Campagne d’Alsace 1944-1945 : première partie
1 – LE DÉBUT DE LA CAMPAGNE D’ALSACE : LA RECONQUÊTE INACHEVÉE
1 – Le redéploiement allemand
Fin novembre – début novembre 1944, la situation apparaît bien avantageuse pour les Alliés entre les Vosges la rive droite du Rhin. Les unités du 6th Army Group de Jacob L. Devers ont sérieusement malmené la 19. Armee de Friedrich Wiese, dont certaines unités (régiments, bataillons, compagnies) se retrouvent avec des effectifs réduits à la portion congrue. Si le Ier Corps Français de Béthouart (Ire Armée) a été brutalement freiné dans son élan entre Mulhouse et Cernay, dans Vosges Centrales, le VIth US Corps de Brooks (VIIth Army de Patch) vient de franchir le massif forestier et s’apprête à déferler sur la Plaine d’Alsace. Enfin, le XVth Corps de Haislip s’est emparé de Sarrebourg, Weyer, Baerendorf, Rauwiller, Schalbach, Haguenau et Strasbourg. Par conséquent, Wiese ne peut s’appuyer que sur les restes des 553. et 708. Infanterie-Divisionen dans le secteur de Saverne ; la 106. Panzer-Brigade (assez mal en point) et quelques restes d’unités d’infanterie au nord de Belfort, les 716 e t 16. VGD dans les Hautes-Vosges et des 338. ID et 198. ID près de Belfort. Seules les 269. et 159. ID conservent des effectifs convenables dans la partie du massif vosgien à l’ouest de Colmar (secteur du Col de la Schlucht et de Munster). Il apparaît alors que ses deux seules division et tout un agrégat de personnes sont en seule mesure d’assurer la défense de l’Alsace face un adversaire en écrasante majorité matérielle et numérique.
Le 24 novembre, depuis Rastenburg, l’OKW constate la détérioration rapide de la situation dans le secteur de la 19. Armee. En outre, au nord (Moselle – Sarre – nord de l’Alsace), la 1. Armee allemande aux prises avec les XXth et XIIth Corps de Patton est tout simplement incapable de lui venir en aide, d’autant plus qu’une brèche d’environ 16 km s’est formée entre les deux grandes unités suite à la prise de Strasbourg. S’il veut sauver ce qui reste de son armée, Friedrich Wiese a impérativement besoin d’hommes et de matériels de remplacement. Or, bon nombre d’effectifs récemment levés en Allemagne sont aspirés par les unités de l’Ostheer pour garder la Vistule et la Prusse-Orientale, ainsi que par le Groupe d’Armée B de Model en vue l’Opération « Wacht am Rhein » dans les Ardennes belges. Approuvant les craintes de son subordonné, Balck estime que les forces de Devers vont s’employer à encercler et détruire la 19. Armee, dernier faible rempart avant le Rhin.
Le 24 novembre, lors d’une réunion avec Gerd von Rundstedt, Balck propose de retirer le flanc sud (gauche) de Wiese sur une ligne Ballon d’Alsace – Rougemont-le-Château – Montreux. Même s’il donne son aval à l’abandon de Belfort – dont la défense s’avère bientôt inutile avec la prise imminente de Mulhouse – il milite pour resserrer les lignes de la 19. Armee. Seulement, le 24 toujours, le IInd Corps de Monsabert s’empare du Ballon d’Alsace près de Dolleren et la situation empire dans les secteurs de Belfort et Seppois. Balck recommande alors à von Rundstedt d’établir une nouvelle ligne de défense au sud ancrée sur Thann, la N 66 et Mulhouse, une seconde entre la Forêt de Harth jusqu’au Rhin. L’objectif de Balck est d’empêcher les franco-américains d’exploiter davantage leur percée Saverne – Strasbourg. Mais la seconde recommandation du patron du HG G provoque la consternation dans les rangs de l’OB West et de l’OKW ; abandonner purement et simplement la défense de la frontière suisse. Manquant alors d’information, von Rundstedt estime que la principale menace vient de la trouée de Belfort et ne comprend pas comment peut-on envisager un redéploiement de la 198. Infanterie-Division, alors que le flanc sud de la 19. Armee est sur le point de craquer. Erreur alimentée par l’idée qu’apparemment, le flanc nord semble être mieux tenu par la Panzer-Lehr sur la ligne Sarrebourg – Saverne – Strasbourg. Sauf que réévaluant son jugement pendant l’après-midi, von Rundstedt constate l’échec – prévisible – de la Panzer-Lehr dans le secteur de Schalbach et devient pessimiste lui aussi. Le Feldmarschall envoie alors un message à l’OKW pour recevoir au moins 2 Divisions de Panzer Division et 1 division d’Infanterie, afin de rétablir la situation dans le nord de l’Alsace. Mais l’OKW, qui mobilise ses principales réserves pour l’offensive dans les Ardennes, n’a pas grand-chose à lui donner. Von Rundstedt fait alors savoir que les efforts pour combler la brèche entre les 1. et 19. Armeen vont être abandonnés et que la 19. Armee se repliera pour éviter la destruction.
