La Bataille des Vosges (1944) – Troisième partie
3 – L’ATTAQUE DE LA Ire ARMÉE FRANÇAISE AU SUD DES VOSGES
1 – Situation des Français à la veille de l’offensive
– La campagne des Vosges de la Ire Armée Française commence dès la fin du mois de septembre. De Lattre essaie de s’emparer des Vosges Saônoises afin de déborder Belfort. Les trois Combat Commands de la 1re DB épaulés par le FFI engagés s’emparent de plusieurs hameaux fortifiées au prix de durs combats ; Lyoffans, Magny, Anigon, Palante, Andornay et Lamontot tombent, ouvrant la route de cols vosgiens. Malheureusement, les Tirailleurs Sénégalais de la 9e DIC de Magnan et les Tunisiens du 4e RTT tentent de progresser vers Belfort mais cette action s’avère être un échec.
– En outre, le ravitaillement fait défaut pour toute la Ire Armée. Rien que les 28 et 29 septembre, les troupes du Général de Lattre ont consommé 650 tonnes de munitions mais seulement 500 tonnes sont arrivées depuis les dépôts de Marseille. Au mieux, les deux corps de la Ire Armée recevront 1 000 tonnes alors que de Lattre en réclamera 15 000 pour lancer son offensive au sud-est des Vosges. Mais les demandes du chef français s’avèrent impossibles à satisfaire malgré la remise en état des lignes de chemins de fer entre les lignes de sa Ire Armée et Marseille. De Lattre sait en revanche qu’il doit percer car les Américains de la VIIth Army de Patch se déportent vers le nord. En outre, le VIth Corps de Brooks n’a toujours pas atteint Gérardmer. Par ricochet, l’aile gauche française – soit le IInd Corps d’Armée de Montsabert – se déporte vers le nord entre la Gérardmer et la Vallée de la Thur.
2 – Les combats du Thillot et du Ménil
– Pour percer le sud des Vosges vers Gérardmer, de Lattre et Montsabert chargent le Groupement Guillaume (3e DIA, GTM et 1er RCP) de forcer le passage sur la route des Crêtes, sur le Hohneck et le Schweisselwassen, comme dans les secteurs du Thillot, des Cols de Bussang et d’Oderen.
– Le 3 octobre, l’aile droite du VIth US Corps décroche de Ferdrupt, ce qui oblige Guillaume à lancer le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes du Colonel Jacques Faure sur le Thillot. Formé en 1943 sur le modèle des Parachute Infantry Regiments américains (à la différence des 3e et 4e RCP issus des formations françaises de SAS). Son commandant, Jacques Faure est un skieur accompli, médaillé avant-guerre, qui a servi au sein des unités de montagne durant la Bataille de Narvik. De 1941 à fin 1942, il dirige le groupe « Jeunesse et Montagne » en France, avant de se retrouver en Afrique du Nord. L’attaque de Faure démarre à 06h30 avec l’envoi de la section de Pathfinders (reconnaissance) qui tombe sur des Waffen-SS (« russes blancs ») de la 30. Waffen-Grenadier-Division (russich. Nr. 2) de Hans Siegling. Cependant, le 2nd Bataillon du Commandant Fleury s’empare de Ferdrupt sur le coup de 12h00 pour atteindre la Forêt du Géhant avant de se diriger vers la Forêt de Longegoutte où les Paras se heurtent à une violente résistance. Le 4 octobre, la 4e Compagnie essaie d’atteindre Le Thillot mais elle se fait débusquer par les « Vlassov » et doit mener un féroce combat durant quatre heures. Heureusement, l’intervention des mitrailleuses Browning Cal. 30 (7,62 mm) de la 3e Compagnie contraint l’ennemi à se replier.
– Le 5 octobre, le Colonel Faure lance son régiment vers Le Thillot de nuit en une seule colonne avec silence radio. Les Paras réussissent à atteindre discrètement le col de Morbieu après la levée du jour. Les Français s’emparent d’une batterie de canons de 150 mm et de nombreux prisonniers. Faure ordonne alors au 1er Bataillon de sécuriser les abords du Col, pendant que le 2nd Bataillon s’accroche sur la Tête du Midi.
