« Je les grignotte » ; Cette boutade d’autosatisfaction du Maréchal Joffre, voici ce que l’on a le plus retenu des offensives d’Artois et de Champagne et les sacrifices des poilus qui ont marqué l’année 1915.
Pourtant, si l’échec stratégique à vouloir rompre le front allemand est patent, c’est en grande partie enraison du manque de réserves suffisantes côté allié, alors que ces deux grands assauts ont été très bien préparés (au vu de la culture stratégique de l’époque insistant sur la recherche de la rupture) et vont être aussi marqués par de beaux succès tactiques. Retour donc, sur des offensives françaises restant encore méconnues.
– Bref retour en arrière. Joseph Joffre a déjà lancé deux grandes offensives dans les deux mêmes régions avec très peu de succès. Cette fois-ci, le Généralissime français espère bien l’emporter par une poussée simultanée en Champagne (direction sud-nord) et en Artois (direction est-ouest), tout en misant sur une colossale puissance de feu. Joffre confile l’offensive en Artois au Général Ferdinand Foch et celle de Champagne au Général Edouard de Currières de Castelnau.
Parallèlement, le British Expeditionnary Corps de John French doit lancer un assaut entre Loos et Hulluch.
– Pour rompre le front Foch met en lice la Xe Armée du Général Victor d’Urbal (IIIe, IXe, XVIIe, XXIe et XXXIIIe – avec 18 Divisions et 380 bouches à feu) avec une réserve de près de 268 000 obus de gros et moyen calibre. L’objectif d’Urbal est de percer le front ennemi à hauteur de la Crête 119-140, tout en étendant le front de sa grande formation sur Baurains-Ficheux. Malheureusement pour les Français, la météorologie n’est pas de la partie car le terrain destiné à l’assaut est battu par des fortes pluies du début de l’automne Foch songe un temps à remettre son assaut mais, après consultation avec le haut-commandement, il maintient la date du 25 septembre.
– L’assaut commence par la colossale préparation d’artillerie voulue par Foch qui martèle les positions allemandes sur toute la ligne de front. Pendant ce temps, les fantassins français, revêtus de leurs nouvelles capotes bleues-horizon et paquetage sur le dos, mettent les Rosalies (baïonnettes) au canon et attendent le signal de l’attaque. A 12h25, les sifflets des officiers et sous-officiers résonnent et l’assaut démarre sous un véritable déluge.
– La progression est rendue très difficile, d’autant plus que les Allemands se reprennent sur plusieurs points du front. Sur la droite le IXe Corps de Curé et le XVIIe de Dumas n’arrachent aucun arpent de terrain à l’ennemi, tandis qu’au centre les XIIe de Henri Descoings et le IIIe de Georges Nivelle réussissent à gagner quelques dizaines de mètres. Toutefois, sur la droite, le XXXIIIe Corps d’Emile Fayolle (55e, 70e et 77e Divisions) enfonce le front allemande à la baïonnette et s’empare du Château de Carleul, ainsi que du cimetière de Souchez. Toujours sur la droite, le XXIe Corps de Ferdinand Pont parvient à accrocher la route Angres-Souchez.
– Le 26 septembre, Foch ordonne à d’Urbal d’exploiter son succès dans le secteur de Souchez. De violents combats éclatent alors dans un secteur formé de ruisseaux, de marais et parsemé de fortifications allemandes. Et l’infanterie française voit son effort considérablement freiné par la redoutable artillerie allemande qui contre-bat derrière la Crête 119-140. Mais grâce à l’effort et l’ingéniosité des sapeurs des XXXIIIe et XXIe Corps, les Français réussissent à prendre l’intégralité de Carleul et d’Angres. 1 378 prisonniers allemands sont pris.
– Le 27, le XXIe Corps s’installe solidement dans les Bois de Flache et de Givenchy. Malheureusement, le XIIe Corps de Descoings se trompe d’objectif en voulant s’emparer de la Cote 132. S’ensuit une grande confusion dans le commandement français qui veut engager le IIIe Corps de Nivelle. Celui-ci reçoit ordre et contre-ordre durant le reste de la journée et doit finalement arrêter son avance. Autre conséquence, de ce manque de coordination, les Allemands ne tardent pas à se ressaisir et à renforcer leurs positions. Aucun résultat notable n’est enregistré ce jour-là.
Le 28 toutefois, les IIIe et XXXIIIe Corps relancent leur effort et récoltent des résultats honorables. La 59e DI et la 77e DI (Stéphane Pillot) parviennent à franchir le ravin de Souchez pour atteindre les tranchées Bremen et Lübeck. De son côté, la 6e DI de Charles Jacquot (blessé, il a refusé d’être évacué) atteint la Cote 140.
– Foch arrête son attaque à ce moment et se concerte avec French pour lancer une offensive d’ensemble. Mais en raison du manque de réserves du côté des Britanniques qui ont consenti à de très lourds sacrifices et de la ressaisie des forces allemandes, ce plan ne pourra pas être exécuté.
– En outre, du 3 au 8 octobre, les Allemands lancent une violente contre-attaque arrêtée par la Xe Armée à la suite de furieux combats. Le 11, d’Urbal relance son offensive qui connaît une très forte opposition et doit s’arrêter le 14.
En dépit du peu de réussite stratégique, les Français ont définitivement repris la région de Souchez.