Campagne des Vosges (1944) : Sixième partie
5 – LA LIBÉRATION DE STRASBOURG
1 – La réaction allemande
– Gerd von Rundstedt et Hermann Balck réalisent alors le danger que représente la percée des Alliés dans la Plaine d’Alsace. Une dangereuse brèche vient d’être ouverte entre la 1. Armee et la 19. Armee. En plus, la pression exercée par le XIIth Corps de la IIIrd Army en Moselle conduit l’Ober-Befehlshaber-West à avertir l’OKW à Rastenburg de la possibilité d’une percée à la gauche de la 1. Armee, menaçant par-là même les frontières du IIIrd Reich, tout comme le bassin de la Sarre par le sud et l’est. Deux conséquences se profilent alors pour les Allemands si rien est tenté : la perte d’une partie du potentiel industriel de l’Allemagne, comme le passage du Rhin par les Alliés.
– Von Rundstedt ordonne alors au Groupe d’Armée H de délivrer la faible 256. VGD (reconstituée) de Hollande pour l’acheminer d’urgence vers l’Alsace. Le 21 novembre, le Groupe d’Armée H lâche la 254. VGD , ainsi que le 4. Gruppe du 401. Volks-Artillerie-Korps. Dans le même temps, la 361. VGD, qui a échoué à tenir la ligne Mittersheil – Schalbach le 21 novembre, se voit renforcée par les dernières réserves de la 1. Armee, soit un bataillon d’infanterie en sous-effectif la compagnie de sécurité du QG d’Armée. Elle reçoit alors l’ordre de regrouper son aile gauche vers le nord et tenir une ligne Mittersheim – Bärendorf – Weyer – Drulingen, d’ouest en est.
Le 22 novembre, von Rundstedt donne au HG G, le PC d’un nouveau corps créé en urgence, le Korps-Kommano « Vogen » pour consolider la défense du secteur de Strasbourg. Pour ralentir l’avance alliée, le Korps « Vogen » doit tenir une ligne allant de la Moder au sud de Wasselonne, à 6,5 km au sud-est de Saverne. Toutefois, afin d’accomplir cette mission, le HG G ne peut donner au Korps-Kommando « Vogen », que d’éléments bien insignifiants, la Feldkommandantur 987, une unité d’occupation située à Haguenau et les forces du commandement allemand défendant Strasbourg, l’unité de commandement de la 49. Infanterie-Division, 2 formations d’Infanterie pompeusement dénommées bataillons (600 hommes en tout) de la Wehrkreis III, ainsi que d’un agrégat de plusieurs petites unités qui affluent vers le Rhin depuis les Wehrkreise V et XII. La 256. VGD doit passer sous commandement du KK « Vögen », aussitôt arrivée dans le secteur de Haguenau, ce qui se fera le 24 novembre.
– Comme le dis Jeffrey L. Clarke, von Rundstedt réalise très vite que ses redéploiements d’urgence ne sont que des soins palliatifs et que seule une puissante contre-attaque peut empêcher une percée alliée. Pour cela, il demande incessamment à l’OKW te libérer la Panzer-Lehr-Division de Fritz Bayerlein, qui est pourtant prévue pour participer à l’Offensive dans les Ardennes. Autant dire que l’OKW est réticent à la céder à Balk. Toutefois, le 21 novembre, l’OKW autorise Bayerlein à mettre sa division en marche pour le nord de l’Alsace. Mais Hitler exige que la Panzer-Lehr soit disponible pour retourner dans le nord pour le 28 novembre. Pour davantage d’efficacité, von Rundstedt stipule fermement à Hermann Balck d’employer la Panzer-Lehr dans une attaque dans la profondeur du dispositif du XVth US Corps. La Panzer-Lehr se rassemble alors à Sarrable, à environ 16 km au nord de Sarrebourg. La mission confiée à la division blindée est de frapper le tronçon de la N 4 entre Sarrebourg et Phalsbourg. Pour soutenir l’attaque, on attribue le 401. Volks-Artillerie-Korps, la 361. VGD alors très affaiblie, et la 25. Panzer-Grenadier-Division, alors en sous-effectif. Balck souhaite que les 361. VGD et la 25. PzGren.Div soutiennent le flanc est de la Panzer-Lehr, afin de contrecarrer toute tentative de la IIIrd Army vers Sarre-Union, 11 km au nord de Sarrebourg.
– Balck ordonne aussi à la 19. Armee de Wiese de former un Kampfgruppe pour faire la jonction avec la Panzer-Lehr dans les environs de Hazelbourg, sur la pente ouest des Hautes-Vosges. Pour libérer des troupes afin de soutenir la contre-attaque, Balck autorise Friedrich Wiese à retirer la plupart de la position défensive des Vosges, incluant toutes les unités situées entre le secteur de Blamont et le Col de Saales, environ 17 km de distance. Ce dernier message révèle alors le peu d’information dont dispose Balck sur l’état de la 553. VGD, qu’il pense encore en train de tenir fermement le secteur de Hazelbourg. L’idée de lancer une une seconde contre-attaque en une pince sud s’avère irréalisable.
A l’est des Vosges, Balck espère disposer de la 256. VDF pour lancer une attaque au sud depuis Haguenau mais seul une force équivalente à un régiment est alors disponible au matin du 24 novembre. Mais finalement, Balck est assuré de disposer de la 254. VGD provenant de Hollande pour le 28 novembre, date à laquelle elle doit sécuriser les secteurs conquises par la Panzer-Lehr. Avec un optimisme presque éhonté, Hermann Balck assure von Rundstedt de remporter des résultats probants. Toutefois, son enthousiasme n’est guère partage par Otto von Knobelsdorff, qui estime que la Panzer-Lehr sera bien chanceuse si elle parvient à tenir ce que ses propres forces étaient encore censées contrôlées.
