Charles III, roi simple et complexe de France

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Charles III, roi simple et complexe de France

Charles III, surnommé « le Simple » ou « le Franc », fut roi de Francie occidentale de 898 à 922 et roi de Lotharingie de 911 à 923. Malgré son surnom qui pourrait prêter à confusion, Charles n’était pas considéré comme un souverain stupide. En latin, « Carolus Simplex » signifiait plutôt « le Franc » ou « le Direct », soulignant sa franchise et sa droiture. Néanmoins, son règne tumultueux, marqué par des conquêtes territoriales importantes mais aussi par une révolte nobiliaire qui causa sa chute, révèle un personnage bien plus complexe que son surnom ne le suggère.

Origines et accession au trône

Né le 17 septembre 879, Charles III était le fils posthume du roi Louis le Bègue et d’Adélaïde de Paris. Son chemin vers le trône fut loin d’être direct. À la mort de son demi-frère Carloman II en 884, Charles, alors âgé de cinq ans, fut écarté du pouvoir au profit de son cousin Charles le Gros, déjà empereur et roi de Francie orientale. Après la déposition de ce dernier en 887, ce fut Eudes, comte de Paris et héros de la défense de Paris contre les Vikings, qui monta sur le trône, tandis que le jeune Charles était placé sous la protection de Ranulf II, duc d’Aquitaine.

Ce n’est qu’en 893, à l’âge de 14 ans, que Charles fut couronné à Reims par une faction opposée au règne d’Eudes. Il dut cependant attendre la mort de ce dernier en 898 pour devenir pleinement roi de Francie occidentale. Cette longue attente et ces premières années de règne contesté ont certainement forgé le caractère du jeune souverain, déterminé à affirmer son autorité et à restaurer le prestige de la dynastie carolingienne.

Réalisations majeures

La création du duché de Normandie

L’un des actes les plus marquants du règne de Charles III fut la signature du traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911. Après une victoire contre les Vikings près de Chartres le 26 août de la même année, Charles choisit de négocier avec leur chef, Rollon. Ce traité historique créa le duché de Normandie, cédant aux Vikings toutes les terres entre la rivière Epte et la mer, ainsi que des droits sur la Bretagne. En échange, Rollon prêta allégeance à Charles, accepta le baptême et épousa Gisèle, fille du roi. Cette décision, souvent critiquée par ses contemporains, s’avéra pourtant visionnaire : elle transforma d’anciens envahisseurs en défenseurs du royaume contre de nouvelles incursions scandinaves et intégra les Normands dans le royaume franc.

L’acquisition de la Lotharingie

En 911 également, à la mort de Louis l’Enfant, dernier roi carolingien de Francie orientale, les nobles de Lotharingie choisirent Charles comme leur nouveau souverain, sous la direction de Régnier, duc de Lorraine. Cette acquisition territoriale majeure étendait considérablement le domaine royal vers l’est et représentait une victoire symbolique importante pour Charles, qui récupérait ainsi une partie de l’héritage de Charlemagne. Il défendit avec succès ce territoire contre deux attaques de Conrad Ier, roi de Germanie, démontrant ses capacités militaires et diplomatiques.

Les territoires sous l’autorité de Charles III
Territoire Période Circonstances d’acquisition
Francie occidentale 898-922 Succession légitime après Eudes
Lotharingie 911-923 Élection par les nobles lotharingiens
Duché de Normandie Créé en 911 Cédé à Rollon comme fief vassalique

La révolte des nobles et la chute

Malgré ces succès territoriaux, le règne de Charles fut progressivement miné par son conflit avec la noblesse franque. Le favoritisme excessif qu’il accorda à un certain Hagano, noble de rang moyen et parent de sa première épouse Frédérune, suscita le mécontentement des grands du royaume. Charles commit l’erreur de donner à Hagano des monastères qui étaient déjà des bénéfices d’autres barons, s’aliénant ainsi leur soutien. Cette situation s’aggrava après la mort de la reine Frédérune en 917, qui avait laissé six filles mais aucun fils, créant une incertitude quant à la succession.

En 919, Charles épousa Eadgifu, fille d’Édouard l’Ancien, roi d’Angleterre, qui lui donna un fils, le futur Louis IV d’Outremer. Mais ce mariage ne suffit pas à renforcer sa position. L’exaspération des nobles atteignit son paroxysme en 920, lorsqu’ils capturèrent le roi. Bien que libéré après des négociations menées par l’archevêque Hervé de Reims, Charles ne put empêcher une nouvelle révolte en 922, menée par Robert de Neustrie, frère d’Eudes, qui fut élu et couronné roi par les rebelles.

Les dernières années

Forcé de fuir en Lotharingie, Charles tenta un retour en 923 avec une armée normande, mais fut vaincu à la bataille de Soissons le 15 juin. Robert mourut pendant la bataille, mais Charles fut capturé et emprisonné au château de Péronne sous la garde d’Herbert II de Vermandois. Raoul de Bourgogne, gendre de Robert, fut alors élu pour lui succéder sur le trône. Charles mourut en captivité le 7 octobre 929, après six années d’emprisonnement, et fut enterré à l’abbaye de Saint-Fursy à Péronne.

