Pour expliquer la situation sur la Marne au début de septembre 1914, il faut effectuer un retour un bref en arrière.
A la fin de l’été 1914, l’application du Plan XVII par l’Etat-major Français a échoué lors de la « Bataille des Frontières » les offensives en série en Haute-Alsace, en Meurthe et en Moselle n’ont débouché sur rien, en dépit de la libération très temporaire de Mulhouse. L’intervention en Belgique des Divisions du Nord de la France s’est soldée par la défaire de Charleroi. Les pertes françaises ont été effroyables. Écrasée par l’artillerie allemande et hachée par les mitrailleuses, l’Infanterie française « Reine des Batailles » a subit des pertes particulièrement effroyables dans les toutes premières semaines de la Grande Guerre. On pense notamment à l’engagement de Rossignol au cours duquel 12 000 fantassins français des 2nde et 3e Divisions d’Infanterie Coloniale ont été tués. Le commandement français répond durement en limogeant* plusieurs généraux dont Charles Lanrezac remplacé à la tête de la Ve Armée par Franchet d’Espèrey et Pierre Ruffey qui doit céder sa place à Maurice Sarrail à la tête de la IIIe Armée. Joffre ordonne aussi à ce que des mesures disciplinaires plus dures soient prises contre les soldats suspects de désertion ou d’agitation dans les rangs. Ordre relayé au sein des divisions et des régiments puisque l’on fusille bien plus dans les premiers jours de 1914 qu’en 1917.
– De leur côté, appliquant les Directives du Schlieffens-Blau, les Allemands ont envahi la Belgique mais la résistance à hauteur de Namur et de Liège les ont retardé. Cependant, repoussant les cinq armées françaises qu’ils trouvent devant eux entre l’Aisne et la Meuse, ils avancent rapidement vers Paris, ce qui force le Gouvernement français à se réfugier à Bordeaux comme en 1870. Toutefois, un la Ve Armée donne un coup d’arrêt aux I. et II. Armeen allemandes à Guise (Aisne) le 29 août, ce qui donne de l’oxygène à Joffre.
– Ceci dit, si l’histoire militaire a relevé ses erreurs et ses égarements dans les premiers jours de la Guerre, le Généralissime français opte pour la retraite sur l’Ourcq et la Marne. Comme le relève aussi Jean-Christophe Notin, dans l’entourage de Joffre, on pense même à combattre en Bourgogne et dans le Morvan. Fin août donc, par un chaleur étouffante, les fantassins et cavaliers français – qui souffrent littéralement sous leurs lourdes capotes de laines – font marche arrière devant l’avancée allemande. Or, le réflexe de Joffre met à mal le Plan Schlieffen puisque celui-ci prévoyait d’anéantir l’Armée française avant de marcher sur Paris. Or, si les Alliés ont subi des pertes importantes, ils maintiennent leur cohésion.
– Six jours de violents combats vont donc être nécessaires aux Français et aux Britanniques pour repousser les Allemands des abords de Paris et de Reims et stabiliser la situation, mettant en échec toute la stratégie du Schlieffens-Blau (Plan Schlieffen).
* FORCES EN PRÉSENCE
– Face aux forces de von Kluck (I. Armee allemande) et de von Bulow (II. Armee) qui marchent vers Paris après avoir repoussé Français et Britanniques en Champagne et en Picardie, le Généralissime Joseph Joffre dispose de plus de 1 millions d’hommes répartis entre les : VIe armée de Michel Maunoury (Mesnil-Aubry – Dammartin-en-Goëlle), Ve Armée de Louis Franchet d’Espèrey (sur la Marne entre Provins et Montmirail), IVe Armée de Ferdinand de Langle de Cary (entre Vitry-le-François et Bar-le-Duc), la toute nouvelle IXe Armée de Ferdinand Foch (Marais de Saint-Gond – Arcis-sur-Aube) et Corps Expéditionnaire Britannique (BEF) de John French (sur la Marne entre Nogent et Château-Thierry). Enfin, Joffre a déplacé son Quartier Général à Bar-sur-Aube.
– Du côté Français, on craint bien sûr que Paris ne tombe aux mains des Allemands. Le Gouvernement a quitté la capitale pour Bordeaux (il y reviendra à la fin de l’année 1914), pendant que le Général Joseph Gallieni Gouverneur Militaire de Paris, vétéran de Bazeilles (1870) et ancien Gouverneur de Madagascar organise énergiquement la défense de la capitale. Gallieni peut notamment disposer d’unités territoriales : 83e, 85e, 86e, 89e Divisions d’Infanterie Territoriale, 185e Brigade Territoriale et Brigade des Fusiliers Marins (celle qui s’illustrera à Dixmulde), cette dernière unité étant plutôt utilisée comme force de maintien de l’ordre.
