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29 septembre 1918 : Front d’Orient, victoire oubliée des « Jardiniers de Salonique »

Si la campagne des Balkans de 1915-1918 et l’histoire de l’Armée Française d’Orient ont aussi peu fait l’objet de productions littéraires, c’est que ce théâtre d’opérations a longtemps reçu l’opposition de bon nombre de milieux politiques et militaires français et britanniques. Et cela, en raison des pertes énormes encourues aux Dardanelles et à Gallipoli en 1915.
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– Réputée injustement inutile et incompétente, l’Armée d’Orient avait reçu les surnoms méprisants de « Jardiniers de Salonique » de la part de George Clémenceau et de « Side Show » par David Lloyd-George (Ministre des Armements, puis Premier Ministre à partir de 1917). Les soldats d’Orient vont donc être les oubliés des communiqués officiels. Pourtant pour l’historien militaire britannique Sir Basil Lidell-Hart et pour le Général André Beaufre, la campagne du Général Louis Franchet d’Espérey a été exemplaire, car elle s’est caractérisée par une « manoeuvrist approach » et une approche indirecte (exploitation systématique des faiblesses de l’ennemi, exploitation en profondeur de l’espace). Nous nous concentrerons ici principalement sur l’année 1918.

1 – ETAT DES FORCES EN PRÉSENCE 

– Après la prise de Monastir (19 novembre 1916) par les Français et les Serbes, l’Armée d’Orient que commande le Général Maurice Sarrail (1856 – 1942), doit se placer sur la défensive suite à l’écrasement de l’Armée Roumaine par le Maréchal allemand August von Mackensen. L’Armée d’Orient se retrouve donc cantonnée dans un rôle secondaire et doit surtout se concentrer sur la lutte contre la dysentrie, le scorbut, le paludisme (très présent en Macédoine) et les maladies vénériennes. 360 000 soldats en seront touchés, soit près de 95 % des effectifs ! Des mesures exceptionnelles sont prises par Sarrail  pour enrayer les épidémies et assainir les espaces marécageux insalubres.Mais durant la première moitié de l’année 1917, deux excellentes nouvelles interviennent pour l’Armée d’Orient. D’abord, l’épidémie de paludisme est enfin enrayée et le Gouvernement Grec que dirige le pro-alliés Elefthérios Vénizélos, vient d’entrer en guerre contre les puissances centrales (3 juillet). L’équivalent de dix divisions vient s’ajouter à l’effectif allé. Salonique peut donc servir de base de départ pour des opérations plus ambitieuses.

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Adolphe Guillaumat

En décembre 1917, Adolphe Guillaumat (1863-1940) succède à Sarrail  – envoyé dans la réserve en France – au commandement de l’Armée d’Orient. On ne connaît presque rien du rôle de Guillaumat dans cette phase du conflit et pourtant… Il réussit à obtenir le consentement de Londres et le concours de l’Armée Italienne à de futures opérations sur ce théâtre d’Opérations. En outre, il réorganise le Commandement Allié en créant un état-major interallié adapté à la direction d’une force multinationale importante. Guillaumat partage donc les tâches avec les Serbes, les Britanniques, les Italiens, les Grecs et même des Américains. Et cela, avant que Foch ne soit désigné Généralissime des forces alliées sur le Front de l’Ouest suite à des négociations houleuses. Selon Christophe de Lajudie, le Commandement des Armées Alliées de Salonique (CAA) s’adapte au cours des années pour devenir véritablement ce qu’on appellerait aujourd’hui un commandement opératif. Guillaumat obtient même de Paris l’attribution de matériels et de munitions. Seulement, avec la signature du Traité de Brest-Litovsk (3 février 1918), qui entraîne l’arrivée de nombreuses divisions allemandes sur le Front de l’Ouest, Guillaumat voit diminuer son ravitaillement et ses renforts. Son principal objectif est alors de maintenir la solidité de front de Macédoine et d’y fixer le plus grand nombre de forces germano-bulgares.

– En France, les combats font rage mais les offensives de Ludendorff sont enrayées chacune à leur tour. D’autant plus que l’Autriche est sérieusement bloquée sur le Front Italien et que le Grand Quartier Général de Berlin a retiré plusieurs divisions allemandes du Front des Balkans. Ce qui fait que, le General der Artillerie Friedrich von Schlotz (1851-1927) qui commande le Heeres-Gruppe von Scholtz mêlant au départ Allemands et Bulgares, ne compte plus qu’une division allemande dans tous ses effectifs. La XI. Armee de Kuno von Steuben (1855-1935) ne compte plus que la seule division allemande pour cinq bulgares. En fait, on peut constater que sur le terrain, la Bulgarie dont les troupes sont démoralisées, reste le principal adversaire.