2 – Achever le serment de Koufra
– Du côté allié, on est bien plus optimiste même si Patch et Haislip restent sagement prudent. Il reste qu’ils tentent de maintenir la bride sur Leclerc, trop impatient de lancer ses soldats sur Strasbourg. Et leur talentueux subordonné est soutenu par de Gaulle au niveau politique. Le 21, Alexander M. Patch ordonne à Haislip de capturer Haguenau puis Soufflenheim, à l’est de Haguenau et à environ 5 km du Rhin. Haislip décide alors de lancer ses unités de flanc garde maintenues à l’ouest des Vosges pour sécuriser le secteur de Molsheim, à environ 12 km au sud de Saverne. Cette action permettra alors de tourner l’arrière des forces allemandes qui tiennent les Hautes-Vosges face au VIth Corps de Brooks.
– Mais finalement, Patch ordonne à Haislip « d’attaquer Strasbourg » en employant ses éléments blindés afin d’aider le VIth Corps à libérer la ville. Même si techniquement, Strasbourg se trouve être l’objectif du VIth Corps de Brooks, la ville se trouve alors à portée du XVth Corps. Après la prise de Strasbourg, le XVth Corps remonter la rive gauche du Rhin jusqu’au secteur de Soufflenheim-Rastatt, ce qui permettra de préparer une traversée en force du Rhin. De son côté, le VIth Corps doit traverser le Rhin dans le secteur de Strasbourg, ou bien, exploiter la tête de pont que le XVth Corps aura constitué.
– Prenant en compte les ordres complémentaires au matin du 22 novembre, Haislip ordonne à Leclerc, qu’aussitôt achevé le nettoyage du secteur de Saverne, la 2e DB fonce d’abord sur Haguenau avant de bondir sur Strasbourg qu’elle devra sécuriser si elle arrive avant le VIth Corps. Autant dire que Leclerc va s’employer à faire entre ses chars et ses hommes avant les vétérans de Sicile, d’Italie et de Provence d’Edward H. Brooks. En parallèle, la 44th Infantry Division de Spragins doit forcer la ligne Haguenau – Soumenheim, tandis que la 79th de Wyche doit se déployer à l’est des Vosges pour soutenir les deux autres divisions. La mission de sécuriser Molsheim revient alors au 179th Infantry Regiment (Colonel J.C. Murphy) de la 45th Infantry Division « Thunderbird » de William W. Eagles, alors rattachée au XVth Corps. La sécurité et la liaison au nord de Sarrebourg à l’ouest des Basses Vosges revient au 106th Cavalry Group et par les deux autres régiments de la 45th Infantry Division.
– De son côté, Leclerc ordonne au Colonel de Langlade de faire rouler les Sous-Groupements Rouvillois et Massu dans la plaine d’Alsace en direction de l’est (Rouvillois au nord et Massu au sud). Il laisse alors volontairement Haguenau aux Américains, à la colère de Haislip.
– Le 23 novembre à 07h15, par un temps particulièrement froid, le Colonel Dio lance les deux colonnes de son Groupement Tactique dans la plaine d’Alsace, suivi par de Langlade. Tournant chaque poste avancé allemand et les petites garnisons installées dans les petites villes agricoles alsaciennes, le Sous-Groupement Rouvillois entre dans Strasbourg à 10h30, surprenant totalement les Allemands commandés alors par le Général Vaterrodt. C’est le char Evreux du détachement Briot qui entre le premier. Le Sous-Groupement Massu rencontre quant à lui une résistance beaucoup plus dure lorsqu’il contourne Strasbourg par le nord-ouest, perdant des hommes et plusieurs chars. Mais finalement, Massu réussit à entrer dans les faubourgs de Stasbourg. Plus tard, vers 13h00, le GT V du Colonel de Guillebond – avec les Sous-Groupements Cantarel et Putz – , s’élance lui aussi en force vers les accès ouest Strasbourg, entraînant un bataillon du 313th Infantry Regiment. Pendant ce temps, le Commandant Rouvillois fait rouler ses chars et Half-tracks dans les rues de Strasbourg et s’empare du pont d’Anvers sur le Petit-Rhin. Plusieurs casernes se rendent. Il faut alors s’emparer du pont autoroutier et du pont ferroviaire de Kehl. Ce sont les éléments du 12e Régiment Cuirassiers, épaulés par les fantassins du RMT qui s’en emparent de vive force en culbutant les défenses allemandes. Mais il faut aussi neutraliser les tireurs positionnés dans les fenêtres, tout comme les pièces antichars. Bientôt, l’artillerie et les mortiers allemands donnent de la voix depuis la rive est, forçant Rouvillois et ses véhicules à se replier à couvert. Le Général Vaterrodt avait préféré ignorer les ordres de renforcer les positions dans la plaine d’Alsace, contrant ses forces à la défense du secteur de Kehl. Rouvillois fait plusieurs tentatives pour s’emparer de Kehl du 23 au 24 novembre mais en raison du manque d’appui blindé, il doit se contenter de maintenir les allemands isolés du reste de Strasbourg.
En début d’après-midi, les éléments du 501e Régiment de Chars de Combat et le Régiment Blindé de Fusiliers Marins arrivent pour nettoyer les quartiers de Neudorf, de la Bruche et de la Montagne Verte. Au sud de Strasbourg, le détachement Gerbey (Sous-Groupement Cantarel) descend le cours de l’Ill vers le sud. Finalement le Général Vaterrodt signe la capitulation de Strasbourg le 23 novembre et le drapeau français flotte sur la Cathédrale Notre-Dame..
– Une prise d’armes a lieu le 26 novembre en présence du Général Leclerc, de ses officiers et des Strasbourgeois.