– Au début de septembre, la IIIe Armée de Sarrail a dû reculer vers la place de Verdun face à la poussée de la V. Armee du Konprinz Friedrich-Wilhelm von Hohenzollern (le fils de Guillaume II). Tant bien que mal, Sarrail réussit à coller son aile gauche à l’aile droite de la IVe Armée à Revigny.
– Seulement, du côté allemand, von Kluck veut lancer une attaque en force sur Paris, Schwerpunkt (point de rupture stratégique dans le vocable de l’État-major allemand) de la Kaisersheer. Mais voilà, il commet l’erreur de créer une brèche de 50 kilomètres entre lui et von Bülow et présente son flanc droit à la VIe Armée Française.
– Toujours imperturbable dans son PC de Châtillon-s/-Seine (Côte d’Or), à califourchon sur une chaise, Joffre écoute les différents rapports de son renseignement. Constatant l’erreur de von Kluck, il n’hésite pas et ordonne une contre-attaque générale pour le 6 septembre. En voici les détails :
** AILE GAUCHE FRANÇAISE
– Michel Maunoury lance les 45e, 55e et 56e Divisions et Brigade Marocaine du IVe Corps de Victor Boëlle contre le IV. Reserve-Korps allemand (General der Artillerie Hans von Gronau) sur les hauteurs de Penchard et Monthyon. La résistance allemande est acharnée et les pertes françaises commencent à s’accumuler. Toutefois, le VIIe Corps de Frédéric Vautier réussit à développer les Allemands par le nord et le 14e Division d’Infanterie du Général Étienne Timoléon de Villaret atteint Bouillancy. Von Kluck réagit alors en déployant ses I. et III. Armee-Korps face à Manoury, ce qui empêche la 14e DI de dépasser Bouillancy et Lamaze. Le 7, la 45e DI du Général Drude arrache Chambry pendant que la 56e s’empare de Marcilly. Notons la charge du 298e RI qui reprend Nogeon et capture le drapeau du 36. Magdebourg-Regiment. Le 8, Maunoury profite du fait que le IV. Reserve-Korps ne s’est pas entièrement déployé et ordonne encore de cogner dans son dispositif. Les Zouaves de la 45e DI réussissent à enlever Etrepilly au prix de furieux combats. Vincy et Etavigny sont aussi pris mais les forces épuisées de Maunoury ne peuvent aller au-delà de la ligne Plessis-Belleville – Monthyon – Saint-Soupplets, face à la résistance ferme du IV. RK.
– L’épisode des Taxis de la Marne rassemblés par Gallieni reste l’épisode le plus connu – et le plus légendaire – de la bataille de la Marne. Toutefois, comme le montre Jean-Claude Delhez dans la revue Guerre et Histoire, les taxis rassemblés n’ont en tout et pour tout, transporté que les 4 000 hommes de la 7e Brigade de Félineau, arrivée d’urgence depuis le Front de l’Argonne et qui va s’intercaler entre les 14e et 61e Divisions d’Infanterie à Nanteuil-le-Haudouin.
Quoiqu’il en soit, les rives de l’Oise et de l’Ourcq restent françaises.
– De leur côté, les Britanniques de French ont démarré leur assaut plus lentement (avec le Corps de Cavalerie de Conneau sur leur droite) contre l’aile gauche de von Bülow. Ils atteignent la Marne le 7 septembre. Le Ist Corps de Douglas Haig (1st et 2nd Divisions de Lomax et Monro) et la 1st Cavalry Division d’Edmund Allenby prennent Choisy, pendant que le IInd Corps de Smith-Dorrien (3rd et 5th Divisions de Hamilton et Ferguson) piétine devant Coulomiers. Enfin, le IIIrd Corps de Pulteney (4th Division de Snow) parvient à atteindre la ligne Maisoncelles – Giremoutiers. Toutefois, von Kluck, inquiet de ce qui se déroule sur son flanc droit (gauche française), a déployé le IV. Reserve-Korps contre Maunoury pour ne laisser que le I. Kavallerie-Korps de Manfred Freiherr von Richtoffen face aux Britanniques.
– Les 8 et 9 septembre, John French pousse encore son effort vers le nord. Appuyés par l’artillerie et l’infanterie, les Hussars, Dragoons, Lancers et Household d’Allenby repoussent les Uhlans et Kürassier de la Gardes-Kavallerie-Division du Kav.Korps de von Richtoffen. Celui-ci doit replier son unité vers le nord, ce qui menace d’autant plus sérieusement le flanc gauche de von Kluck. Au soir du 9 septembre, les Britanniques sont sur la ligne La Ferté-sous-Jouarre – Château-Thierry.