– En même temps, Guillaume lâche le 3e Régiment de Tirailleurs Algériens (RTA) du Colonel Pierre Agostini et le 7e RTA du Colonel Chappuis contre le cours de la Masselotte. Mais ils sont bloqués devant la Crête de Longegoutte par les tirs violents de la 338. Infanterie-Division du Generalmajor René L’Homme de Courbières échappée de Provence. Les Allemands contre-attaquent même les Tirailleurs. Heureusement, les éléments de la 338. ID buttent contre le 1er Bataillon du 1er RCP sur le Col de Morbieu.
Le 6 octobre, Waffen-SS et 338. ID lancent une violente contre-attaque sur le Col du Morbieu. Les Parachustistes tiennent avec acharnement mais les Allemands parviennent à s’établir dans un coin entre le Col, isolant ainsi le 1/1er RCP et le 2/3e RTA. Mais le même jour, une patrouille du 1er RCP atteint Le Ménil. Partie pour relever les positions de batteries allemandes, elle est forcée de se retrancher dans la petite ville après avoir été accrochée par une patrouille. La population est terrée dans les caves et les abris et les Paras du Capitaine du Bouchet sont très vite harcelés par l’ennemi. Grâce à des éclaireurs, les 1re et 10e Compagnies du Régiment interviennent au Ménil et permettent d’en chasser les Allemands, pendant que la 4e tend une embuscade à ceux qui se replient. Sauf qu’une contre-attaque permet aux éléments de la 338. ID de reprendre la localité, avec l’appui de 2 chars Panther et de 2 canons d’assaut (Sturmgeschützte). Le combat fait rage. Si les parachutistes détruisent les deux chars, ils sont cependant forcés de se replier dans les Bois. Les trois compagnies vont tenir ainsi durant trois jours, sans aucun ravitaillement.
– Le 8 octobre, alors que le temps devient épouvantable, la pluie transformant les sentiers en bourbiers, la 8e compagnie du 1er RCP (Capitaine Chevalier) appuie les Tunisiens du 4e RTT du Colonel Guillebaud (celui qui a pris le Monte Belvedere dans un assaut sanglant en janvier 1944) dans l’attaque du Thillot. Le combat est encore violent. Chevalier et son adjoint, le Lieutenant Veras sont tués près de Ramonchamp. Mais le régiment reçoit bientôt l’aide d’ambulancière et de colonnes de ravitaillement grâce à l’action du 3e Tirailleurs Algériens.
– Remis d’attaque, le 1er RCP reprend le combat. Il s’empare de Ronchamp le 12 octobre avant de nettoyer définitivement la forêt de Longegoutte jusqu’au 15. Guillaume confie alors à Faure la mission de s’emparer du Col du Ménil, de la Cote 1008 en aval du Col du Bonhomme et de la Cote 1111.
L’assaut reprend donc le 16 octobre sous un déluge automnal et après un impressionnant tir de barrage français. Les 1er et 2nd Bataillons du 1er RCP progressent vers Le Ménil et la Cote 1008 mais subissent de lourdes pertes. Au soir néanmoins, le 1/1er RCP s’établir sur le Col pendant que le 2/1er RCP prend la Cote 1008. Mais sur le coup de 17h00, les Waffen-SS contre-attaquent au sud-est de la Cote 1008. Si les avant-postes sont enlevés, les deux compagnies qui tiennent le secteur résistent avec acharnement. Des accrochages se déroulent pendant toute la nuit, avant que le Colonel Faure ne décide de lancer une attaque plus vaste. Elle a donc lieu le lendemain avec un groupement mené par le Colonel Geille qui tourne les positions allemandes, causant de nombreuses pertes dans les rangs ennemis. Le 2/1er RCP s’infiltre ensuite dans les bois et atteint la Cote 1111. Cependant, Guillaume ordonne à Faure de replier son unité encore isolée sur le village de Travexin. Il sera envoyé ensuite en repos à Lons-le-Saunier dans le Jura et recevra une citation à l’ordre de l’Armée. Il a perdu 747 hommes, dont 128 tués.
