Lothaire : roi de France et héritier carolingien

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Lothaire : roi de France et héritier carolingien

Lothaire, roi de France occidentale de 954 à 986, fut l’avant-dernier souverain de la dynastie carolingienne. Né en 941 à Laon, il accéda au trône à l’âge de treize ans après la mort de son père Louis IV. Son règne de plus de trente ans s’inscrit dans un contexte politique complexe, marqué par la fragmentation du pouvoir royal et la montée en puissance des grands seigneurs féodaux, notamment les Robertiens, ancêtres des Capétiens.

L’accession au trône et les premières années de règne

Lothaire était le fils aîné du roi Louis IV d’Outremer et de Gerberge de Saxe, sœur de l’empereur Otton Ier. Il succéda à son père le 10 septembre 954 et fut couronné à l’abbaye Saint-Rémi de Reims le 12 novembre de la même année par l’archevêque Artald. Bien que jeune, Lothaire avait déjà été associé au trône depuis 951, lors d’une maladie de son père, suivant une tradition établie depuis les Mérovingiens pour assurer la succession royale.

La reine Gerberge conclut un arrangement avec Hugues le Grand, duc des Francs et comte de Paris, qui avait pourtant été l’adversaire de Louis IV. En échange de son soutien au jeune roi, Hugues reçut le contrôle du duché d’Aquitaine et d’une grande partie du royaume de Bourgogne, agissant ainsi comme une sorte de régent. Cette situation illustre la faiblesse du pouvoir royal à cette époque, où les grands seigneurs s’appropriaient terres, droits et fonctions sans réellement tenir compte de l’autorité royale.

La tutelle d’Hugues le Grand et de Bruno de Cologne

En 955, Lothaire et Hugues le Grand assiégèrent et prirent Poitiers. Après la mort d’Hugues en 956, le jeune roi, alors âgé de seulement quinze ans, passa sous la tutelle de son oncle maternel, Bruno, archevêque de Cologne et frère d’Otton Ier. Sur les conseils de Bruno, Lothaire servit de médiateur entre les fils d’Hugues : Hugues Capet reçut Paris et le titre de duc des Francs, tandis qu’Otton fut investi du duché de Bourgogne. Cette période de tutelle, qui dura jusqu’en 965, orienta la politique de Lothaire vers une soumission à l’égard de la Francie orientale, qui évoluait vers le Saint Empire romain germanique.

Les relations avec l’Empire et les ambitions territoriales

Malgré sa jeunesse, Lothaire aspirait à gouverner seul et à renforcer son autorité sur ses vassaux. Cette volonté d’indépendance politique conduisit à une détérioration des relations avec ses parents maternels et à une lutte avec le nouvel Empire romain germanique. Pour maintenir des liens avec l’empereur Otton Ier, il épousa en 966 Emma d’Italie, fille unique de l’impératrice Adélaïde de Bourgogne.

Les ambitions territoriales de Lothaire se manifestèrent d’abord en Flandre. En 962, à la mort de Baudouin III, fils et héritier d’Arnoul Ier, ce dernier légua la Flandre à Lothaire. Lorsqu’Arnoul mourut en 965, le roi envahit la Flandre et s’empara de nombreuses villes, mais fut finalement repoussé par les partisans d’Arnoul II. Il conserva néanmoins temporairement le contrôle d’Arras et de Douai.

La guerre contre l’Empire et la reconquête de la Lotharingie

Lothaire tenta également d’accroître son influence en Lotharingie, territoire autrefois détenu par sa famille. En réaction, l’empereur Otton II encouragea la résistance aux avances du roi franc. La situation s’envenima davantage lorsque Charles, le frère cadet de Lothaire, fut nommé duc de Basse-Lorraine par Otton II, ce qui constituait une provocation directe envers le roi de France.