*** CENTRE FRANÇAIS
A – Ve Armée
– A la droite de la VIe Armée, la Ve de Louis Franchet d’Esperey, attaque elle aussi les forces de von Kluck. Le XVIIIe Corps d’Ernest de Maud’huy réussit à bousculer le III. Korps et à s’emparer de Villiers-Saint-Georges et Sancy. Le IIIe Corps du Général Hache avec les 5e et 6e DI de Mangin et Pétain repoussent le IX. Korps jusqu’au Grand-Morin. Le 7 septembre, le Ier Corps de Henry Deligny parvient à Esternay, pendant que les Bretons du Xe Corps (Defforges), maintient le contact avec Foch en bataillant durement contre les VII. et X. Korps de la II. Armee de von Bülow.
– Le 8, von Kluck déclenche une contre-attaque contre la Ve Armée mais malgré la perte de Montceaux par le XVIIIe CA, les Français tiennent bon et Franchet relance son effort au cours duquel le Ier Corps de Deligny perce au Grand-Morin et atteint Montmirail, forçant l’état-major de von Kluck à déguerpir. Seulement, la Ve armée ne peut exploiter pleinement sa percée car elle doit venir en aide à l’aile gauche de Foch. La jointure des deux armées est assurée par la 20e Division d’Infanterie qui doit repousser plusieurs assauts allemands qui ont pour but d’isoler Franchet de Foch et de percer vers Sézanne. Dans ces combats, le Colonel Pérez, commandant le 2e RI est tué à la tête de ses hommes. Le Xe Corps de Defforges apporte alors son aide aux 7e et 42e DI et passera finalement sous l’autorité de Foch.
– Le lendemain, le Xe CA franchit le Petit-Morin, pendant que le IIIe atteint Rieux. Franchet d’Espèrey vient alors s’installer à l’observatoire de Montmirail, le même où s’était installé Napoléon cent-ans plus tôt. Il dirige alors la manœuvre du lendemain qui voit le XVIIIe CA chasser le IX. Korps, avant de reprendre Château-Thierry ; pendant que le IIIe dégage Montmirail. Conduite par l’un des meilleurs chefs français, la Ve Armée a réussi la plus belle manœuvre de la Bataille de la Marne mais ses troupes sont épuisées.
C – IXe Armée Française (Oyes, Saint-Prix, Mondement et Saint-Gond)
1 – Saint-Prix
– Le 6 septembre, les éléments de la 42e DI de Grossetti sont chassés du village de Saint-Prix par un violent assaut de la 19. Infanterie-Division de Max Hoffman. Les Allemands avancent même jusqu’à Villeneuve-lez-Charleville qui est repris par une contre-attaque du 94e RI (Colonel Margot). Foch ordonne alors au IXe Corps de Dubois qui forme alors son aile gauche de reprendre Saint-Prix et Congy. Mais pour l’heure, l’artillerie lourde de la II. Armee déclenche un feu violent contre la 1re Brigade Marocaine du Général Ernest Blondlat (Régiment Mixte Colonial et Régiment de Marche des Zouaves) qui doit se retirer sur la ligne Broussy-le-Petit – Mesnil – Broussy – Broussy-le-Grand. Mais l’ordre de Foch tient toujours et Humbert n’a d’autre choix que de jeter sa 2nde Brigade (Colonel Cros) avec 3 Compagnies du 162e RI mais l’attaque n’aboutit pas en raison d’un faible soutien d’artillerie. A 17h00, Humbert ordonne à ses soldats de se tenir sur leurs positions.
– Le 7 septembre, la 42e Division d’Infanterie bataille avec acharnement pour tenir le Bois de la Branle, Saint-Gond pour empêcher l’ennemi de déboucher sur Soizy-au-Bois. Le 162e RI du doit se replier sur Montgivroux. Grossetti ordonne alors de contre-attaquer mais les Allemands ne cèdent pas du terrain. Heureusement, le 8e Bataillon de Chasseurs à Pied (Commandant Clavel) réussissent à investir le Bois de Saint-Gond et à s’y cramponner pour maintenir la liaison avec le 77e RI. Enfin, si le 151e RI du Colonel Deville doit évacuer Villeneuve-lez-Charleville, il tient fermement à 200 m au sud du hameau. Point positif pour la 42e DI, le Bois de branle tient toujours.
