A partir de la fin du mois de mars, les Alliés prennent le temps de refaire leurs forces et de mettre au point leur dernier plan. Mais l’idée principale retenue fut celle du Général Alphonse Juin. Le commandant du CEF préconise de déplacer l’axe de percée et d’opérer un crochet par les Monti Aurunci et de forcer le cours du Garigliano avec ses troupes de Montagne afin de percer la ligne Gustav. Pour l’assaut, Juin met en lice la 2nde Division d’Infanterie Marocaine (DIM) de Dody, la 4e Division Marocaine de Montagne (DMM) de François Sevez, la 3e Division d’Infanterie Algérienne (DIA) de Joseph de Goislard de Montsabert, la 1re Division de France Libre (DFL, motorisée) du Général Diego Brosset, le Groupement des Tabors Marocains (GTM) d’Augustin Guillaume et l’artillerie du CEF.
Simultanément, la VIIIth Army britannique d’Oliver Leese, à droite, (XIIIth Corps de Kirkman et IInd Corps Polonais d’Anders) doit forcer le Rapido et conquérir le Monastère, après que la Vth US Army (gauche) établisse la liaison avec Leese afin d’atteindre la poche d’Anzio qui tient isolée dans le flanc gauche (ouest) du Heeres-Gruppe G depuis janvier 1944. Clark doit attaquer sur un front de 32 km qui va de Cassino à l’Adriatique. Le retour du beau temps permet aux Alliés de redéployer leurs forces avec d’importants moyens. L’Opération es baptisée « Diadem ».
A la moitié du mois de mars 1944, le Général Władysław Anders (1892-1970), commandant le IIe Corps d’Armée Polonais et son chef d’état-major, le Colonel Stanislaw Wisniowski, rencontrent le General Oliver Leese pour se concerter sur l’attaque que doivent mener les Polonais. Leese confie alors à Anders le tâche de conquérir le Monte Cassino.
En avril-mai 1944, la VIIIth Army effectue ses déplacements pendant la nuit seulement. Anders ordonne à ses unités de garder le silence radio et de camoufler les postes de commandements. Pendant ce temps, les divisions britanniques du XIIIth Corps (4th et 78th Divisions et 8th Indian Division) de Sydney Kirkman s’entraînent à traverser le Rapido et le Garigliano derrière la ligne de front. La réussite de la manœuvre du IInd Corps Polonais et du XIIIth Corps de Kirkman doit être l’une des clés du succès.
1 – L’Assaut du CEF
L’assaut des Français est déclenché le 11 mai avec un formidable tir de barrage d’artillerie (2 000 canons mis à la peine). Mais les obus alliés matraquent des crêtes très bien fortifiées et ne causent que peu de dommages aux Allemands. Les tirailleurs de Dody (4e, 5e et 8e RTM) et de Sevez (1er, 2nd et 6e RTM) s’élancent ensuite dans l’obscurité pour livrer un féroce combat rapproché avec les Landsers et Grenadiere du XIV. Panzer-Korps de von Senger und Etterlin. On doit dégager des positions à la grenade et à la baïonnette dans une grande confusion. Finalement, juin décide de retirer ses deux divisions sur leurs bases de départ et de repartir à l’assaut le lendemain.
Le 12-13 mai donc, le GTM de Guillaume franchissent les montagnes qui longent la vallée du Liri mais ne rencontrent aucune résistance de la part des Allemands. Ceux-ci pensaient qu’il était impossible de franchir un terrain aussi accidenté. Les Marocains ont prouvé le contraire. Débordés sur leur flanc, les forces allemandes sont forcées de se retirer. La percée est obtenue, et la 4e DMM, épaulée par la 2e DIM de Dody et la 1re DFL de Brosset (devenue Division Française Motorisée), s’engouffre immédiatement dans la brèche ; 3e Régiment de Spahis Marocains (RSM) en tête. De son côté la 3e DIA de Montsabert prend Castelforte, ce qui lui permet de franchir le Garigliano.
De son côté, le 4e RSM du Colonel de Lambilly s’empare de Castelforte sur le Garigliano après de durs combats. Le Colonel de Lambilly est tué et remplacé par le Chef d’Escadron Dodelier. Néanmoins, le 4e RSM ouvre la voie de la Vallée de l’Aurente et accroche la route d’Ausonia.
Les 13-14 mai, Juin exploite immédiatement les succès des ses unités. Il fait appuyer l’assaut des Goumiers et Tirailleurs Marocains par un adroit barrage roulant derrière lequel progressent les fantassins. Résultat, le 13 mai toujours, les soldats du Général Dody accrochent et escaladent le Monte Maio (940 m) et y plantent le drapeau français. La percée est obtenue définitivement.