En août 978, Lothaire lança une expédition en Lorraine accompagné d’Hugues Capet. Après avoir traversé la Meuse, ils prirent Aix-la-Chapelle, sans toutefois capturer Otton II ou Charles. Lothaire s’empara du palais impérial pendant trois jours et, dans un geste symbolique fort, fit pivoter l’aigle de bronze de Charlemagne pour qu’il regarde vers l’est au lieu de l’ouest.

En représailles, Otton II, accompagné de Charles, envahit la Francie occidentale en octobre 978 et ravagea Reims, Soissons et Laon. L’armée impériale avança jusqu’à Paris, où elle se heurta aux troupes d’Hugues Capet. Le 30 novembre 978, incapables de prendre la ville, Otton II et Charles levèrent le siège et entamèrent leur retraite. L’armée royale franque, dirigée par Lothaire, les poursuivit et les défit lors de la traversée de l’Aisne, contraignant Otton II à fuir et à se réfugier à Aix-la-Chapelle avec Charles.

Les principales confrontations entre Lothaire et l’Empire
Date Événement Conséquence
Août 978 Invasion de la Lorraine par Lothaire Prise d’Aix-la-Chapelle et retournement de l’aigle impérial
Octobre 978 Contre-attaque d’Otton II Ravage de Reims, Soissons et Laon
Novembre 978 Siège de Paris Échec et retraite des forces impériales
Juillet 980 Traité de Margut-sur-Chiers Paix entre Lothaire et Otton II, renonciation à la Lotharingie

La réconciliation avec l’Empire et les conflits internes

La retraite précipitée d’Otton II eut un impact considérable en Francie occidentale et fut longtemps évoquée comme une grande victoire de Lothaire. Les chroniques de l’époque en donnent une description épique, exaltant Lothaire comme un roi-guerrier ayant poursuivi l’empereur germanique jusqu’au cœur de la Lorraine. Cette unité des Francs occidentaux contre Otton II eut pour conséquence de placer la dynastie des Robertiens dans une position prééminente, incarnée par Hugues Capet.

Pour contrecarrer les ambitions de son frère exilé Charles, Lothaire décida de suivre les pas de son père en assurant la succession à son propre fils. Le 8 juin 979, le prince Louis fut couronné comme roi associé (iunior rex), bien qu’il n’assumât pas réellement le pouvoir avant la mort de Lothaire en 986.

Le rapprochement avec l’Empire et ses conséquences

Après ces événements, Lothaire commença à se rapprocher du Saint Empire. Les évêques de Reims et de Laon, ainsi que la maison d’Ardennes, soutenaient ce rapprochement. En juillet 980, Lothaire et Otton II se rencontrèrent à Margut-sur-Chiers, à la frontière franque, et conclurent un traité de paix. Dans le cadre de cet accord, Lothaire renonça à ses droits sur la Lotharingie, permettant à Otton II de tourner son attention militaire vers l’Italie byzantine.

Cette paix fut perçue négativement par les Robertiens, qui furent exclus des négociations. Le traité de Margut conduisit le royaume franc à être inclus dans l’orbite ottonienne, affaiblissant ainsi l’influence des Robertiens au sein du gouvernement royal au profit de la noblesse lotharingienne. Craignant d’être pris entre les rois carolingien et ottonien, Hugues Capet se rendit à Rome en 981 pour établir sa propre alliance avec Otton II.

Les dernières années et l’héritage

Pour contrer le pouvoir d’Hugues Capet comme duc des Francs, Lothaire décida de marier son fils et héritier Louis à Adélaïde-Blanche d’Anjou, sœur de Geoffroy Ier d’Anjou et veuve de deux puissants seigneurs du sud. Ce projet ambitieux visait à restaurer la présence royale carolingienne dans le sud semi-indépendant de la Francie occidentale et à obtenir le soutien des nobles méridionaux dans sa lutte contre les Robertiens.