– Le IXe Corps d’Armée de Dubois subit un violent assaut du X. Korps sur Oyes qui est prise après 05h00 du matin. Les Bois de Saint-Prix et de Saint-Gond sont perdus après de violents combats. Toutefois, la 2nde Brigade Marocaine du Colonel Cros (2nd Régiment de Marche des Tirailleurs du Maroc Oriental et 2nd RMT du Maroc Occidental) tient bon sur Reuvres. Mais pour tenir sa ligne, Humbert doit ponctionner 2 bataillons à la Brigade de Blondlat pour les envoyer renforcer la Brigade de Cros. Humbert demande du renfort à Dubois qui déploie la 52e Division de Réserve en appui.
– Le 9 septembre, Foch décide d’engager rapidement ses renforts. Le 6, il ordonne au Xe Corps (20e DI et 51e DR) entre le Petit Morin et les Bois de Saint-Gond. Ayant relevé la 42e DI, la 51e Division d’Infanterie de Réserve (René Boutegourd) se place entre le Château de Montgivroux et le Bois d’Allemant pour soutenir l’attaque de la Division Marocaine contre Mondement (voir plus bas).
Foch fait aussi donner sa réserve ; la 42e Division d’Infanterie du Général Paul Grossetti qui a pour instruction d’enlever les villages de Saint-Prix, Talus, Les Culots et Soizy-au-Bois (à l’est de Mondement), avec l’aide du 8e BCP. Corse, Grossetti est un personnage assez pittoresque. Ventru et tonnant sans cesse de la voix, cet ancien de la Coloniale passé par l’Algérie, le Tonkin et le Cambodge reste un bon général de Division réputé bon entraîneur d’hommes. Pour l’heure, une estafette vient le trouver, somnolant sur la paille dans la ferme Chapton. Quand il reçoit l’ordre de Foch de se porter en renfort d’Humbert pour remporter un succès de contre-attaque, Grossetti pense que son supérieur lui donne un ordre quasiment suicidaire*. Grossetti s’exécute néanmoins mais l’artillerie allemande et les mitrailleuses Maxim empêchent la 42e DI de reprendre les trois villages.
– De son côté, le 9 septembre, la 20e Division d’Infanterie (formée de Bretons d’Ille-et-Vilaine et de Bas-Normands) franchit le Petit-Morin avec pour mission de s’emparer de Thoult, de Corfélix et de Bannay mais l’artillerie lourde allemande l’empêche de bien progresser et les combats sont particulièrement durs pour enlever les deux petites localités. Le Colonel Pérez, commandant du 2e RI est tué à la tête de ses soldats. Finalement, en fin de journée, Bannay est prise par la 40e Brigade et les Allemands commencent à entamer leur repli. Le 2e RI maintient alors la liaison entre le Corps de Defforges et celui de Dubois.
2 – Mondement
– Dans le secteur de Mondement, le General von Bülow ordonne au X. Korps du General der Infanterie Otto von Emmich de percer dans le secteur de Mondement afin de couper en deux le centre de l’Armée française. Von Emmich doit enfoncer l’aile gauche de Foch entre la gauche de la Division Marocaine et la droite de la 20e DI (2e RI) entre les hauteurs de Mondement et Soizy-aux-Bois. Si l’ennemi ouvre une brèche, la IXe armée toute entière cédera. Ce secteur est tenu par l’une des meilleures unités de l’armée française, la Division Marocaine du Général Georges Humbert, un officier qui a gagné ses galons au Tonkin et en Afrique. Contrairement à ce que sa dénomination peut laisser croire, la Division Marocaine compte une majorité de Zouaves recrutés en Métropole ou chez les Français d’Afrique du Nord mais aussi quelques soldats dits indigènes du Maroc et d’Algérie. Pour l’heure sont les soldats de Humbert tiennent alors la ligne Crête du Poirier – Mondement – Cornes Est du bois de Reuvres. En outre, le secteur de Mondement est tenu par la la 1re Brigade Marocaine de Blondlat.
– Au soir du 8 septembre, Georges Humbert transmet l’ordre au Lieutenant-Colonel Fellert, commandant du 2nd Régiment Mixte Colonial (RMC) de se porter dans le secteur de Mondement – Montgivoux et de s’y cramponner. Problème, Fellert comprend qu’il doit abandonner définitivement Mondement au lieu d’occuper le château. Du coup, le Lieutenant-Colonel donne l’ordre aux Zouaves du Bataillon Modelon de creuser des tranchées en avant du village de Mondement et non dans le village. Autre problème, Modelon et ses soldats sont encore à la Crête du Poirier tout au bout du champ de bataille car le Bataillon avait été « prêté » au Lieutenant-Colonel Cros qui peut le conserver jusqu’au 9 septembre. Finalement, après une suite de contre-ordres, seuls les Tirailleurs et les Zouaves se trouvent aux abords du village.
