28 mai 1871 : Fin de la Commune de Paris
Proclamée le 18 mars 1871, le gouvernement utopique et avancé de la Commune de Paris expira dans le sang après soixante-douze jours d’existence.
Revenons donc sur cet épisode ayant marqué la naissance de la IIIe République.
Le 4 septembre 1870, Napoléon III abdique devant Bismarck et Guillaume II à l’issue de sa défaite de Sedan. Aussitôt, le régime impérial est renversé, la République proclamée et un Gouvernement de Défense nationale est mis en place. Celui-ci poursuit la guerre mais ne peut empêcher les Prussiens d’assiéger Paris. En janvier 1871, le Général Louis Trochu, chef du Gouvernement de Défense nationale, tente de reprendre Buzenval, ce qui se solde par un sanglant échec. Trochu doit alors faire face à l’agitation belliciste des parisiens. Le 22 janvier, une manifestation s’avance vers l’Hôtel de Ville tenue par des soldats bretons commandés par le Général Vinoy. Ceux-ci ne parlant pas le français, ils ne comprennent pas que la foule tente de les rallier. Ils reçoivent l’ordre de tirer et font trente morts. A partir de ce moment, la situation s’envenime. Déjà, le 6 janvier, une Affiche Rouge (rédigée par Emile Leverdays, Gustave Tridon, Jules Vallès et Édouard Vaillant) appelle à former une Commune de Paris.
Ajoutons que les Parisiens ont faim en raison du blocus de la capitale. On mange les chiens, les chats et les rats. On a même abattu les éléphants du zoo de Vincennes ! l’exaspération contre le gouvernement est à son comble étant donné que Jules Ferry (bientôt surnommé Ferry Famine), responsable du ravitaillement, ne peut fournir des denrées en bon nombre.
Mais le 28 janvier 1871, Adolphe Thiers signe l’armistice avec la Prusse. Si cette décision est acceptée dans les provinces, la population parisienne prend cela comme une trahison. Le 19 février, après des élections qui donnent une large majorité monarchiste à l’Assemblée (qui siège alors à Bordeaux, Adolphe Thiers devient Président du Conseil et chef du Pouvoir Exécutif (le gouvernement revenant s’installer à Versailles). Celui que les parisiens vont surnommer le serpent à lunettes, veut faire taire l’agitation parisienne. Il promulgue déjà un décret supprimant les moratoires sur les loyers, ce qui est très mal perçu par une population plutôt modeste. D’autre part, le 1er mars 1871, les Parisiens connaissent l’humiliation de voir les Prussiens défiler dans la capitale. Mais c’est la journée du 18 mars qui va mettre le feu aux poudres à une situation déjà fort explosive. Thiers envoie 4 000 soldats pour récupérer les canons installés à Montmartre et Belleville. L’opération tourne court en raison de la mobilisation de la population parisienne qui empêche les soldats de se saisir des canons et les somme de rallier l’insurrection. Le Général Lecomte, refuse. Il est fusillé en compagnie du Général Clément-Thomas, pris par la foule. Le 88e Régiment de Ligne rejoint se rallie à la population et met crosse en l’air. Entretemps, le Gouvernement s’est installé à Versailles.
Les quartiers ouvriers de l’Est parisien se soulèvent et la Commune de Paris est proclamée. Les membres de l’armée, de la Garde Nationale et de l’administration soupçonnés d’être trop complaisants avec le gouvernement sont chassés sans ménagement. Le 19 mars, le Comité Central de la Garde Nationale décrète des élections municipales pour le 26 mars. Sans surprise, celles-ci donnent une majorité aux révolutionnaires toutes tendances confondues : Jacobins (Delescluze, Pyat, Gambon, et Grousset), Radicaux (Flourens, Arnould, Amouroux, Clément, Bergeret), Blanquistes avant-gardistes (Protot, Chardon, Eudes, Ferré, Ranvier, Pelletan et Rigault) Anarchistes-Libertaires et Internationalistes Proudhoniens (Denis, Malon, Varlin et le Hongrois Fränkel). Les majoritaires sont les Jacobins, les Radicaux et les Blanquistes. D’autres personnalités prennent une part active à la commune de Paris : le peintre Gustave Courbet, l’écrivain Jules Vallès, Louise Michel, Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Lemel (qui ont formé l’Union des Femmes pour la Défense de Paris) l’officier protestant Louis Rossel et enfin, le révolutionnaire polonais Jaroslaw Dambrowski. Notons que les Communards en armes seront surnommés Fédérés.
Radicaux et blanquistes diffèrent seulement des proudhoniens et des anarchistes par l’attachement à l’autorité de l’État.
Le Gouvernement de la Commune – ou plutôt le Conseil – est formé de Dix Commissions; exécutive, militaire, subsistances, finances, justice, sûreté générale, travail, industrie et échanges, services publics et enseignement.
