Fantassins de 1914 – Les Russes (5)
Si son nombre impressionne toujours et si les grandes parades devant le Tsar ou les dignitaires étrangers rassure, l’Armée Russe est à l’image du pays sur le plan politique, un colosse aux pieds d’argile. D’autant plus que le prestige né du règne d’Alexandre Ier a brutalement à l’issue de la défaite contre le Japon en Mandchourie (Guerre de 1904-1905).
1 – HOMMES ET RECRUTEMENT
A la veille du déclenchement de la Guerre, l’Armée Impériale russe compte le plus grand nombre de soldats d’active, soit plus de 1,4 million d’hommes. Lors de la mobilisation, ce sont plus de 4 millions de soldats réservistes, toutes armes confondus, qui sont levés dans tout le pays. L’Infanterie est l’arme la plus nombreuse avec plus de 85% des effectifs. C’est une arme de masse qu’on lance à l’assaut pour submerger les positions ennemies.
Sauf qu’hormis les prestigieux Régiments de la Garde Impériale (Preobrajenski, Izmailovski, Semienovski), les unités d’infanterie russe n’ont absolument pas la qualité de leurs alliées et de leurs ennemis. Cette lourde carence – qui n’a pas été résolue après la défaite contre la Japon en raison du manque de compétence du commandement et des officiers – va peser très lourd dans la conduite de la guerre. S’il n’est pas un lâche, loin de là, le soldat russe est mal encadré et mal instruit. La formation au maniement des armes est rudimentaire, la charge à la baïonnette étant bien plus privilégiée que le tir et les cours de tactique sont bien souvent inexistants. La formation à l’entretien aux armes est parfois catastrophique. Ajoutons à cela que l’engagé ou même le soldat d’active est bien souvent soumis à la dureté d’officiers qui n’hésitent pas à user du châtiment corporel, parfois sans raison justifiée. On trouvera bien sûr des exemples d’officiers consciencieux qui feront l’admiration de leurs soldats mais ces cas de figure ne sont pas les plus nombreux.
Le fantassin russe est un paysan, à plus de 90%, même si l’on trouve des gens issus de familles de métiers tels les instituteurs ou les cheminots. Les soldats issus du milieu rural sont pauvres dans leur écrasante majorité mais une très grande partie d’entre eux sait lire et écrire grâce aux réformes engagés par Alexandre II. Habitué aux travaux pénibles des champs et aux températures extrêmes, le fantassins russe est rustique, dur au mal et endurant. Malheureusement, ces qualités sont mises à mal par l’encadrement de mauvaise qualité qui n’est pas sans entraîner une forte démoralisation manifestée par un important taux d’alcoolisme (fléaux que l’on retrouvera en 1941…). L’âge varie ; on trouve des soldats assez jeunes comme on peut trouver des pères de familles quarantenaires. Enfin, le fantassin paysan est souvent très croyant, attaché à l’Orthodoxie et aux icônes de son église. C’est toutefois de ces milieux dont sont issus plusieurs futurs grands maréchaux de Staline (Joukov, Malinovski…). On compte une petite partie de Juifs de Russie mais d’autres unités situées sur les frontières de l’Empire sont composées d’ethnies et de peuples slaves ou non slaves (Polonais, Lituaniens, Lettons, Estoniens, Finlandais, Géorgiens, Ossètes, Turkmènes, peuples sibériens).
Les Officiers Russes sont bien sûr issus de milieux plus privilégiés ; classe moyenne, bourgeoisie, paysannerie aisée – « Koulaks » – et surtout noblesse terrienne. Celle-ci s’accapare encore les postes importants d’officiers ; le rang passant avant les compétences.
Enfin, le recrutement et la mobilisation s’effectuent par Districts militaires (Okroutovi) qui mobilisent plusieurs Corps d’Armées (Saint-Pétersbourg, Moscou, Vilno, Varsovie, Kiev, Odessa, Kazan, Caucase, Turkestan, Omsk, Irkoutsk et Amour). Les Districts militaires sont scindés en Subdivisions civiles qui forment les Divisions d’Infanterie.
2- UNIFORMES, EQUIPEMENT ET ARMEMENT
Les fantassins russes portent une tenue de combat qui ressemble quelque peu à celle des champs ; une tunique à col fermé et un pantalon en coton. Il porte de hautes bottes en cuir et une casquette en guise de coiffe. Pour l’hiver et le mauvais temps, il bénéficie d’un long manteau et se coiffe d’une toque en fourrure ou de la traditionnelle tchapka. Les munitions sont contenues dans des cartouchières accrochées à un ceinturon pendant que les effets personnels – souvent réduits au strict nécessaire – sont contenus dans une besace et dans une couverture de laine enroulée portée en bandoulière.
En matière d’armement individuel, le fantassins russe dispose du fusil de conception russo-belge Mosin-Nagant M1891 7,62 mm x 54R dit « fusil à trois lignes » (du nom d’une ancienne unité de mesure russe). De conception simple et rustique, il est d’un poids de 4 kg et assez long (1,28 m). Il porte toutefois a près de 1 300 m et pour le corps-à-corps, il peut être doté d’une baïonnette à lame fine à douille.
Enfin, les officiers russes sont armés d’un revolver d’ordonnance, ainsi que d’un sabre à lame courbe. Les grenades, souvent de conception rudimentaire sont assez peu diffusées.
Enfin, l’armement collectif tourne autour de la Mitrailleuse Maxim SPM M1910. Il s’agit d’une reprise de la célèbre mitrailleuse allemande mais d’un calibre de 7,62 mm et à refroidissement par air. Elle est aussi doté d’un bouclier de protection et de roue pour être déplacée plus facilement.
[Suite]