– Le 8 septembre, la 20. Infanterie-Division d’Alfred Schmundt ouvre la danse avec la 39. Infanterie-Brigade de l’Oberst von L’Estocq. Les Hanovriens de l’Infanterie-Regiment Nr. 164 de l’Oberstleutnant von Herzbruch et l’Infanterie-Regiment Nr. 79 « von Voigts-Rhetz » de l’Oberst Satchow doivent monter à l’assaut de Mondement et du château éponyme. Mais suite à une erreur de transmission d’ordre le 164 part à l’assaut après le 79 en raison de l’épuisement de ses hommes qui sont encore à Oyes. Du coup, le 79 revient à son point de départ.
A 07h30 après plusieurs accrochages avec les Zouaves et sous un duel d’artillerie de campagne l’Hauptmann Purgold (commandant du 2nd Bataillon du 164) réussit à prendre la château aux Zouaves qui doivent se retirer au sud de la bâtisse. A 09h00, le Bataillon Lagrue décide de reprendre le château à partir du Bois d’Allemant. Mais sa tentative est mise en échec par les canons de 77 mm ennemis qui hachent menu le Bois d’Allemant et ses environ causant encore des pertes important chez les « Marocains ». Constatant que les Allemands n’ont qu’à lancer un assaut en aval du Château de Mondement, Humbert appelle immédiatement son supérieur, le Général Dubois commandant du IXe Corps de la situation. Mais Dubois n’a pas de troupes en réserve et doit en avertir Foch dont l’optimisme n’est pas vraiment contagieux chez ses subordonnés. Le commandant de la IXe Armée ordonne alors à Grossetti de céder à Humbert sa dernière réserve existante, le 77e Régiment d’Infanterie du Colonel Lestoquoi.
– Grossetti s’exécute tout de même et envoie immédiatement les Choletais du 77e RI, ainsi que des renforts d’artillerie à Humbert avec les 2nd et 3e Groupes du 61e Régiment d’Artillerie Coloniale du Colonel Boichut. Il lui envoie aussi le 16e Bataillon de Chasseurs à Pied du Chef de Bataillon Chénèble.
– A 10h30, Grossetti détache les Groupes Ménétrier et Aubertin du 61e Régiment d’Artillerie Coloniale qui sont disposés à la sortie de Broyes et de Mondement. Le Colonel Boichut dit « le virtuose du 75 » dirige son tir sur le château mais sans ligne téléphonique, le tir est approximatif. Preuve en est qu’une section du 16e BCP reçoit plusieurs obus. Devant les pertes, le CB Chénèble décide de replier ses unités d’avant-garde.
– A 13h15, Le Colonel Lestoquoi commandant du 77e RI et le Capitaine de Courson de la Villeneuve conduisent eux-mêmes une patrouille qui est accueillie par des coups de feu venus du village de Mondement. Lestoquoi fait transmettre immédiatement le message à Humbert qui donne l’ordre au 77e RI de s’emparer de Mondement. En réponse, Lestoquoi demande une préparation d’artillerie qui arrive par les 75 de la 2nde Batterie du Groupement Schneider. Malgré cet appui, les Bataillons Lachèze et Lagrue du 1er RMZ sont pris sous un violent tir d’armes légères allemandes et ne peuvent avancer. Le Capitaine de Beaufort reçoit alors l’ordre oral de Humbert de s’emparer du Château de Mondement.
– A 14h30, après un tir préparatoire de canons de 75, le 2e Bataillon du 77e RI part à l’assaut avec la 5e Compagnie en tête, devant les 7e et 8e. Gants blancs et sabre au clair, le Capitaine de Beaufort (commandant de la 5e) mène lui-même la charge dans la pure – et très risquée – tradition des officiers français d’Infanterie. Flanqué du Clairon Marquet, le courageux capitaine s’écrie : « En avant mes enfants, pour la France, chargez ! » Il est tué quelques minutes plus tard d’une balle en plein front. Le Capitaine Secondat de Montesquieu est tué quelques secondes plus tard. Mais le Clairon Marquet continue de souffler malgré sa blessure.
Les choletais montent à l’assaut pendant une demi-heure mais voient leurs rangs troués par les tirs allemands. Ceux qui atteignent le château tentent d’escalader portail de fer mais sont immédiatement fauchés et tombent en tas. Les brancardiers qui tentent de venir en aide aux blessés se font tirer dessus eux-aussi. Les Allemands les auraient pris pour des officiers qui tentaient de rassembler leurs hommes.