Le Gouvernement prend des mesures sociales très avancées pour son temps : réquisition d’ateliers pour les ouvriers, lutte contre le travail clandestin, interdiction du travail de nuit, élection d’un conseil de direction dans les ateliers, élection des fonctionnaires, stricte séparation de l’Église et de l’État, émancipation des femmes, enseignement public et laïque, uniformisation de la formation primaire et professionnelle, instauration du mariage libre par consentement mutuel.
Enfin, acte symbolique, la colonne Vendôme symbole du bonapartisme honni est démontée de la place du même nom.
Mais Thiers décide d’en finir définitivement avec les Communards. Après négociations, il obtient de Bismarck la libération de 60 000 soldats qui viennent s’ajouter aux 40 000 soldats en Île-de-France et aux 12 000 tenant la banlieue ouest de Paris. Pour Thiers l’expiration aura lieu au nom des lois et par les lois. En outre, il exacerbe les sentiments des soldats souvent issus du monde rural et donc aspirant à la propriété, contre les partageux de la Commune. En avril 1871, 130 000 hommes bien armés et prêts à en découdre, avec batteries d’artillerie sont rassemblés sous le commandement du Maréchal Patrice de MacMahon et répartis entre le 1er Corps de Ladmirault, le 2e Corps de Cissey, le 3e Corps de du Barrail et le 4e Corps de Douay. Notons que les Versaillais occupent le Mont-Valérien depuis le 21 mars.
L’offensive versaillaise démarre le 30 avril avec la prise du rond-point de Courbevoie par le Général Gaston de Gallifet. Les 2 et 3 avril, Courbevoie et Rueil tombent et Gustave Flourens est tué dans une tentative malheureuse de contre-attaque. Et les Versaillais commencent à fusiller des prisonniers. En réponse la Commune décrète la loi des otages et par la même, emprisonne l’Archevêque de Paris Mgr. Darboy. Les Versaillais poursuivent leur avancée par le sud – sud-ouest. Après un intense bombardement de l’enceinte fortifiée allant de Grenelle à Passy, Clamart et Issy tombent. Le 13 avril, le Fort de Vanves passe aux mains des troupes de MacMahon, mais les Versaillais ne peuvent aller plus loin en raison d’un tir de barrage d’artillerie. Les combats vont alors connaître une pause.
Le 21 mai, un piqueur des Ponts-et-Chaussées du nom de Jules Ducatel, ouvre la poterne du bastion n°64, permettant aux Versaillais d’entrer dans Paris. La semaine sanglante commence. En représailles, les Fédérés prennent en otage les Dominicains d’Arcueil qui seront exécutés. De leurs côtés, les Versaillais vont fusiller leurs prisonniers à plusieurs reprises comme aux Batignolles, où quarante-huit hommes, femmes et enfants sont exécutés. Jaroslaw Dambrowski est tué le même jour. Ce sera aussi le cas au Panthéon cinq jours plus tard.
Du 22 au 23 mai, au prix de furieux combats de rue, les Versaillais progressent dans Paris et libèrent la quasi-totalité de la rive gauche, excepté la Butte-aux-Cailles. La butte de Chaillot est prise Le 24 mai, les Fédérés fusillent les prisonniers de la Prison Haxo dans la Rue de la Roquette, dont des soldats versaillais prisonniers, Mgr. Georges Darboy, le Vicaire-Général Surat, tout comme les Abbés Deguerry Curé de la Madeleine, Ducoudray, Clerc, Ollivaint, Bécourt, Houillon et Planchat (ce dernier, Père de Saint-Vincent-de-Paul était très engagé auprès des pauvres de Paris). L’ancien député Flourens trouve lui aussi la mort.
Le 27 mai, les Fédérés ne tiennent plus qu’une partie de Paris comprise entre le Canal de l’Ourcq et Vincennes. Les Versaillais attaquent alors le Cimetière du Père Lachaise, défendu avec acharnement par les Fédérés. Il faut aux soldats du Gouvernement enlever cet espace à la baïonnette. Cent-quarante-sept Fédérés y vont être fusillés, le dos au mur qui porte leur nom. Pour s’emparer des Buttes-Chaumont, on met en batterie des mitrailleuses. Enfin, le 28 mai, les Versaillais achèvent de nettoyer Belleville et font tomber la dernière barricade des Communards. Pris, Eugène Varlin est exécuté sans aucune forme de procès.
La répression s’abat alors sur Paris, implacablement orchestrée par le Général de Gallifet qui sera surnommé le massacreur de la Commune. Gustave Courbet doit s’exiler en Suisse, Louis Rossel est condamné à mort et exécuté, Louise Michel sera expédiée en Nouvelle-Calédonie pendant que les autres meneurs de ce gouvernement utopique éphémère (Vaillant, Rigault, Pelletan, Vallès…) seront incarcérés avant de reprendre leur combat politique.
Pendant ces combats les Versaillais ont perdu entre 3 000 et 4 000 hommes (blessés compris) et les Fédérés entre 6 000 et 7 000.
Sources :
– WINOCK Michel et AZEMA Jean-Pierre : Les Communards, le Seuil, Paris
– MIQUEL Pierre : La Commune de Paris, Fayard, Paris