– Dans le cadre de la Campagne des Alpes de 1945 (que je détaillerai dans un article plus fourni), le Général Doyen déclenche l’opération « Canard » afin de conquérir le Massif de l’Authion dans les Alpes-Maritimes. Ce sont les « vieux » FFL de la 1re Division de la France Libre du Général Pierre Garbay qui sont chargés de la mission.
Le Général de Gaulle, qui a remis l’Ordre de la Libération aux « Pacifiens » du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP ; Commandant Edmond Magendie) et à la 13e Demi-Brigade de la Légion Etrangère (DBLE ; Lieutenant-Colonel Bernard Saint-Hillier). Il déclare à ceux qui furent parmi ses premiers soldats ralliés, privés de conquête de l’Allemagne, qu’ils « marcheront jusqu’au Tyrol » ajoutons que « Les Alpes seront françaises ». De Gaulle a bien sûr des arrière-pensées politiques : arracher plusieurs pans de terre italienne qui seront rattachés à la France. Et le Général américain Jacob L. Devers a même exceptionnellement autorisé la DFL à pénétrer de 20 km au-delà de la frontière italienne mais sans aller à Turin… Interdiction que certains FFL passeraient volontiers outre.
– Le 9 avril, la 1re DFL reçoit l’ordre d’attaquer dans l’Authion (2 000 m d’altitude environ) avec pour ordre de « rejeter l’ennemi sur le Col de Tende », avec pour objectif sous-entendu de mettre la main sur les petites villes montagnardes de Breil-sur-Roya, Tende et La Brigue, quasiment à la frontière italienne. Mais dans l’état-major de la 1re DFL, on est divisé. Certains veulent foncer sur Turin. Saint-Hillier souhaite attaquer par le Col de la Lombarde, plus facile d’accès (il connaît bien la région pour y avoir servi comme jeune officier breveté dans les années 1930). C’est aussi par ce même col que les troupes du Maréchal Serrurier sont entrées en Italie en 1795. Mais Garbay préfère passer par le Col de Tende. Doyen choisit finalement de trancher en faveur de la seconde option.
– Le plan opérationnel de Garbay subit une modification. Au départ, les Légionnaires de la « 13 » ont pour mission de s’emparer des fortins gardant l’Authion. Mais comme l’explique Jean-Christophe Notin, le Lieutenant-Colonel Saint-Hillier fait savoir qu’un tel assaut est trop risqué pour ses hommes, arguant qu’il faudrait d’abord bombarder les forts ou « leur envoyer du gaz ». Par conséquent, le Colonel Raymond Delange, patron de la 4e Brigade décide, rageur « moi j’irai ! » Avec l’aide de Skieurs du 3e Régiment d’Infanterie Alpine (Colonel Lelaquet), le Bataillon de Marche 21 (BM 21) du Capitaine Oursel doit s’emparer de la Baisse de Saint-Véran et des fortins du Col de Raus (nord). Le BM 11 du Capitaine Henri Brisbarre doit s’emparer des ouvrages de la Déa, de la Gonella et de l’Arboin. Pour cela, il doit attaquer en deux colonnes qui doivent respectivement progresser depuis la Bauss d’Ando et la Tête de Cayes.
Au sud, la 2nde Brigade du Colonel Roger Gardet (22e Bataillon de Marche d’Afrique du Nord et BM 4) doit forcer le Col de Brouis, la Tête-du-Bosc et mettre la main sur Breil-sur-Roya. Au nord-ouest, le 2/3e RIA doit conquérir le Mercantour, massif frontalier de l’Italie.
[ Pour la carte des opérations, cliquer sur le lien suivant :
http://divisionfrancaiselibre.eklablog.com/etape-n-45-debut-de-l-offensive-sur-l-authion-journee-du-10-avril-1945-a114700358 ]
– Le 10 avril, le Groupe de chasse 2/6 attaque les ouvrages défensifs de la Forcia et des Mille-Fourches. Ensuite, le 1er RA du Lieutenant-Colonel Maubert (3e Groupement de Marsault) opère un tir préparatoire de trente minutes (09h00-09h30) depuis la Cime de Peïra Cava. Dans la foulée, le BIMP de Magendie attaque depuis les pentes nord et sud du Col de Turini avec le 1er Escadron du 1er Régiment Blindé de Fusiliers Marins (Capitaine de Corvette Barberot). Les chars M5 Stuart et les automitrailleuses M8 Greyhound doivent progresser sur des chemins rapidement et bien aménagés par les équipes du 1er Bataillon du Génie. Le BIMP, les chars et un détachement d’assaut équipé de lance-flamme attaquent Cabanes-Vieilles. Mais ils sont violemment repoussés et doivent se retirer. Les Métropolitains et Polynésiens du Commandant Magendie accusent tout de même 30 tués !