– A 16h30, Humbert ordonne à Lestoquoi de reprendre l’assaut avec tout le reste du 77e RI. Pendant que le Colonel prépare ses soldats à monter à l’assaut, les 75 tirent « à la bricole » sur le château mais l’artillerie allemande répond, retardant l’attaque des français. A 17h45, les canons français redonnent de la voix durant un quart d’heure et à 18h00, nouveau tir donne avec des obus à la mélinite qui provoquent un incendie de la toiture du château. Le feu se propage ensuite aux étages d’ouvertures, forçant les Hanovvierns du 164 à évacuer. Les Français n’ont plus qu’à investir le potager et le jardin. C’est le 3/77e qui arrive le premier, rejoint par Lestoquoi qui transmet au Général Humbert : « Je tiens le château de Mondement. Je m’y installe pour la nuit ».
3 – Marais de Saint-Gond
– A droite de la Division Marocaine, la 17e DI du Général Dumas qui défend les abords nord des Marais de Saint-Gond sur des points fortifiés subit l’assaut du Gardes-Korps de Karl von Plettenberg, l’élite de l’Armée Impérial où les officiers sont soigneusement choisis parmi la vieille aristocratie prussienne. La 1. Gardes-Division d’Oskar von Hutier (l’un des meilleurs généraux allemands de la Grande Guerre) s’en prend aux 33e et 36e Brigades. Le 135e RI du Colonel Graux doit abandonner la ligne Toulon-la-Montagne – Vert la Gravelle. L’intervention du 77e RI du Colonel Lestoquoi ne change rien et les deux brigades de la 17e DI doivent se replier sur Bannes, le Moulin de Bannes et sur le Mont-Août. Von Hutier pousse alors ses 1. et 2. Brigaden en avant mais elles sont arrêtés par un feu violent de « Glorieux 75 ». Cela permet à la 52e Division de Réserve de positionner des renforts dans ce secteur pour renforcer la défense du Mont-Août et à maintenir la liaison à droite avec le XIe Corps.
– Tout à la droite de Foch, le XIe Corps de Joseph-Paul Eydoux formé de Morbihanais, de Nantais et de Vendéns, avec la 21e DI (Général Radiguet) renforcée par le 293e RI (Lieutenant-Colonel Desgrées du Lou – Régiment levé en Vendée) tient le front entre Morains-le-Petit et Normée. La 22e DI du Général Pambet occupe le secteur compris entre Normée à Lenharrée, l’un de ses régiments étant positionné sur la route de Chalon. Son artillerie est renforcée par celle de la 60e DI. Enfin, la 18e DI du Général Lefèvre est placée en réserve de la IXe Armée.
– En face, le X. Armee-Korps d’Otto von Emmich fait face au Xe Corps. Il aligne la 19. Infanterie-Division de Max Hoffman qui doit se diriger sur La Villeneuve-lès-Charleville, Les Essarts et Saint-Prix, ainsi que la 20. ID de Schwundt qui doit se diriger sur Sézanne. A gauche, les Gardes-Korps de Karl von Plettenberg fait en partie face à la 17e DI et une partie du XIe Corps. La 1. Kaisers-Gardes-Division d’Oskar von Hutier doit s’emparer de Vert-la-Gravelle pour atteindre Broussy-le-Grand, pendant que la 2. Kaisers-Gardes-Division d’Arnold von Wincker doit se diriger sur Bergères en passant par Morains-le-Petit avant de bondir vers Fère-Champenoise.
– Tentant de percer vers Morains-le-Petit, la 2. Gardes-Division s’en prend à la 21e Division d’Infanterie de Radiguet. Subissant le choc, la 41e Brigade doit évacuer la localité pour se cramponner un peu plus au sud à Ecury-le-Repos, pendant que la 42e Brigade tient Normée. En début d’après-midi, les Prussiens de la 4. Gardes-Brigade reprennent leur assaut forçant le 64e RI (Colonel Laffon de Ladebat) à abandonner Ecury-le-Repos. Dans la foulée, Normée tombe, causant un trou entre la 42e Brigade et la 44e Brigade de la 22e Division d’Infanterie. Un Husaren-Regiment s’approche alors de Haussimont pour être violemment repoussé par l’intervention des fantassins du 62e RI (Colonel de Vial). Mais une unité mixte ennemie s’en prend au village de Vatry qui forme se trouve à la liaison entre la droite de Foch et la gauche de la IVe Armée de Langle de Cary. Les Allemands s’emparent de Vassimont qui est repris par la 22e DI durant la soirée. Foch déploie alors immédiatement la 18e Division de Lefebvre en réserve. Plus à droite, la 9e Division de Cavalerie (Général Jean de l’Espée – 1re Brigade de Cuirassiers ; 9e et 16e Brigades de Dragons), se replie sur la ligne Mailly – Sommesous – Poivres pour maintenir la liaison avec les troupes de Langle de Cary (XXIe Corps).