– Le 18 juin 1918, Adolphe Guillaumat est rappelé en France pour protéger Paris qui est menacée par l’avancée allemande sur l’Aisne et laisse sa place à l’exceptionnel Louis Franchet d’Espérey (1856-1942). Mais il faut dire que Clémenceau qui le déteste a fait en sorte de l’envoyer loin du Front français. Ironique, quand on sait la campagne que l’ancien officier de la Coloniale va mener. Cependant, Adolphe Guillaumat ne va pas rester inactif pour l’Armée d’Orient. Durant l’été 1918, il joue le rôle d’ambassadeur de la France auprès de Lloyd-George pour inciter Londres à participer aussi à l’offensive dans les Balkans.

Louis Franchet d'Espèrey

Louis Franchet d’Espèrey

– Franchet d’Espérey reprend la politique de son prédécesseur mais prépare son offensive générale à travers les montagnes de Macédoine.Cependant, il doit attendre l’autorisation des gouvernements italiens et britanniques pour lancer son opération. Notons que les Britanniques ont consenti à fournir plusieurs divisions en Grèce car le Royaume se situe à proximité des détroits de Constantinople. Et Londres n’oublie pas de faire en sorte d’assurer ses intérêts en Méditerranée Orientale. Et les généraux britanniques ne l’oublient pas. Celle-ci arrive dans la seconde partie de l’été 1918. Franchet d’Espérey commande à toutes les forces alliées et a comme subordonnés le Général Paul Henrys (1862-1943), le General George Milne (1866-1948), le Voïvode Zivojin Misic (1855-1921) et le Général grec Emmanuel Ioannou. L’ordre de bataille est détaillé ci-dessous.

ARMÉES ALLIÉES D’ORIENT :
Général Adolphe Guillaumat, puis Général Louis Franchet d’Espérey (France)

– ARMÉE FRANÇAISE D’ORIENT  : Général Paul Henrys

– 30e Division d’Infanterie (Nérel)
– 57e Division d’Infanterie (Genin)
– 76e Division d’Infanterie (Siben)
– 156e Division d’Infanterie (Baston)
– 11e Division d’Infanterie Coloniale (Farret)
– 17e Division d’Infanterie Coloniale (Bordeaux)
– Brigade de Cavalerie d’Afrique (Jouinot-Gambetta)

* 1er Groupement de Divisions : Général Philippe d’Anselme
– 122e Division d’Infanterie (Gérôme)
– 16e Division d’Infanterie Coloniale (Dessort)
– Divisions de l’Archipel
– 27th Infantry Division (G.T. Forrestier-Walker)

* Groupement Franco-Serbe : Voïvode Zivojin Misic
– Division « Drina »
– Division « Jugoslavja»
– Division « Morava »
– Division « Timok »


– BRITISH ARMY OF SALONIKA  :
General George Milne

– 7th Mounted Brigade
– 8th Mounted Brigade
– 16th Wing (Royal Flying Corps

* XIIth Army Corps : Lieutenant-General Henry Fuller-Wilson
22nd Division
– 26th Division

– 1/1st Lothian and Border Horse
– Division d’Infanterie Grecque « Serres »

* XVIth Army Corps : Lieutenant-General Charles Brigg
– 28th Division (H. Crocker)

– 1/1st Surrey Yeomanry
– Division d’Infanterie Grecque « Kryti » (Crète)


* Ier CORPS D’ARMÉE GREC  :
Major-Général Emmanuel Ioannou
– 1re Division d’Infanterie Grecque
– 2nde Division d’Infanterie Grecque
– 3e Division d’Infanterie Grecque

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2 – LE PLAN

– Pour son offensive, Franchet d’Espérey a néanmoins vu ses options réduites depuis 1917. Au nord de Monastir, les Bulgares ont renforcé leurs lignes de défense ce qui rend l’effet de surprise caduque. Sur l’aile droite (est), le secteur des marais de la Struma et du Lac Takinos est particulièrement difficile. Et quand bien même les fantassins eussent réussit à franchir le terrain humide, il leur faudrait gravir les pentes des Monts Bélès. Hors de question donc de passer par là. Quant à l’Albanie, il n’en est pas question car les Italiens y sont particulièrement réticents et les Français craignent par-dessus tout la mauvaise volonté des officiers transalpins. Illustration ; en juin-août 1918, une belle attaque menée par le 372e RI du Colonel Ordioni, le Régiment de Marche des Spahis du Maroc (Colonel Guespereau) et le Tabor Albanais chassait les Autrichiens du plateau de Bofnia, de Kosnica et de la Hola pour laisser la route libre de Berat au Corps Italien de Ferrero. Mais l’inconstance et le manque de mordant du Général transalpin permet aux Austro-Hongrois de se reformer et de contre-attaquer avec succès. Par conséquent, l’ennemi s’attend aussi à une nouvelle attaque dans ce secteur.

