Les traités qui mettent fin à la Guerre de Trente Ans, sont signés en trois étapes. Le 30 janvier 1648, L’Espagne et les Provinces Unies signent un premier Traité à Münster pour mettre fin à la Guerre de Quatre-vingt-ans. Le 24 octobre, la France et le Saint-Empire signent l’autre Traité de Münster. La Suède fait de même avec l’Empire des Habsbourg à Osnabrück.
– A Münster, le Saint Empire est représenté par le Comte Maximilien de Trautmansdorff , Jean de Nassau et Isac Volmar, tous trois conseillers de l’Empereur Ferdinand III. En face, le tout jeune Louis XIV et la Reine-régente Anne d’Autriche sont représentés par les plénipotentiaires Henri d’Orléans Comte de Longueville, Claude de Mesme Comte d’Avaux et Abel Servien. Longueville ayant été envoyé spécialement par Mazarin pour arbitrer les désaccords constants entre d’Avaux et Servien.
– A Osnabrück, la Maison d’Autriche est représentée encore par Trautmansdorff, assisté de Jean-Maximilien de Lamberg et Jean de Crane. Le Royaume de Suède signe par la main d’Axel Oxenstierna et Jean Adler Salvius.
– Le Traité de Münster est le plus fourni, comptant 128 articles, alors que celui signé entre la Suède et le Saint-Empire n’en comprend que 17.
– Les ravages et les effusions de sangs laissés par les Armées des différentes couronnes d’Europe et par les Lansquenets (à l’exception notables de régions assez isolées comme le Tyrol, le Vorarlberg et la Styrie) incite les parties en présence à envisager une instance de régulation des conflits en Europe. Déjà, dès 1623, Hugo Grotius dans De Jure Belli met en avant l’idée d’une « Société mutuelle » en Europe, afin de régler les conflits européens.
– Pour Louis XIV, les principes de Westphalie sont perçus comme le « Repos de la Chrétienté », à savoir (autant du point de vue français que du point de vue européen) une base solide pour un ordre international qui devait assurer le maintien du statu quo en Europe ; libertés germaniques, paix dans l’Empire, puissances du continent devant assurer la paix et le règlement des conflits. Mais comme le précise très bien Henry Bogdan dans son ouvrage consacré à la Guerre de Trente Ans, au rêve définitivement brisé de restauration de l’Empire Chrétien par les Habsbourg, se substitue un nouvel ordre donnant la prédominance aux Etats qui traitent entre eux par le biais de leurs représentants.
Citons l’article CXXII : « Que celui qui aura contrevenu par aide ou par conseil à cette transaction, et paix publique, ou qui aura résisté à son exécution, et à la restitution susdite, ou qui après que la restitution aura été faite légitimement et sans procès en la manière dont il a été ci-dessus convenu, aura tâché sans une légitime connaissance de cause, et hors de l’exécution ordinaire de la justice, de molester de nouveau ceux qui auront été rétablis, soit Ecclésiastique, ou séculier, qu’il encoure de droit et de fait la peine due aux infracteurs de paix, et que selon les constitutions de l’Empire il soit décrété contre lui, afin que la restitution et réparation du tort ait son plein effet. »
– L’aspect pleinement novateur des Traités de Westphalie est la légitimation des grandes puissances d’alors (les grands Etats) comme garantes de la paix en Europe : France, Saint-Empire, Suède et Espagne. Jusque-là, le jeu diplomatique européen était l’objet de trois types d’acteurs : Royaumes, Cités-Principautés (Venise, Cités italiennes, Ligues et Cités germaniques) et la Papauté. Or, dès 1648, on voit que les quatre grandes puissances en question supplantent les autres acteurs (le Pape ne prenant pas part négociations).
– Les deux grands vainqueurs des Traités de Westphalie sont incontestablement la Suède et la France. La première obtient en partie ce que souhaitait en partie Gustave Adolphe avec son idée de faire de la Mer Baltique une mare nostrum suédoise. Mais faute de pouvoir contrôler tout le littoral convoité, le Chancelier Oxenstierna obtient l’annexion de la Poméranie Occidentale, les Évêchés sécularisés de Brême et de Verden, ainsi que le contrôle des Boucles de l’Oder, de l’Elbe et de la Weser.
– Du côté de la France, la Régente Anne d’Autriche et le Cardinal Mazarin qui administrent le Royaume au nom du Jeune Louis XIV, concrétisent une partie du testament politique de Richelieu par le truchement de leurs plénipotentiaires. Le Royaume obtient l’annexion définitive des Trois Évêchés (Metz, Toul et Verdun) – déjà sous tutelle de Henri II un siècle plus tôt – ce qui lui donne ainsi des portes afin de protéger ses frontières orientales. Si les villes d’Alsace ne sont pas (encore) rattachés à la France, au moins Mazarin obtient-il l’annexion de la forteresse de Neuf-Brisach et de Décapole (Mulhouse), permettant de surveiller l’accès au Rhin. Enfin, le Cardinal italien obtient pour son pays d’adoption la forteresse de Pignerol qui permet le contrôle de l’accès au Piémont italien et du Pas de Suse. Mazarin concède cependant la rétrocession de la Franche-Comté à l’Espagne, redéfinissant pour encore treize années, la frontière de la France sur la rive droite (ouest) de la Saône.
– Paradoxalement, toujours selon Bogdan, le nouvel ordre Westphalien n’a pas que des conséquences négatives pour la Maison d’Autriche. Loin de là. Au lieu d’être accaparée par ses relations (conflictuelles) avec les Princes protestants d’Allemagne, la Maison d’Autriche va pouvoir se concentrer sur l’administration de ses possessions et y remettre de l’Ordre.
– En outre, le Duché de Brandebourg et son Grand-Électeur Frédéric-Guillaume Ier se détache définitivement de Vienne pour administrer un nouvel Etat indépendant de l’Autriche comme de la Suède (c’est là son grand profit), amorçant la constitution de la Prusse. Réussite supplémentaire pour Frédéric-Guillaume, il obtient l’annexion définitive de la Poméranie Orientale.
Le Duc Maximilien de Bavière s’en tire aussi à bon compte après avoir vu son Duché ravagé par les Suédois et les Français. Il obtient ainsi l’annexion du Haut-Palatinat (Amberg, Ratisbonne ville de la Diète Impériale et Weden). Enfin, le Traité de Münster reconnaît définitivement l’indépendance de Jure de la Confédération helvétique.
– Ainsi, malgré les guerres qui ont agité l’Europe après 1648, la diplomatie né du nouvel ordre international « Westphalien » (ou « Concert Européen ») va régir les relations entre Etats jusqu’à la Guerre de 1914.
Lire :
– Les Traités de Westphalie, Digithèque MJP
– BELY Lucien : Les Relations internationales en Europe : XVIIe et XVIIIe siècles, PUF, Paris
– BOGDAN Henry : La Guerre de Trente Ans, Perrin, Paris
– MALETTKE Klaus : Les traités de paix de Westphalie et l’organisation du Saint-Empire Romain Germanique, in Dix-septième siècle, http://www.cairn.info