Enfin, même si von Rundstedt ose encore espérer que l’Armée de Wiese pourrait tenir temporairement mais suffisamment sur le flanc sud, lui et Balck en arrivent à la conclusion que la meilleure solution est de replier la 19. Armee sur le Rhin pour resserrer ses lignes et la placer en défensive. Comme attendu, Hitler n’a aucune intention de céder l’Elsass-Gau aux Français. Plus encore, il ordonne à ses généraux de se pencher sur une contre-offensive sur le Rhin, qui serait lancée en parallèle de l’offensive dans les Ardennes. Toutefois, en raison du manque criant de moyens, Hitler reste ferme : aucune retraite sur la rive droite du Rhin et l’Alsace doit rester sous contrôle allemand, que qu’en soit le prix. Mais pour la 19. Armee, il s’agit de survivre ou de disparaître corps et biens.
En raison de l’intransigeance du Führer, von Rundstedt éprouve alors des difficultés à autoriser la retraite des forces épuisées de Friedrich Wiese. Le 26 novembre, il approuve une série de redéploiement locaux mais interdit formellement à Balck et Wiese de retirer la 198. ID vers le nord, insistant sur l’ordre de tenir le sud de l’Aslace coûte-que-coûte, avec seulement une modification dans le plan de défense. Du coup, la jointure entre les deux armées du HG G se situe à Erstein, à l’ouest de Strasbourg. Et la ligne de défense de la 19. Armme s’étend davantage à l’ouest sur 17 km entre Barr et Le Hohwald, avant d’obliquer du Hohwald à Sainte-Marie-aux-Mines, avant de suivre la Position de la Crête des Vosges jusqu’àDolleren et sur la Doller. Au sud, la ligne de défense s’étend de Masevaux (au sud-ouest de Thann) à Mulhouse en suivant le cours de la Doller, avant d’accrocher Hombourg (sur le Rhin). Enfin, plusieurs discussions ont lieu à l’OKH et l’OKW pour redéployer la 198. ID et la 103. PzBrig. au nord, non pas pour frapper contre le XVth Corps US sur Strasbourg, comme l’espère Balck mais pour tenir la nouvelle ligne Erstein – Barr – Le Hohwald au nord de Colmar.
Pendant la nuit du 26-27 novembre, Hitler donne son accord mesuré pour retirer le flanc sud de la 19. Armee vers le nord et approuve les directives pour placer les forces de Wiese en positions défensive sur le Rhin, dans une tête de pont articulée autour de Colmar. Décision accélérée par le fait que les Commandos de Choc et les éléments avancés de la 1re DFL se sont emparés de Masevaux, menaçant ainsi les positions du IV. Luftwaffe-Feld-Korps sur la Doller. Initialement, le saillant défensif avait sa base le long du Rhin, soit sur 40 km entre Erstein et Mulhouse. Au centre, elle s’étend sur plus de 22 km à l’ouest jusqu’aux Vosges. L’OKW et l’OKH sont alors d’accord sur un point : sans les renforts nécessaires, la 19. Armee ne pourra tenir Colmar plus de trois semaines, soit jusqu’au déclenchement de l’Offensive des Ardennes. En revanche, si la tête de pont tient plus de temps, les forces allemandes encore en Alsace peuvent créer un large abcès dans les deux flancs du VIth Group.
