais). A la mort de Grégoire X, Nicolas III demande davantage de pièces pour étoffer la demande de procès. C’est Jehan de Joinville, compagnon et ami du souverain et le Cardinal et ancien Chancelier de France, Simon de Brion (ou de Brie) qui s’en chargent en menant une enquête canonique.
– En 1281, Simon de Brie est élu Pape sous le nom de Martin IV à l’issue du Concile de Viterbe grâce à l’action de Charles d’Anjou (frère de Louis IX) qui exclue les cardinaux « romains » anti-angevins de l’élection. Menant une politique beaucoup plus favorable aux Angevins au détriment des Gibelins (partisans de l’Empire) et des Aragonais, Martin IV en profite pour relancer le procès en canonisation de son ancien souverain, dont il juge la procédure jusque-là trop hâtivement engagée. Il diligente alors une enquête menée en France par Guillaume II de Flavacourt Archevêque de Rouen, Guillaume de Grez Évêque d’Auxerre et Paperone de Paperoni Évêque de Spolète. Aidés par des moines et des frères mineurs, les trois prélats vont interroger de nombreux témoins (plusieurs centaines) entre 1282 et 1283, parmi lesquels Charles d’Anjou, Philippe III le Hardi* et Pierre Ier d’Alençon (ou de France). Le troisième étant l’un des fils cadets de Louis IX qui sera tué au combat en Italie contre les Napolitains révoltés contre son oncle Charles d’Anjou.
– Toutes les pièces sont alors envoyées à Rome et examinées par trois Cardinaux. Seulement, Martin IV meurt en 1285 et son successeur Honorius IV, beaucoup plus pro-Aragonais, a juste le temps de réexaminer les miracles avant sa mort en 1287. Nicolas IV, puis Saint Célestin V ne s’attardent pas non plus sur les pièces.
En revanche, c’est Boniface VIII qui finit par se consacrer pleinement au procès en canonisation du Roi de France, dans une optique politique. En effet, après le refus de Philippe le Bel, petit-fils de Louis IX, de se plier à la Décrétale Clericis Laicos (1296) qui menaçait d’excommunication tout souverain ou seigneur qui lèveraient des impôts sur le clergé sans l’accord du Pape, les deux Souverains conviennent de trouver un accord. Celui-ci – temporaire – avant la reprise de leur conflit, aboutit d’abord à la promulgation de deux bulles de conciliation : Romana Mater et Etsi de Statu.
Toutefois, Boniface VIII avait fait accélérer le procès en canonisation de Saint-Louis dès 1294. Pour Philippe le Bel, cette démarche a un résultat politique dont il tire profit : elle donne un Saint à la Royauté française, ce qui lui confère une aura particulière en Europe. Elle fait aussi de Philippe le Bel et de ses fils, des descendants d’un Saint Roi. Mais c’est trois ans plus tard, le 4 août 1297 à Orvieto, que le Pape annonce officiellement la canonisation de Louis IX appelé « Saint Louis de France ». Et c’est le 11 août que Boniface VIII publie la bulle de Canonisation « Gloria Laus », fixant la fête du Saint Roi au 25 août, date de sa mort à Tunis.
– En 1298, lors d’une grandiose cérémonie rassemblant une grande foule, Philippe le Bel fera procéder à la levée du corps de son grand-père à Saint-Denis pour déposer les ossements dans une châsse en or et confectionner les reliques. Le « Roi de Fer » commandera aussi un superbe reliquaire en or au Maître-Orfèvre Guillaume Julien en 1299.
* Roi de France de 1270 à 1285. Fils de Saint Louis et de Marguerite de Provence et père de Philippe le Bel.
Ne pas le confondre avec son arrière-petit-neveu de la Maison de Valois, Philippe II le Hardi Duc de Bourgogne de 1363 et 1405.
Lire :
– MENANT François, MARTIN Hervé, MERDRIGNAC Bernard et CHAUVIN Monique : Les Capétiens, Perrin, coll. Tempus
– PIETRI Charles & Luce (Dir), MAYEUR Jean-Parie, VAUCHEZ André et VENARD Marc : Histoire du Christianisme, Tome V, « Un temps d’épreuves », Desclée de Brouwer
– LE GOFF Jacques : Saint Louis, Perrin