Plus tard le même jour, les forces motorisées françaises prennent Sant Andrea sur le Garigliano pendant que les Goumiers et Tabors franchissent le reste des Monts Arunci sans rencontrer de résistance et poussent jusqu’à San Giorgio. Juin peut alors réaliser son projet ; attaquer Cassino par le sud – via Casilina – à travers les Monts Arunci
Cherchant alors à gagner du temps, le 17 mai, Albert Kesselring (commandant du Heeres-Gruppe G) autorise von Vietinghoff-Scheel (X. Armee) et von Senger und Etterlin (XIV. Panzer-Korps) à retirer leurs forces sur la seconde ligne de défense constituée, la Hitler Linie, plus au nord
2 – L’assaut des Britanniques et des Polonais
Le 11 mai 1944, à 23h00, 1 060 canons et obusiers de la VIIIth Army, ainsi que 600 pièces de la Vth Army pilonnent les positions allemandes pendant une heure et demie. A l’aube, les forces du IInd US Corps de Keyes démarrent leur assaut. La 85th Division de John B. Coulter et la 88th de John E. Sloan remportent quelques succès mais leur rôle est de créer un abcès de fixation pour les Allemands afin de permettre aux Français de Juin d’opérer leur manœuvre avec succès. En effet, pendant le même temps, la 4e Division Marocaine de Montagne du Général François Sevez (1891-1948) et les trois GTM s’avancent vers les Monts Arunci. Dans le même temps, la 4th Division britannique deWard et la 8th Indian Division de Dudley-Russell (XIIIth Corps) traversent le Rapido au sud de Cassino et prennent position sur le bord opposé. Les Royal Engineers de Dudley-Russell réussissent aussi à installer un pont Bailey (1) sur le Rapido, permettant ainsi à la 1st Canadian Armoured Brigade de Murphy. Le 12 mai, à 01h00 du matin les soldats polonais du IIe Corps avec la 3e Division « Karpatja » (Carpates) de Bronislaw Duch et la 5e « Kreszewa » (Confins) de Nikodem Sulik démarrent leur attaque à 517 mètres d’altitude pour s’emparer de la « colline du fantôme » (Widmo) ainsi que la Cote 593 (Monte Calavario).
La 3e Division des Carpates de Sulik réussit à atteindre le Monte Calavario mais est durement repoussée par une contre-attaque du Fallschirm-Regiment 4 de l’Oberst Ludwig Heilmann. Mais les Polonais, ivres de revanche depuis 1939, relancent follement leur assaut. Sur les pentes du Monte Calavario, de violents combats ont lieu à l’arme automatique, à la baïonnette et à la grenade. Des deux côtés les pertes sont lourdes. Les Polonais doivent se retirer après avoir perdu en tout 3 503 soldats et sous-officiers, ainsi que 281 officiers.
Le 12 mai, les têtes de ponts indiennes et britanniques subissent de violentes contre-attaques du XIV. Panzer-Korps mais tiennent bon au prix de furieux engagements. Toutefois, les efforts Anglo-Indiens ne sont pas vains puisque les têtes de ponts s’agrandissent.
Le 15 mai, la 78th Division « Battleaxe » britannique de Keightley réussi à prendre Sant’Angelo et effectue un mouvement tournant qui isole Cassino de la vallée du Liri. Pendant ce temps, la 8th Indian Division de Dudley-Russell conquiert la ville de Pignarato. Le 16, la 5e Division Polonaise « Kreszewa » de Nikodem Sulik réussit à contrôler la pente sud du Monte Calavario. Le 17 mai, Anders relance ses troupes à l’assaut des montagnes jouxtant le Monte Cassino qui remportent plusieurs succès. Von Senger und Etterlin estime qu’il est temps de quitter le secteur qui tourne au désavantage des forces allemandes. Le lendemain, la 78th Division et la 3e « Karpatja » font leur jonction sur le Liri à deux kilomètres du Monte Cassino. Mais les derniers Fallschirmjäger de Richard Heidrich ont déjà évacué le secteur.
Dans la matinée, le 12e Régiment de Hussars de Podolie, unité de reconnaissance de la 3e Division des Carpates, pénètre dans les ruines du monastère qui sont vides. Les Polonais hissent alors le drapeau national sur les ruines du monastère. Et un clairon joue le Hejnal Mariacki (2).
1. Ponts à la structure d’acier et au plancher en bois facilement transportables par camions. Conçus par l’ingénieur du War Office Donald Bailey.
2. Air de musique qui rappelle un guetteur installé dans l’une des tours de la Basilique Notre-Dame (Mariacki) de Cracovie qui aurait donné l’alerte à l’arrivée de Tatars, avant de recevoir une flèche en pleine gorge. On peut toujours entendre le Hejnal Mariacki(prononcer Heinaw Mariatski) à Cracovie toute les heures.
Sources :
– MASSON Philippe : Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale, T1, Larousse
– ELLIS John : Cassino. Une amère victoire, Albin Michel
– GAUJAC Paul : Le Corps Expéditionnaire Français en Italie, Histoire & collections