– Il reste donc le centre du dispositif allié, entre Staravina et Bélès. Or, si une percée est obtenue dans ce secteur, Franchet d’Espérey et ses collègues peuvent espérer mettre la main sur le ravitaillement germano-bulgare qui se concentre à Gradsko, Nivolak et Negotin et encore mieux, pourrait couper la retraite à la XI. Armee allemande.
Guillaumat préconisait une offensive principale sur le Vardar et près du Lac Doiran et une secondaire par la Moglena. Mais son successeur va opter pour l’inverser tout simplement parce que le secteur Vardar – Doiran est mieux défendu, en particulier devant Demir-Kapu, portion du front tenue par les Britanniques. Or, George Milne n’a aucune envie de sacrifier ses forces dans des charges frontales qui pourront lui causer des pertes. Il n’en reste pas moins que le secteur de percée choisi par Franchet d’Espérey reste particulièrement difficile, avec un enchaînement de sommets culminant entre 1 800 et 2 150 mètres (Sokol, Dobropolje, Vétrenik et Dzena). Toutefois, les lignes de défenses sont moins puissantes et une percée dans au sud-ouest de Marianska Planina permettrait d’accrocher les couloirs de la Cerna, de Bosava et de Gradsko.

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– 1re Phase : A partir la 2nde Armée Serbe de Stepanovic avec la 122e DI Française (Gérôme), la 17e Division d’Infanterie Coloniale (Dessort) et la Division « Sumadja » doit rompre le front germano-bulgare dans le secteur difficile de Sokol – Dobropolje – Vetrenik – Koziak.
– 2nde Phase : Aussitôt la percée obtenue, le Groupement Franco-Serbe de Zivojin Misic doit se ruer vers Negotin et Kavadar afin de couper le ravitaillement des Germano-Bulgares. Dans le même temps, le XIIth British Corps, 2 Divisions du Ier Corps Grec d’Ioannou et 1 régiment français attaqueront la Ire Armée Bulgare de Tzvetanov les secteurs du Vardar et du Lac Doiran pour y fixer les autres forces ennemies. Ensuite, la 2nd Armée lâchera les « Timok » et « Jugoslavja » pour exploiter le succès, avant que le 1re Armée ne passe à l’attaque pour forcer les passages de Sokol et Vetrenik. Enfin, les troupes du Général Paul Henrys (Armée Française d’Orient), avec le Groupement d’Anselme s’efforceront de rejeter les forces allemandes sur l’Albanie.

– Pendant ce temps, alors que les Armées alliées en France repoussent les Allemands sur les points du front, Londres et Paris achèvent leurs tractations pour décider du déclenchement de l’offensive en Orient.

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3 – L’OFFENSIVE 

A – Français et Serbes

– Les opérations préparatoires démarrent dans la nuit du 7 au 8 septembre. Dans l’obscurité, plusieurs Battalions britanniques s’emparent de tranchées bulgares au sud de Gejvgejli pendant que le Ier Corps Grec avance au contact des Centraux le long de la Struma. De leur côté, les Français pilonnent les positions bulgares.
Cette phase préparatoire ne va pas sans inquiéter August von Mackensen qui expédie d’urgence 5 bataillons de renfort dans ce secteur. Les Bulgares – qui s’inquiètent pour leur frontière au niveau du Massif des Rhodopes – demandent expressément à von Scholtz de renforcer son dispositif sur le Dobropolje. Von Scholtz consent alors à avancer quelques réserves sur la Moglena.