2 – L’attaque de Guillaume sur la Moselotte
– Le 9 octobre, Guillaume relance son attaque qui se solde par la prise des hauteurs de Longegoutte, permettant au Combat Commant N°4 de la 5e DB du Colonel Bonjour (1er Régiment de Cuirassiers, 3e Escadron du 1er Régiment Etranger de Cavalerie, 2e Bataillon de Marche de la Légion Etrangère et 2nd Groupe du 62e Régiment d’Artillerie d’Afrique) de franchir la Moselotte et de foncer vers La Bresse.
– De con côté, Augustin Guillaume essaie d’étendre ses lignes entre la Moselotte et le dispositif américains. Ce sont les Tirailleurs Algériens et Tunisiens et les bataillons de FFI appuyés par le 2nd Régiment de Spahis Algériens de Reconnaissance (RSAR) du Colonel Lecoq qui sont chargés de cette mission. Les combats menés du 11 au 14 octobre sont particulièrement rudes pour conquérir les hauteurs dominant la Moselotte, la Forêt de Géhant et le village de Cornimont. Devant l’état d’épuisement de ses forces, Guillaume ne peut faire que stabiliser ses lignes. Mais Montsabert ordonne à la 3e DIA renforcée du 6e Régiment de Tirailleurs Marocains du Colonel Raymond Bailiff d’attaquer sur l’axe Cerfs – Haut-du-Faing – Le Rainkopf. La 1re DB de Touzet du Vigier doit conquérir l’axe Travexin – Ventron – Col d’Oderen, avec l’appui du 1er RCP et des Commandos d’Afrique du Colonel Bouvet. L’assaut démarre dans un temps particulièrement épouvantable. Les soldats français et coloniaux d’Afrique du Nord souffrent. Les Tirailleurs de Guillaume parviennent à s’emparer du Haut-du-Faing mais perdent 700 hommes dans l’affaire. Les Allemands tiennent solidement les cols et pilonnent les régiments français avec toute l’artillerie dont ils disposent. Monsabert doit arrêter les frais pour le moment. Les Commandos et le 6e RTM sont retirés du front du IInd Corps.
– Jean de Lattre de Tassigny décide alors de modifier son plan en faisant glisser son axe de percée à l’est. Tandis que le IInd Corps de Montsabert à maintenir une pression contre la XIX. Armee de Wiese, tandis qu’il renforce son aile droite avec le Ier Corps d’Antoine Béthouart qui sera chargé de forcer le secteur de Belfort avec la 1re DB « Saint Louis », la 2e Division Marocaine d’Infanterie et la 4e Division Marocaine de Montagne.
– Le 3 novembre, Monsabert relance son assaut dans les Vosges avec le 4e RTT, le 2nd Groupement de Tabors Marocains (Colonel Pierre Boyer de Latour), les 2nd et 3e Spahis Algériens de Reconnaissance, le 1er Bataillon de Marche de la Légion (Commandant Daigny), le Bataillon de Choc (Colonel Fernand Gambiez), 1 Bataillon du 6e RTM, le Combat Command N°6 de la 5e DB (Colonel Tritschler), ainsi que l’artillerie des 2 Divisions Blindées (62e et 68e Régiment d’Artillerie d’Afrique).
L’attaque principale se situe dans le secteur de Rochesson et Menaurupt contre les positions des a 198. Infanterie-Division (Otto Schiel) et 269. Infanterie-Division (Hans Wagner) rameutée d’urgence de Norvège, complétée par 7 Bataillons de réserve arrivées d’Allemagne. Les combats durent pendant trois jours par un temps particulièrement exécrable et sous un feu d’enfer de l’artillerie allemande. Rochesson et Menaurupt sont pris mais les Légionnaires, Tabors, et Tirailleurs doivent repousser plusieurs contre-attaques allemandes aux prix de lourdes pertes.
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