Cependant, l’échec de cette alliance avec la maison d’Anjou renforça le pouvoir des Robertiens, qui finirent par soutenir Hugues Capet contre Charles de Basse-Lorraine en 987, après la mort de Lothaire et de son fils Louis V.

Vers la fin de son règne, le pouvoir de Lothaire semblait nettement moins important que celui d’Hugues Capet. Dans une lettre de mars ou avril 985, Gerbert d’Aurillac écrivait à l’archevêque Adalbéron que « Lothaire n’est roi de France que de nom ; Hugues, en revanche, ne l’est pas de nom mais en effet et en acte. »

Le bilan d’un règne

Lothaire mourut le 2 mars 986 à Laon, à l’âge de 44 ans, laissant un royaume fragilisé. Son fils Louis V ne régna qu’un an avant de mourir sans héritier, ce qui mit fin à la dynastie carolingienne en Francie occidentale et ouvrit la voie à l’avènement d’Hugues Capet.

Le règne de Lothaire illustre les difficultés rencontrées par les derniers Carolingiens pour maintenir leur autorité face à la montée en puissance des grands seigneurs féodaux. Malgré ses efforts pour restaurer le prestige royal, notamment par ses succès militaires contre l’Empire, Lothaire ne parvint pas à enrayer le déclin de sa dynastie.

  • Points forts de son règne : victoires militaires contre Otton II, tentative de reconquête de la Lotharingie
  • Faiblesses : incapacité à contrôler les grands feudataires, notamment Hugues Capet
  • Héritage : dernier roi carolingien à avoir exercé un pouvoir significatif
  • Conséquence historique : transition vers la dynastie capétienne qui allait régner sur la France pendant plus de trois siècles

L’histoire de Lothaire témoigne de la transformation progressive du royaume franc occidental vers ce qui deviendra plus tard le royaume de France. Son règne marque la fin d’une époque, celle de la domination carolingienne, et préfigure l’émergence d’une nouvelle conception de la royauté sous les Capétiens.

Quiz sur Lothaire (954-986), fils de Louis IV

  • Question 1: Quelle était la date de naissance de Lothaire ?

    • A. 930
    • B. 941
    • C. 950
  • Question 2: Qui était le prédécesseur de Lothaire sur le trône de West Francia ?

    • A. Louis V
    • B. Louis IV
    • C. Charles le Simple
  • Question 3: Quel était le titre de Hugh the Great après la mort de son père en 956 ?

    • A. Duc de Normandie
    • B. Duc de Bourgogne
    • C. Duc des Francs
  • Question 4: Qui était la mère de Lothaire ?

    • A. Emma de Bourgogne
    • B. Gerberga de Saxe
    • C. Eadgifu de Wessex
  • Question 5: Quel était le nom de l’épouse de Lothaire ?

    • A. Adelaide of Burgundy
    • B. Emma d’Italie
    • C. Judith de Maine

Réponses

  • Question 1: B. 941
  • Question 2: B. Louis IV
  • Question 3: C. Duc des Francs
  • Question 4: B. Gerberga de Saxe
  • Question 5: B. Emma d’Italie

Qui était Lothaire de France ?

Lothaire de France, également connu sous le nom de Lothaire II, III ou IV, était le dernier roi carolingien de West Francia, régnant de 954 à 986. Il est né en 941 à Laon et est mort en 986.

Quels étaient les principaux défis de son règne ?

Lothaire a dû faire face à des défis internes et externes, notamment des conflits avec des vassaux puissants et des tensions avec le Saint-Empire romain germanique. Il a également tenté de récupérer la Lotharingie, une région autrefois tenue par sa famille.

Quelle était la relation de Lothaire avec Hugh Capet ?

Hugh Capet, fils de Hugh le Grand, a été un allié et un rival de Lothaire. Ils ont collaboré sur certaines campagnes militaires, mais Hugh Capet a finalement pris le pouvoir après la mort de Lothaire, marquant la fin de la dynastie carolingienne et le début de la dynastie capétienne.