– Le 8 septembre, l’assaut allemand reprend toujours aussi violent. Cette fois, devant la résistance tenace des Français, von Plettenberg a demandé l’aide de la 32. Infanterie-Division (Horst Edler von der Planitz) ponctionnée à la III. Armee de von Hausen (gauche de la II. Armee). L’artillerie de la II. Armee déclenche un tir de barrage violent sur tout le front du XI. Korps pendant que von Plettenberg décide de rameuter la 1. Gardes-Division de von Hutier qui vient se « coller » à la 2. G-D pour percer au sud de Morains-le-Petit par une intervention en second échelon. La 2. G-D de von Wincker repart donc à l’attaque mais elle se heurte à la farouche résistance des Bretons de la 21e DI devant Lenharrée. L’intervention de la 32. ID n’y change rien. Chargeant baïonnette au canon, les Gardes du Kaiser se font cueillir par les « glorieux 75 » à la sortie d’Ecury-les-Repos, Normée et Sommesous. De son côté, la 22e DI résiste bien entre Lenharrée et Haussimont, tenant aussi Chapelaine, Vassimont, ainsi que les Cotes 174 et 182. Elle reçoit ensuite le renfort d’éléments de la 60e DI (Général Joppée) restée en arrière, pendant que la 9e DC lui apporte un soutien sur sa droite.
– Evaluant la situation, Foch se montre encore optimiste estimant que « si les Allemands tentent de forcer le secteur des Marais de Saint-Gond, c’est que les choses sont pire dans les autres secteurs du front ». Il ordonne à Eydoux de lancer une contre-attaque pour reprendre Morains-le-Petit. La 21e DI de Radiguet repart alors à l’assaut mais ne peut atteindre que la lisière du village.
– Durant la soirée, du côté allemand, une conférence réunit von Hausen, von Kirchbach et von Plettenberg. Pensant que le Gardes-Korps peut encore percer à Morains, von Plettenberg lui octroie la 33. Reserve-Division (Karl-Wilhelm Bausch) pour une percée de nuit.
Du coup, dans la nuit du 8 au 9, à 03h00 du matin, l’attaque reprend. Cette fois, la 32. ID s’empare de Lenharée et avance rapidement, capturant pas moins de 22 canons français. Les Français sont complètement surpris. La 33. RD de Bausch parvient à s’emparer de Sommesous et accroche les cotes au sud du village. La 21e DI est désorganisée et seule la 18e de Lefebvre peut tenir ses positions avec l’aide du 290e RI (Col. Hirtzmann). Heureusement, la 22e DI tient encore bon entre Connantray et Montépreux. Du coup, le XIe CA tient encore la ligne Congy – Semoine avec la 21e DI à gauche, la 18e au centre appuyée par les éléments de la 60e et la 22e tout à droite avec la 9e DC.
– Mais durant l’après-midi, von Plettenberg et von Kirchbach reprennent leur assaut et repoussent les Français plus au sud. La 2. Gardes-Division réussit à prendre Fère-Champenoise pendant que la 32. ID occupe Connantray-Vaurefroy. Eydoux lance alors une contre-attaque avec les 21e et 18e DI sur les Cotes 140 et 162mais l’artillerie allemande bloque les assauts français.
– Le 9 septembre, à 06h30, la 21e DI lance une nouvelle contre-attaque pour reprendre Fère-Champenoise. Les Bretons de Radiguet progressent sous un tir de barrage nourri et finissent par atteindre la ferme de Saint-Georges, la Cote 130 et la Vauvre… pour se replier sur ses positions entre Connantre et Euvy, puis derrière Maurienne. C’est durant l’après-midi, profitant du retour offensif de la 42e DI qu’elle reprend Connantre et Conay.
– Du côté de la 18e DI de Lefebvre placée en défensive entre Gourgançon et Euvy, sa 34e Brigade subit un violent assaut dès 08h00 du matin mais tient bon ses positions avec l’aide de ses canons de campagne.
La 22e DI doit repartir à l’assaut contre la Cote 177 à 2,5 km de Semoine mais son attaque échoue face au tir de barrage ennemie. La 60e DI de Joppée, tente de la relayer pour reprendre la route Semoine – Mailly mais elle n’a pas plus de succès. Enfin, tout à droite les Cuirassiers et Dragons de la 9e DC sont aussi repoussés dans leur tentative de reprendre Mailly et Trouarn.
Mais finalement, devant l’épuisement de leurs troupes et suivant les ordres supérieurs, von Plettenberg et von Kirchbach décident de se replier vers le nord sans avoir définitivement percer.