– Le 14 septembre à 08h00, Franchet d’Espérey fait déclencher sa préparation d’artillerie durant toute la journée. Le lendemain, la 2nde Armée Serbe monte à l’assaut dans le brouillard avec la 122e DI. Le 1er Bataillon du 148e RI (Commandant Pétin) tente de s’emparer du Mont Sokol avec de terribles pertes. Pétin est tué. Toutefois, à 22h30, les Français enlèvent le mont avec des lance-flammes. Cependant, les 45e et 84e RI (Lieutenants-Colonels Clément et de Langlade) parviennent à s’emparer du Dobropolje avec moins de pertes.  Mais le nettoyage des tranchées bulgares s’effectue au poignard, à la grenade, au lance-flamme et au fusil-mitrailleur. Enfin, les rustiques soldats serbes à l’aise en montagne, tournent le Vetrenik avant d’y monter à l’assaut.
De son côté, la  17e Division Coloniale du Général Bordeaux (1er, 3e et 54e Régiments d’Infanterie coloniale, 95e Bataillon de Tirailleurs Sénégalais) s’empare de Kravitza. Ce succès, permet alors à Misic de lancer sa 1re Armée sur la rive nord de la Lechnitza. Sur sa gauche, le 42e Régiment d’Infanterie Coloniale  (Lieutenant-Colonel Soubiran) et 1 Bataillon de la 3e Division Grecque se sont emparés des hauteurs à l’ouest de Gradechnitza.

– Le 16, Français et Serbes s’emparent des Cotes 1810 et 1825, de la rive droite du Haut Poroi. Le 4e RIC chasse les Bulgares des crêtes de Kouchkov et Kamen. La 1re Armée serbe enfonce ensuite Pochitche, Bechitche et Gradechnitza, suivie immédiatement par la 11e DIC du Général Faret et la 3e Division Grecque. Au soir, le Massif de la Moglena est enfoncé, Cerna est atteinte et 3 000 Bulgares sont faits prisonniers et 50 canons capturés. Français, Serbes et Grecs sont alors aidés dans leur tâche par von Scholtz lui-même qui envoie ses maigres réserves pour combler la brèche au lieu de replier ses troupes pour raccourcir ses lignes et maintenir la cohérence de ses lignes.

Voivode Zivojin Misic

Voivode Zivojin Misic

 

– Le 18 septembre, les Serbes talonnent la 1re Armée bulgare jusqu’à Prilep et en direction de Gradsko. La 2nde Armée serbe de Stepanovic échoue néanmoins à couper les Bulgares des Allemands à Nonte en raison de la trahison du section grecque. Mais le lendemain, les Marsouins et Coloniaux de la 16e DIC de Dessort s’empare de la Dzena et de la Porta, permettant aux Serbes d’atteindre Burnache et le cours moyen de la Vatasa. Le 21, Kavadar, le Massif de Drachevisko Brdo et le Vardar sont atteints, menaçant directement Negotin. Tsvetanov n’a d’autre choix que de replier ses troupes basées à Demir-Kapu. Les Bulgares commentent alors plusieurs massacres sur leur passage.

Général Paul Henrys

Général Paul Henrys

– De son côté, la 2nde Armée Serbe de Stepanovic reprend son avance avec succès et s’empare de Negotin et de Krivolak dans la nuit du 22, mettant la main sur un important convoi de vivres. Seulement, en raison de la difficulté des chemins, le Groupement d’Anselme n’arrive que tardivement. Le 23, les troupes de Stepanovic s’emparent Kara Hodjali et d’Orta Bajir, plaçant la voie ferrée de Negotin sous leur feu. Le lendemain, la Division « Timok » s’empare de Gradets Planina et Kriva Locavic, pendant  que la « Jugoslavja » et la 17e DIC tentent de s’emparer de Gradsko très bien défendu par des Bulgares solidement retranchés. Mais grâce à un mouvement habile des Marsouins sur Arkhangelsk, Français et Serbes réussissent à dégager Gradsko le 24. Ce succès signe la catastrophe pour la logistique germano-bulgare puisque tout le parc de ravitaillement germano-bulgare tombe entre les mains des alliés.

– Le 24 septembre, le Groupement d’Anselme vient border le cours du Vardar à Demir-Kapu et Pardovica et permet aux Britanniques de Milne de mettre ses colonnes en avant. Seulement, le Britannique se contente de talonner mollement les troupes Bulgares car il craint qu’un mouvement vers le nord en direction de Sofia ne l’éloigne de Constantinople.

– Cela n’empêche guère Franchet d’Espérey d’ordonner à Henrys de porter ses forces sur le Prilep et s’empare des Cotes 1248 et 1050. Et ce, en dépit du manque d’artillerie lourde. Toutefois, une bonne coordination entre Henrys et Micis permet à la 11e DIC de progresser sur la Cerna et de s’emparer de la Cote 1050. Les Serbes ne peuvent déloger les Bulgares de la Cote 1248 mais le temps joue pour eux.

