11 juin 1430 : Victoire d’Anthon
11 juin 1430 : Victoire d’Anthon
Passée dans l’oubli, la victoire d’Anthon, remportée par Raoul de Gaucourt fut en cela importante qu’elle décida de l’avenir de la Province du Dauphiné. Celle-ci allait-elle s’ancrer définitivement dans le Royaume de France ou bien passer dans l’orbite bourguignonne ?
– Durant les années 1420, la province du Dauphiné est convoitée par trois couronnes :
celle du Roi de France Charles VII, celle du Prince d’Orange, Louis de Chalon, vassal du Duc de Bourgogne dont les possessions s’étendent sur l’actuelle Franche-Comté et enfin, par celle du Duc de Savoie Amédée VIII. Or, le plus actif des trois reste Louis de Chalon même si Amédée VIII l’appuie dans ses velléités annexionnistes pour mieux se servir de lui.
– Entre 1427 et 1428, profitant de l’état de faiblesse du Royaume de France, Louis de Chalon fait passer le Rhône à ses routiers qui chassent les quelques garnisons delphinales pro-françaises qui occupaient les châteaux d’Anthon, du Colombier et de Saint-Romain, pendant que Jehan Grand et Antoine Ferrières, hommes de main du Prince d’Orange, mettaient en geôles plusieurs administrateurs dauphinois.
– Sauf que dans un sursaut d’énergie, Charles VII entend bien mettre la main sur le Dauphiné et y envoie Raoul de Gaucourt (1371-1462), un vieux et vaillant soldat. Ce dernier arrive à la tête d’une armée, forçant ainsi Chalon à quitter les forteresses dont ils s’était emparé et à libérer les administrateurs prisonniers. Gaucourt repart alors avec ses gens vers la vallée de la Loire pour participer à la défense d’Orléans. Louis de Chalon en profite alors pour revenir en Dauphiné et fait fortifier le château d’Anthon durant l’hiver 1429-1430. Chalon réussit même à convaincre le puissant Duc de Bourgogne, Philippe le Bon, de l’aider à prendre le Dauphiné. Le Duc consent en effet à lui prêter des hommes d’armes et rompt même la trêve fragile qu’il avait contracté avec Charles VII.
Ceci dit, ce dernier qui vient juste d’être sacré à Reims ne cherche pas à négocier et accepter le combat. En mai 1430, il renvoie donc le fidèle Gaucourt en Dauphiné en lui octroyant de titre de Gouverneur. Le coup est plutôt bien joué de la part du Roi de France car Gaucourt peut réunir les États du Dauphiné à Vienne qui votent sans tarder un subside de guerre. Une petite armée est alors levée et placée sous les ordres du Baron Hugues II de Maubec. De plus, Gaucourt reçoit l’appui de Humbert de Grolée Sénéchal du Lyonnais, ainsi que des Lombards et Milanais de Georges Bois et Burnon de Caqueran Seigneur de Saint-Georges-d’Espéranche. Gaucourt réussit même à rallier contre rétribution, le sinistre routier aragonais Rodrigue de Villandrado, connu pour passer facilement d’un camp à l’autre, qui avait établi son camp non loin de Vienne.
– Ayant réuni en tout un petit Ost de 1 600 piétons, archers, arbalétriers et cavaliers, Gaucourt décide de frapper vite. Le 27 mai 1430, il s’empare de la forteresse d’Auberive et onze jours plus tard, le 7 juin, il chasse les orangistes du château de Pusignan. Le 9 juin, après avoir dû reporter deux fois son attaque en raison du temps exécrable, le capitaine français décide de s’emparer du château de Colombier. Louis de Chalon, qui venait de passer le Rhône, ne peut alors savoir que ses troupes ne contrôlent plus qu’Anthon. Voulant voir ce qui se passe à Colombiers, il refoule des Milanais de Caqueran qu’il trouve sur son chemin. Comprenant que l’armée du Dauphiné n’est guère loin, il décide de se porter à sa rencontre.
– Le 11 juin, après avoir entendu la messe, Gaucourt est informé de l’arrivée de Chalon et de ses 4 300 routiers. Conscient de son infériorité numérique, il décide d’éviter la bataille rangée. Au lieu de cela, il dissimule ses piétons dans le Bois des Franchises qui borde le chemin menant à Colombier, ainsi que le croisement dudit chemin avec la route Lyon-Crémieu. De plus, depuis l’attaque de Colombier, Raoul de Gaucourt avait reçu l’aide de Sibuet de Rivoire Châtellain de Crémieu qui était venu avec des bombardes. Pendant ce temps, Villandrado se poste à l’orée du bois pour couper toute retraite aux orangistes (Matthieu Thomassin).
Le 11 juin 1430 à 13h00, l’embuscade réussit. Les traits dauphinois et français trouent les rangs de Louis de Chalon, d’autant plus le grondement des bombardes de Rivoire effraie les montures orangistes, ajoutant à la panique. Chalon veut alors reculer mais il se retrouva prit en étau entre Gaucourt et Villandrado qui avait surgit par derrière. Si le gros des orangistes réussit à prendre la fuite et à repasser le Rhône, trois-cents d’entre eux jonchent les bois et le chemin de Colombier. Selon les chroniqueurs de l’époque, cela n’empêcha point la châtellenie de Crémieu d’organiser un marché le lendemain durant lequel 1 200 chevaux harnachés seront vendus.
-La victoire de Gaucourt fut un incontestable succès pour le Royaume de France qui peut définitivement prendre pied dans le Dauphiné et s’assurer le contrôle de moyenne vallée du Rhône. Comprenant que son cousin Charles VII, qu’il appelait avec mépris et détestation le petit Roi de Bourges, est plus fort qu’il l’entend, Philippe le Bon n’entreprend plus rien dans cette région par vassal interposé. Il va même jusqu’à retirer les privilèges, l’Ordre de la Toison d’Or et les terres qu’il avait octroyé à Louis de Chalon. Autre grande perdante, la Maison de Savoie qui avait caressé l’espoir de prendre le Dauphiné. Amédée VIII décidera de se reporter plutôt vers l’Italie. De son côté Raoul de Gaucourt se verra confirmé le titre et la fonction de Gouverneur de Dauphiné.
Sources :
– http://old.citadelle.org/magazine-3-31-La-Bataille-d%27Anthon-%2811-juin-1430%29.cfm
– MINOIS Georges, La Guerre de Cent Ans, Perrin, 2007