*** AILE DROITE FRANÇAISE
– Dès le 6 septembre, la situation est beaucoup plus difficile sur cette partie du front qu’occupe la IIIe Armée de Maurice Sarrail. Le Ve CA de Micheler, formé de Parisiens, de Briards et d’hommes venus de la région d’Orléans, se fait malmener par la V. Armee du Kronprinz. La 10e DI perd d’ailleurs son chef, le Général Roques. Nattancourt, Brabant-le-Roi, Sommeilles et Villiers-au-Vent sont perdus. Le VIe CA de Martial Verraux doit lui aussi évacuer Séraucourt qui tombe aux mains des VI. Armee-Korps et XIII. Reserve-Korps. Revigny, qui forme la jointure avec la IXe Armée de Foch, doit être abandonné mais l’action conjointe du IInd CA (Augustin Gérard) et du IVe CA (Victor Boëlle) permet de maintenir la cohérence de la ligne française à hauteur de Vassicourt-Villotte. Tout à droite de Sarrail, le Groupement Durand (65e et 67e DI) se fait violemment repousser par le solide XVI. AK de von Mudra et l’intervention des unités de Défense Mobile de Verdun n’y change rien. Les division de Durand ne peuvent tenir Ippécourt, pendant que le Ve CA doit évacuer le plateau de Vassincourt, ce qui menace directement la route de Bar-le-Duc (7 septembre).
Joffre retire immédiatement le XVe CA du Général Espinasse à la IInde Armée de Castelnau (Lorraine) pour le jeter dans la fournaise contre le VI. Res-Korps. L’intervention du XVe CA est bénéfique, puisque elle chasse les Allemands de Mongnéville et la ferme de Maison-Blanche. Cependant, la menace que fait peser l’artillerie lourde allemande sur les arrières du Ve CA force Sarrail à se replier vers le cours de la Meuse. Les 9-10 septembre, les Français défendent avec acharnement les forts de Génicourt et Troyon. Sauf que lorsque les forces du Kronprinz traversent la Meuse à hauteur à La Croix-sur-Meuse, Sarrail décide de replier ses 67e et 75e DI sur Courrouvre. Le retrait de la IIIe Armée s’effectue par une habile opération de diversion opérée par les forces de la Défense Mobile de Verdun. La bataille stabilise dans ce secteur.
– Entre Foch et Sarrail, la IVe Armée de Ferdinand de Langle de Cary se heurte à la défense acharnée des III. et IV. Armee commandées respectivement par von Hausen et par le Duc de Wurtemberg. Entre les 6 et 9 septembre, les Français doivent concéder Vauclerc et Ecrienne. Le 10 septembre, le XXIe Corps d’Emile Legrand-Girarde réussit à prendre Sompuis au prix de furieux combats et d’importantes pertes. Le Général Barbade commandant de la 13e DI est tué. En revanche, le XVIIe Corps de Jean-Baptiste Dumas et le Corps Colonial de Lefèvre perdent Courdemange et Ecrienne. Enfin, les éléments du IInd CA de Gérard perd en partie Favresse mais parvient à se maintenir à Maurupt et empêche les Allemands de forcer le passage. L’effort français s’arrête là.
– Plus à l’est, la IVe Armée de Langle de Cary a elle aussi relancé son effort et repris Vitry, Vauclerc et Ecrienne. Le 12 septembre, von Kluck, von Below et von Hausen replient chacune de leurs unités sur l’Aisne.
Malgré une vigoureuse résistance allemande, von Kluck et von Bulow doivent se retirer.La victoire française de la Marne marque l’échec du plan stratégique Schlieffen qui prévoyait d’écraser l’armée française en peu de temps. Il manquait en fait 120 000 hommes aux Allemands, ceux-ci étant retenus face en Belgique et sur le Front Oriental. Toutefois, l’Armée française est trop épuisée par la saignée de l’été 14 et doit camper sur ces positions reconquises et s’enterrer. La course à la mer va alors commencer plus haut dans les Flandres.
– MIQUEL Pierre, La Première Guerre mondiale, Fayard
– PORTE Colonel Rémy : Joffre, Perrin
– NOTIN Jean-Christophe : Foch, Perrin
– GALLIENI Joseph, La Bataille de la Marne 25 août – 11 septembre 1944, Laville
– DELHEZ Jean-Claude : La Bataille des Frontières, Economica, Paris
– KEEGAN John, La Première Guerre mondiale, Ellipses
– DELHEZ Jean-Claude : Taxis de la Marne, la légende se dégonffle, in Guerre et Historie, N°14, août-sept. 2013– Sources Internet :– http:IIchtimiste.com
– Historique du 82e Régiment d’Infanterie : http://jacques.pingot.free (Pour carte)