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– Franchet d’Espérey en profite alors pour lancer sa cavalerie. Les Italiens s’élancent alors en direction de la route Monastir-Prilep, permettant à la 156e DI du Général Baston de se porter en avant. En même temps, la Brigade de Cavalerie d’Afrique du Nord (1er, 4e et 5e Chasseurs d’Afrique et RMSM) de Philippe Jouinot-Gambetta franchit les positions bulgares entre Nivak et Delebal. Le neveu de Léon Gambetta reçoit alors l’ordre de foncer sur Uskub. Les cavaliers français se lancent alors dans une charge qui culbute les fuyards bulgares jusqu’à Uskub. Après avoir remis la ville de Krusevo au 42e RIC de Soubiran, la Brigade de Cavalerie d’Afrique du Nord aborde le Massif de la Jakupica Planina. Jouinot-Gambetta engage alors le 4e RCA du Colonel Labauve sur la piste Varos-Dolgacke en direction d’Uskub. Mais la résistance ennemie est plus forte que prévu et il faut l’inervention des Coloniaux pour y venir à bout. Néanmoins, en liaison avec les Serbes, Chasseurs d’Afrique, Spahis et automitrailleuses s’emparent du Col de la Babuna et s’emparent des villes D’Hrlevski, Homoran et Jenikeuy le 25 septembre. Mais le lendemain 26, la Cavalerie Grecque s’empare de Radovice pendant que le Groupement d’Anselme dépasse la vallée de la Kriva Lovica avant de contrôler les pentes du Kirezli Tepe. Les Cavaliers serbes de Stepanovic avancent jusqu’à Dzumaja et menacent de couper la route de Kumanovo comme le défilé de Kacanik. Pendant ce temps, les Divisions français d’Henrys atteignent la ligne Zapolyani – Novoselani – Drvenik Zulica et atteignent la rouge Pribilci-Gostivar, faisant craquer le front ennemi.

– Le 26, les Allemands abandonnent le Petisteri et la région des Lacs. Franchet d’Espèrey ordonne alors à Henrys de pousser vers Vélès. Les Français poussent alors jusqu’à la rive gauche du Vardar, de même que la 1re Armée Serbe mais la progression se fait plus difficile. C’est alors que le Général Jouinot-Gambetta décide de faire passer le massif de la Golestnica Planina à sa Brigade sans appui d’artillerie et par de très mauvais chemins. Pendant toute la nuit, à une altitude oscillant entre 1 200 et 1 800 mètres, les Cavaliers d’Afrique du Nord progressent jusqu’au pont de Dracevo qui est atteint dans la soirée du 28.

– Au matin du 29, le 4e RCA attaque alors par la rive droite du Vardar pendant que le 1er RCA par la rive gauche pour couper la voie ferré de Kumanovo. Les Cavaliers français profitent alors du brouillard pour s’approcher d’Uskub. Le RMSM du Lt.Colonel Guéspereau s’empare de Vodna mais le 4e RCC de Labauve est arrêté un temps par un pari de Bulgares appuyés par un train blindé. Le chevauchée reprise, les Spahis barrent la route de Kalkandelen à 08h15 pendant que le 1er RCA du Colonel Lespinasse de Bournazel s’empare de haute lutte des lisières d’Urumli avant d’atteindre la voie ferrée de Koumanovo. Amertume toutefois, les Chasseurs d’Afrique voient filer 6 trains de matériel.

– Jusqu’au 1er octobre, les Cavaliers d’Afrique repoussent toutes les contre-offensives des Bulgares avant d’être dégagé par les Marsouins. La Brigade Jouinot-Gambetta a signé là l’une des plus belles – mais des plus réussies –  chevauchées de la Cavalerie Française depuis août 1914.
B – Lac Doiran

– Le 18 septembre, le XIIth Corps d’Henry Fuller-Wilson passe à l’attaque avec la Division grecque « Serres » sur le Vardar et le long du Lac Doiran. Mais l’artillerie britannique tire massivement sans aucune coordination. L’assaut des 66th et 67th Infantry Brigades de la 22nd Division se heurtent à une vigoureuse résistance des Bulgares qui leur cause des pertes. La 67th perd même 65 % de ses officiers. A la fin de la journée, Fuller-Wilson doit ramener son unité sur ses lignes du départ.