– Mais le 11 avril, les « Pacifiens » repartent à l’assaut et réussissent néanmoins à tenir sur les Cotes 2068 et 2026. En revanche, le BM 21 et les éclaireurs à ski s’emparent de la cime de Raus, du Tuor et des ouvrages du Col de Raus. Le fort principal est pris d’une façon presque comique, le char de l’Enseigne de Vaisseau Lamothe-Dreuzy s’arrête devant l’entrée. Une quarantaine de soldats allemands en sortent mains en l’air. Le BM 11 parvient à s’emparer du Camp de Cabanes-Vieille. Les Mille-Fourches tombent aussi aux mains des Français.
Les combats reprennent le 12. A 13h00, le BIMP parvient à prendre le piton au nord de la Cote 2026. De son côté, le BM 21 s’empare de la Forcia avec la 7e Cie du BM 11. Ce dernier fait tomber Plan-Claval durant la soirée. Il reste à attaquer la Pointe des Trois Communes, fortifié par le solide ouvrage de la Dea. Un assaut est mené par les chars du Lieutenant Hautière, des artilleurs de la compagnie antichar et des fantassins. Malgré la mort de Hautière, les chars réussissent à approcher, transportant des hommes du BM 11. Mais les Allemands finissent par se rendre, craignant une attaque au lance-flamme.
– Plus au sud, la 2nde Brigade passe à l’action pour appuyer l’attaque principale. Le 22e BMNA du Commandant Bertrand démarre sa marche en aval de Notre-Dame de la Ménour entre la Cime de la Lipière et le Mangiaba, au nord du Fort de Brouis. De son côté, le BM 4 du Commandant Jean Butin progresse sur la D 2204 au pied de la pente ouest de la Cime des Termes, avant de se scinder en deux colonnes. La première oblique vers l’ouest et s’empare du Fort du Brouis situé à 1 440 m d’altitude environ, ce qui permet de forcer le col. La seconde colonne s’empare de la Cime du Bosc qui permet d’observer Breil-sur-Roya.
– Le 13 avril, plus au sud, la Légion Étrangère entre dans la danse (2nd et 3e Bataillons de la Légion Etrangère) avec le BM 21. Mais la progression est difficile, car chaque bataillon avance dans des vallées encaissées sans pouvoir se couvrir mutuellement. Le 2nd BLE du Commandant Simon, le BM 21 et plusieurs chars du 1er RFM progressent vers l’Arbouin, faisant tomber les cols de Giagiabella, Gonella et Ventabren. Le BM 11 s’empare de la Tête de la Secca. En revanche, le BM 21 se retrouve bloqué sur la Cime du Pézurbe, étiré sur 10 km. Mais finalement, ils sont dégagés par l’intervention des Légionnaires.
Le lendemain 14 avril, le 3e BLE du Commandant Lalande entrent en ligne. Dépassant les lignes du BM 11, ils tentent d’avancer sur la Béole mais y restent bloqués à 1,2 km environ par un violent tir de mortiers et de mitrailleuses. Plusieurs légionnaires ayant participé à Bir-Hakeim, ainsi qu’aux campagnes d’Italie et d’Alsace sont tués sur les pentes montagneuses.
Le 15 avril, Garbay relance sa 1re DFL dans les vallées des Alpes Maritimes. Finalement, le 3e BLE parvient à s’emparer de la Béole et le 2nd BLE fait de même contre l’Arbouin. La vallée du Cairo est bientôt sous contrôle, de même que la Caussega, la cime du Bosc, la Croix de Cougoule, Brouis et Breil-sur-Roya. Pour les FFL, la frontière italienne est tout proche. Nombre d’entre eux espèrent marcher sur Turin… Mais plus de 270 soldats français ont été tués sur cette partie oubliée du Front.
Sources :
– NOTIN Jean-Christophe : « Le Général Saint-Hillier. De Bir-Hakeim au putsch d’Alger », Perrin
– http://www.memoire-des-alpins.com
– http://divisionfrancaiselibre.eklablog.com