Jacques Heers présente un manuel historiquement incorrect !
Nous vous avions récemment informés de la disparition du grand historien, le 10 janvier dernier. Celui-ci nous offre un très beau texte constituant la préface de la réédition d’un manuel d’histoire fort recommandable-réalisé par Anne de Mézeray- bien loin des canons de la bien-pensance et de l’historiquement correct que nous subissons. Un texte a méditer et un manuel à offrir à vos enfants- petits ou grands !
« Nos manuels d’Histoire datent de plus d’un siècle. Depuis la loi qui instituait obligatoire
l’école proclamée « laïque », l’Etat a toujours gardé un sévère contrôle sur son enseignement. « L’instruction publique » ne devait pas seulement apprendre à lire, à écrire et à compter : il fallait aussi servir une République qui avait été élue à une si courte majorité, former des esprits et contraindre les enfants à penser comme on le souhaitait. Plus tard, jetant le masque, on fit de ce ministère celui de « l’Education nationale », mot liberticide et pourtant utilisé sans vergogne et toujours de saison. La recherche historique en était alors à ses premiers balbutiements : Jules Ferry, ses collaborateurs, ses conseillers pédagogiques et les auteurs des livres de classe, soigneusement choisis pour leurs engagements et les gages donnés à la laïcité combattante, se sont contentés de puiser de faisceau de légendes ou d’anecdotes, le plus souvent dans les recueils de libelles et de pamphlets.
On ne fit certes pas dans le détail. L’important était de toujours présenter ce que les maitres appelaient « l’Ancien Régime » comme un temps de tyrannie et d’injustice sociale où tous les abus servaient les privilégiés. Montrer les dix siècles d’une époque affublée du nom de « Moyen Age » comme une interminable nuit d’obscurantisme et d’abrutissement des esprits et les temps qualifiés de « féodaux » comme ceux de la désolation. Plus et
surtout, et là avec une application dont on trouve peu d’exemple ailleurs, il fallait combattre avec un rare acharnement toute forme de vie spirituelle, en réservant les plus dures critiques, jusqu’au vulgaire et au ridicule dans l’expression, à l’Église catholique : là encore, abus de toutes sortes, moines paillards ou ignorants, etc.
Pour frapper et anéantir toute réflexion, on faisait, et l’on fait encore dans les manuels, et peut être avec plus de constance et d’agressivité dans les médias et tout particulièrement dans les émissions de télévision, usage de fausses vérités, d’omissions programmées, de formules à l’emporte- pièce. Comme de dire et redire, bien sûr sans aucune preuve à l’appui, que, sous cet Ancien Régime détestable, le commun peuple était « écrasé d’impôts » alors que la moindre enquête aurait aussi montré que taxes et redevances d’autrefois étaient, tout au long des siècles, très peu de choses comparé à ce que nous paons aujourd’hui. L’enfant est pris au piège dès son plus jeune age et habitué par force à l’idée de progrès. Mis ainsi sous la férule d’une pensée unique, il demeure tout au long de sa vie d’homme ignorant de l’héritage de ses pères.
Le grand art était d’accompagner les leçons d’anecdotes et de rappels de faits divers, de textes d’auteurs inspirés par le mépris ou la haine, de citations de petites phrases ou sorties de leur contexte ou, tout simplement et bien plus souvent, inventées pour la cause. Ces manipulateurs de l’opinion ont excellé dans l’emploi de mots choisis à dessein, mots qui, maintenus par l’usage imposé, ont connu une telle fortune que rien ne peut aujourd’hui nous en délivrer. Des beaux esprit des salons du XVIIIè siècle, on fait des philosophes qui auraient illustré une « ère des Lumières », sans oser les remettre en leur place et dire que ces gens, écrivains besogneux, font bien pauvre figure face à ceux du temps de Louis XIV. On ose montrer des assemblées révolutionnaires de 1789-1793 comme les expressions d’un suffrage honnête et l’on ne manque jamais de nous faire voir Mirabeau, cet homme sans foi ni loi, aventurier véreux, vendu de tous cotés, se hausser du col pour défendre « la volonté du peuple » !
Les maitres d’œuvres et l’auteur du présent manuel ont choisi pour titre Histoire de France , marquant par là que les premières années d’étude du passé devraient être réservées à ce qui s’inscrit dans le cadre proche et familier. Un enfant doit, sauf exceptions, d’abord bien connaitre sa langue maternelle, en maitriser les nuances et s’exprimer de façon claire et nette avant d’apprendre une ou plusieurs autres langues. S’appliquer à faire connaitre, de façon forcément approximative et superficielle, le passé d’autres pays, leurs us et coutumes, leurs religions et les lois de leurs Etats est céder à une sorte de fascination pour l’exotisme. L’ouverture au monde mérite plus que cela.
L’Histoire par thèmes, mode lancée par des pédagogues qui n’avaient jamais enseigné et ne cherchaient qu’à faire, un moment, parler d’eux, n’est plus de saison. Aussi, l’auteur s’est appliqué à toujours respecter la chronologie. Ici, l’élève ne perd pas ses repères ; il prend conscience de l’épaisseur du temps et voit tous les événements, tous les faits culturels ou économiques parfaitement datés, insérés dans leur contexte.
Le livre n’offre certes pas une suite d’images d’Epinal mais on n’y trouve pas de leçons tout entières consacrées à détailler, une par une, jour par jour, les journées révolutionnaires et pas davantage mention de toutes les batailles de Napoléon qui ont, les unes et les autres, laissé la France exsangue et dévastée. L’auteur a réservé de longs chapitres, bien documentés, écrits pour être lus avec plaisir, aux travaux des hommes qui, de leurs mains, par leur constante application, ont forgé le pays de France, construit ce paysage rural harmonieux et ces villes de taille humaine, elles aussi empreintes de sagesse et d’harmonie, si belles, si humaines que des touristes du monde entier viennent les admirer. Et, plus encore, des leçons que l’on ne trouvait nulle part ailleurs pour parler de la foi chrétienne, des monastères, des blanches églises et des cathédrales qui font toucher du doigt et garder en mémoire que si la France a repris ou adapté une part de l’héritage gréco-romain, ses racines sont bien chrétiennes.
En brisant un monopole d’Etat, ce livre de classe ouvre la voie à un enseignement de l’Histoire qui veut témoigner de respect et de gratitude. Les élèves vont comprendre que jeter sur les temps passés un regard de snobisme ou de condescendance, se croire supérieur au nom du progrès et du modernisme à nos Anciens ne se justifie d’aucune façon. Mais, au contraire, à l’étude de ce manuel, ils pourront se dire et se montrer fiers du passé ainsi évoqué et garder, au fond d’eux-mêmes, toujours de la sympathie pour ceux qui ont œuvré à construire ce qu’ils nous ont laissé, ce sans quoi nous ne serions pas ce que nous sommes. »
A voir ici : http://www.renaissancecatholique.org/Nouvel-article,252.html
Et sur FHE https://www.france-histoire-esperance.com/jacques-heers-nous-a-quitte/