– Le 19, le XIIth repart à l’assaut mais au nord, le XVIth Corps échoue dans son attaque. Les Grecs de la Division « Serres » réussissent bien à s’emparer de plusieurs tranchées mais se font encore repoussés par un violent tir de mitrailleuses. Les Britanniques attaquent alors avec les 65th et 77th Infantry Brigades, avec le concours du 2nd Bis Régiment de Marche des Zouaves (Colonel Boré-Verrier). Si plusieurs tranchées sont encore prises, Français et Britanniques ne peuvent déboucher en raison de l’intensité du feu bulgare.

– Toujours le 18 septembre, au nord, le XVIth British Corps de Charles Brigg passe à l’assaut avec la 28th Infantry Division, les Grecs de la Division « Kryti » et la 84th Infantry Brigade contre la 1re Brigade Bulgare de Macédoine. Les Grecs passent à l’attaque à 05h00 du matin, appuyés par le 84th Brigade et 6 batteries d’artillerie britannique. Là encore, si les Grecs réussissent à pénétrer dans les lignes bulgares, ils se retrouvent cloués au sol par le feu bulgare. Les Grecs attaquent plusieurs fois durant la journée mais doivent finalement se replier durant la soirée sous le couvert de l’artillerie britannique.

– Il faut attendre le 23 pour que, grâce au Groupement d’Anselme, les Britanniques repartent à l’assaut mais sans se presser… Le Général Milne n’envisageant pas de trop s’éloigner de Constantinople

– Le 25 septembre, les Cavaliers Britanniques et les Grecs forcent le Bélès et la 27th Infantry Division de Forrestier-Walker s’empare de Gejvgeli. La « Kryti » fait de même avec la Cote 1494 dépasse Kosturino, permettant le franchissement définitif du Vardar. Le 27, les Britanniques bousculent les débris de la 9e Division Bulgare jusqu’au pied de l’Ograzden Planina. Le Lendemain, les Bulgares décident de se replier sur la Maritza.


– ÉPILOGUE 

– Les combats ne cessent pas pour autant. Le 4 octobre, la 1re Armée Serbe de Misic lance une attaque contre Vranje, sur la Morava, défendue par les restes du LXI. Korps « allemand » (Friedrich Fleck) et par la 9. Infanterie-Division autrichienne, arrivée en trombe. Mais rien y fait, Serbes et Français repoussent sans ménagement leurs adversaires qui préfèrent opérer une retraite précipitée. Franchet d’Espérey lance ses divisions vers le nord, franchit le Danube et marche sur Bucarest. Le 1er octobre, l’Armée Serbe fait son entrée dans Belgrade libérée, pour la seconde fois du conflit. 90 000 soldats Bulgares et Allemands ont été faits prisonniers durant la campagne.

– La suite n’est plus qu’une question de jours. Le 3 novembre 1918, Franchet d’Espérey pénètre en Hongrie. L’Autriche-Hongrie, tout près de l’écroulement, signe l’armistice à Villa Giusti. Les nationalités vont alors toutes proclamer leur indépendance mettant définitivement fin à l’Empire vieux de quatre siècles. C’est alors que la route de Munich se trouve complètement ouverte pour les Alliés. Déjà le 2 octobre, le Chancelier du Reich Max von Baden (1867-1929) avait justement évalué la situation en montrant que « l’effondrement du front bulgare a jeté bas nos dispositions. La liaison avec Constantinople est menacée ainsi que la voie du Danube, indispensable à notre ravitaillement. Nous avons été forcés, pour ne pas laisser à l’Entente les mains libres dans les Balkans et ne pas abandonner la Roumanie et la Mer Noire, d’engager là-bas des divisions allemandes et austro-hongroises destinées au front occidental… »  A l’issue de la victoire dans les Balkans l’Empire allemand sera contraint de demander la paix. Le Kaiser Guillaume II dit alors, amer : « une poignée de serbes a décidé de l’issue du conflit. »

– Mais pour l’Armée Française d’Orient et les Britanniques de Milne, les combats ne sont pas terminés pour autant. En effet, inquiets des proportions que prend la guerre civile en Russie, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis décident d’envoyer des troupes en Ukraine afin de soutenir les Armées Blanches contre les Bolcheviks.

Le livre de Roger Vercel, Capitaine Conan, adapté pour le cinéma par Bertrand Tavernier raconte en partie leur histoire.

Lire aussi :
– CHANLAINE Pierre : Les derniers sabreurs, France-Empire, Paris, 1968
– http://www.chtimiste.org