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« Les racines de l’espérance »

Nous rééditons cet article qui nous semble être une bonne contribution à la neuvaine pour la France à laquelle France-Histoire-Espérance s’associe pleinement.

« Apprenez, mon fils, que le royaume de France est prédestiné par Dieu à la défense de l’Eglise romaine qui est la seule véritable Eglise du Christ »

C’est par cette citation que l’historien Jean-François Chemain inaugure son ouvrage intitulé La vocation chrétienne de la France. Cette phrase est extraite du Testament de saint Rémi, évêque de Reims, surtout connu pour avoir baptisé Clovis, le roi des Francs, à la fin du Ve siècle. Sur la couverture du livre, on peut voir un coq trônant fièrement au sommet d’un clocher, debout sur une flèche pointée vers l’Orient. Le tout sur le fond d’un ciel bleu, blanc, rouge : comme si cette silhouette, par contraste, était là pour mieux souligner les premiers rayons du soleil, à l’horizon

Dans la préface de l’ouvrage, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, affirme que « le rayonnement de la France à travers le monde s’enracine dans sa vocation chrétienne » et ajoute que « cette mémoire chrétienne est pour nous encore référence et espérance pour le futur ».

Que signifie cette affirmation aujourd’hui ? En quoi l’héritage chrétien de notre pays nous donne-t-il des raisons d’espérer ?

La France est pétrie de christianisme. Un lien particulier unit notre pays à la religion catholique. C’est une réalité historique, malheureusement trop souvent passée sous silence. Comme disait le général de Gaulle : « Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l’histoire de France à partir de l’accession d’un roi chrétien qui porte le nom des Francs ». Fait singulier, le président de la République française est le seul chef d’État à hériter du titre de « premier et unique chanoine honoraire de la basilique papale de Saint-Jean-du-Latran », en tant que successeur des rois de France. On y célèbre d’ailleurs chaque année une messe à l’intention du « bonheur et de la prospérité de la France ». En fait, ce lien particulier qui unit notre pays à l’Eglise consiste bien en une relation mutuelle, tissée au fil des siècles, depuis que le roi d’un peuple barbare, reçut le baptême des mains d’un évêque catholique.

Ce qu’on appelle le « baptême de Clovis » n’est pas un fait anodin, qui relèverait seulement de la sphère privée ou d’une démarche personnelle. C’est un événement qui engage tout un peuple. En cela, il est bien fondateur de l’histoire de France. Par un pacte passé avec Dieu lui-même – Clovis promet de se convertir si Dieu vient en aide à ses armées – c’est la survie d’un peuple tout entier qui est en jeu, et pas seulement le salut personnel de son chef. Et c’est par une prière que cette alliance est scellée : « Ô Jésus-Christ, que Clotilde affirme Fils du Dieu Vivant, toi qui donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, je sollicite avec dévotion la gloire de ton assistance » (…) (Grégoire de Tours, Histoire des Francs, ch. II). L’histoire montrera que cette prière a été exaucée et les armées franques terrasseront l’ennemi à la bataille de Tolbiac.

Ainsi commence l’aventure française : par un cri de désespoir et par une profession de foi. Comme Constantin jadis, Clovis renonce aux dieux païens et se tourne vers le Dieu véritable, celui de sa bien-aimée Clotilde. « Brûle ce que tu as adoré, adores ce que tu as brûlé », tels sont les mots que l’évêque Rémi souffle au fier Sicambre, et qui enflamment son cœur, au moment où celui-ci se trouve plongé dans les eaux vivifiantes du baptême. Depuis, nos rois auront à cœur de préserver cet héritage chrétien et seront pour cela appelés « rois très chrétiens » (à partir de Charles V). Parmi eux, se distinguent notamment : Charlemagne, protecteur du Siège apostolique, saint Louis qui œuvra pour moraliser la vie publique, Louis XIII qui consacra la France à la Vierge Marie ou Louis XVI qui, au moment de sa mort, implora Dieu que son sang ne retombe pas sur les Français.

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Il semble que les racines chrétiennes de la France ne soient plus évidentes pour tous, beaucoup préférant faire remonter notre histoire aux tribus de Vercingétorix, ou même à la Révolution de 1789, plutôt qu’à un baptême catholique, un peu embarrassant, surtout pour les adeptes d’une pseudo-laïcité – qui n’est en fait que le paravent d’un rejet viscéral du christianisme. Cependant, celui-ci n’a cessé de porter des fruits tout au long de notre histoire, comme en témoignent les nombreux saints que compte notre pays : Martin de Tours, Bernard de Clairvaux, Vincent de Paul, Bernadette Soubirous, Thérèse de Lisieux, Jean-Marie Vianney, Fréderic Ozanam, Charles de Foucauld, etc. Mais ils ne sont pas les seuls et d’autres ont participé, à leur manière, à la transmission de cet héritage, dans divers domaines : Couperin, Péguy, Claudel, Bernanos, Poulenc, Duruflé, Chateaubriand, Mauriac, Pascal, Bossuet, Maritain, Mounier, Lubac, Thibon… Autant de noms qui ont marqué notre culture chrétienne. Et nous pouvons ajouter à cette liste, non exhaustive, les nombreux moines et religieuses qui ont humblement apporté leur pierre à l’édifice par leur prière et leurs œuvres de charité. Sans oublier les bâtisseurs de nos églises, et de nos cathédrales, dont les flèches nous invitent toujours à élever notre regard vers le ciel. Tous ces personnages n’ont pas été épargnés par les difficultés mais ils étaient habités par une espérance qui les dépassait et par une foi à « soulever des montagnes »

Oui, si notre pays connait actuellement une grave crise économique, sociale et culturelle, sachons nous tourner vers ces hommes qui ont bâti notre pays et qui ont cru en quelque chose de plus grand qu’eux. Comme Clovis en son temps, ou Jeanne d’Arc face aux Anglais, osons crier vers le Seigneur afin qu’il ranime en nous la flamme de l’espérance, celle qui a brûlé tant de cœurs au cours des siècles. L’espérance n’est pas qu’un vœu pieux, mais comme le dit magnifiquement Bernanos, c’est plutôt un « désespoir surmonté […] On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir » (La liberté pour quoi faire ?, 1953).

Ainsi, loin d’être dépassées, nos racines chrétiennes sont plutôt un appel constant au dépassement. Oui, finalement, les racines de l’espérance, ce sont bien nos racines chrétiennes !

Et d’ailleurs, « France » rime avec « espérance » !

Pierre de La Taille