L’héritage de Charles III

L’héritage de Charles III est contrasté. D’un côté, il est responsable de la création du duché de Normandie, une décision qui transformera profondément l’histoire de la France et même de l’Angleterre. De l’autre, sa chute marque un tournant dans l’affaiblissement de la dynastie carolingienne au profit des grandes familles féodales, notamment les Robertiens, futurs Capétiens. Son fils, Louis IV, parvint à remonter sur le trône en 936 grâce au soutien d’Hugues le Grand, mais le pouvoir royal était désormais considérablement affaibli.

Voici les principales réalisations et échecs qui ont marqué son règne :

  • Création du duché de Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911)
  • Acquisition de la Lotharingie, étendant le royaume vers l’est (911)
  • Signature du traité de Bonn avec Henri l’Oiseleur, roi de Germanie (921)
  • Échec dans sa politique de favoritisme envers Hagano, provoquant l’hostilité des nobles
  • Perte du trône suite à la révolte nobiliaire de 922-923
  • Transmission d’une légitimité dynastique à son fils Louis IV, qui deviendra roi en 936

La personnalité de Charles le Simple

Les chroniqueurs contemporains et postérieurs n’ont pas été tendres avec Charles III. Outre le surnom de « Simple » dont le sens original s’est perdu, il fut qualifié de « stupide » par un chroniqueur ultérieur pour un incident survenu en 919 où il abandonna ses hommes. D’autres termes peu flatteurs lui furent appliqués : stultus (fatuous), hebes (stupide), insipiens (insensé), parvus (petit) et minor (inférieur).

Pourtant, une analyse plus objective de son règne révèle un roi qui a su faire preuve d’une réelle vision politique dans certaines circonstances, notamment dans sa gestion du problème viking et dans sa récupération de la Lotharingie. Sa principale faiblesse semble avoir été son incapacité à maintenir de bonnes relations avec la puissante aristocratie franque, une erreur fatale dans un contexte où le pouvoir royal dépendait largement du soutien des grands du royaume.

Conclusion

Charles III « le Simple » incarne parfaitement les contradictions de la fin de l’époque carolingienne. Roi légitime cherchant à restaurer le prestige de sa dynastie, il obtint des succès diplomatiques et territoriaux significatifs, mais échoua à maintenir l’équilibre complexe des pouvoirs au sein du royaume franc. Son règne marque simultanément l’une des dernières tentatives de restauration de l’autorité carolingienne et l’une des étapes cruciales de l’ascension des grandes familles féodales qui finiront par supplanter la dynastie.

L’histoire a longtemps retenu de lui l’image d’un roi faible et incapable, symbolisée par son surnom mal interprété. Une lecture plus nuancée de son règne permet aujourd’hui de redécouvrir un souverain certes imparfait, mais dont certaines décisions, comme le traité avec Rollon, ont eu des conséquences durables et parfois positives sur l’histoire de France. Charles III n’était ni aussi simple que son surnom le suggère, ni aussi brillant que ses plus illustres prédécesseurs carolingiens – il était, comme souvent dans l’histoire, un personnage complexe pris dans les turbulences de son époque.

Quiz sur Charles III, dit « le Simple »

  • 1. Quelle était la date de naissance de Charles III, dit « le Simple » ?

    • A. 17 septembre 879
    • B. 17 septembre 880
    • C. 17 septembre 881
  • 2. Qui était le père de Charles III, dit « le Simple » ?

    • A. Louis le Bègue
    • B. Louis le Germanique
    • C. Charles le Chauve
  • 3. Quel traité a été signé entre Charles III et Rollo, le chef viking, en 911 ?

    • A. Le Traité de Verdun
    • B. Le Traité de Saint-Clair-sur-Epte
    • C. Le Traité de Meerssen
  • 4. Qui a succédé à Charles III comme roi de West Francia après sa déposition en 922 ?

    • A. Robert de Neustrie
    • B. Rudolph de Bourgogne
    • C. Louis IV de France
  • 5. Où Charles III est-il mort ?

    • A. À Péronne
    • B. À Paris
    • C. À Reims

Réponses

  • 1. A. 17 septembre 879
  • 2. A. Louis le Bègue
  • 3. B. Le Traité de Saint-Clair-sur-Epte
  • 4. A. Robert de Neustrie
  • 5. A. À Péronne

Qui était Charles le Simple ?

Charles le Simple, également connu sous le nom de Charles III, était le roi de West Francia de 898 à 922 et le roi de Lotharingia de 911 à 923. Il était membre de la dynastie carolingienne.

Quels étaient les principaux défis de son règne ?

Charles le Simple a fait face à plusieurs défis, notamment les invasions vikings, les révoltes des nobles et les conflits avec d'autres rois. Il a également été déposé en 922 par les nobles et emprisonné jusqu'à sa mort en 929.

Quels étaient ses principaux accomplissements ?

Charles le Simple a signé le traité de Saint-Clair-sur-Epte avec les Vikings, créant ainsi le Duché de Normandie. Il a également tenté de conquérir Lotharingia, mais ses efforts ont été contrecarrés par les nobles et les rois voisins.