2 – Ambitions et désaccords américains
On débat aussi du côté allié. Encouragé par les succès de sa VIIth Armee, Alexander M. Patch envisage une traversée en force du Rhin. En dépit d’alertes comme l’attaque de la Panzer-Lehr sur le flanc gauche du XVth Corps, l’idée recueille l’avis favorable de l’état-major de Devers comme celui de Haislip. Une opération est alors montée en vitesse pour franchir le fleuve dans le secteur de Rastatt au nord de Strasbourg. Au lieu de frapper au sud, Jacob L. Devers préfère attaquer par le nord-est de l’Alsace contre toute attente de l’ennemi. Le 24 novembre, le lendemain de la prise de Strasbourg, des véhicules amphibies DUKW roulent par compagnies vers le Rhin depuis leurs dépôts. Mais aucune date précise n’a encore été donnée pour la nouvelle offensive mais Patch et Devers prévoient de traverser le Rhin entre le 10 et le 20 décembre. Le 24 novembre, alors que les états-majors allemands optent la défense de Colmar, Dwight D. Eisenhower et Omar N. Bradley (commandants repectifs du SHAEF* du 12th Allied Army Group) effectuent une visite du flanc sud du front allié. Après s’être rendus au QG de Patton à Nancy où ils peuvent se rendre compte des difficultés de la IIIrd Army à progresser vers la Sarre, juste au nord du flanc gauche de la VIIth Army. Tout en pestant contre le temps exécrable et le manque de routes convenables, Patton demande que le XVth Corps de Haislip repasse sous son contrôle. Mais Bradley se montre alors inquiet quant à une poussée dans le Bassin de la Sarre mais considère qu’un transfert de forces sera une perte de temps. Au lieu de favoriser Patton pour que celui-ci puisse concentrer ses forces pour une puissante attaque sur plusieurs objectifs limités, Bradley préfère assigner l’aile sud de Patton à Patch. Même si Eisenhower ne veut pas se prononcer, il semble qu’il aurait été plus favorable à soutenir Patton.
Eisenhower et Bradley se rendent ensuite à Lunéville, avant de se rendre au QG du XVth Corps à Sarrebourg pour s’y entretenir avec Devers, Patch et Haislip. D’habitude énergique et décidé, Wade H. Haislip se montre préoccupé en raison de l’attaque de son flanc gauche par la Panzer-Lehr depuis la Sarre. Il veut sans doute expliquer que la sécurisation du secteur de Sarreguemines est nécessaire si l’on veut attaquer derrière le Rhin. « Ike » et Bradley partent ensuite pour Saint-Dié où Edward H. Brooks, faisant d’habitude preuve de sérieux, se montre assez détendu, puisque son VIth Corps s’apprête à percer le front des Vosges, s’apprêtant à opérer sa phase de poursuite. Il n’empêche qu’Eisenhower et Bradley constatent que les différents états-majors planifient la traversée du Rhin en vue d’y établir par moins de seize têtes de pont, avant de s’enfoncer vers l’Allemagne. Patton n’est pas de cet avis et milite pour que Patch réoriente son armée vers le nord pour crever le front de la 1. Armee allemande de von Herbstfelder. Patton va même jusqu’à envoyer un ordre au PC de Haislip pour qu’il cesse ses préparatifs de traversée du Rhin pour se porter au nord en longeant les Basses-Vosges, afin d’apporter un soutien rapproché à l’aile droite de la IIIrd Army. Mais Jacob L. Devers est bien déterminé à traverser le Rhin. Retournant au PC du 6th Army Group, alors installé à l’Hôtel « Héritage » de Vittel, il assiste à un dîner avec les trois principaux commandants des forces terrestres américaines en France. Il s’ensuit alors une âpre discussion entre lui, Eisenhower et Bradley. Le patron du SHAEF insiste alors pour Devers cesse les préparatifs de traversée du Rhin afin d’aider Patton du mieux possible. Ike va même plus loin en proposant de transférer 2 divisions du 6th Army Group au 12th de Bradley et d’étendre la dispositif du XVth Corps vers le nord-ouest. Devers réplique violemment en expliquant que la VIIth Army de Patch doit être renforcée et non celle de Patton, afin dit-il, de traverser le Rhin à hauteur de Rastatt pour ensuite envelopper le Bassin de la Sarre. Bradley s’y montre fermement opposé car tenter de forcer le Rhin sur les positions fortifies du Westwall aboutira à un échec, marqué par un coût humain particulièrement élevé. Exaspéré, Devers réplique que les Allemands ont alors peu de troupes en face de la VIIth Army, les patrouilles de Patch qui ont sondé la rive droite du Rhin ayant relevé que les positions défensives sont inoccupées. Eisenhower se trouve alors coincé. Il ordonne alors à Devers d’utiliser les forces nécessaires pour nettoyer la zone entre les Vosges et le Rhin mais de redéployer la VIIth Army au nord dès que possible, pour attaquer à l’est et à l’ouest des Basses-Vosges. Mais il n’y aura pas de traversée du Rhin à la fin de l’année 1944. Eisenhower réussit à trouver un compromis : il promet à Devers de permettre au 6th Army Group de conserver ses 2 divisions et de recevoir même 1 nouvelle division blindée, si Devers accepte de maintenir ses forces sur la rive gauche du Rhin. Mais au final, Devers n’a pas n’a pas le choix et doit renoncer à traverser le Rhin. En contrepartie, il réussit à ce que seul le XVth Corps de Haislip et ses trois divisions soient redéployés au nord. Mais suite à l’entretien houleux, aucun des trois généraux n’est satisfait. Eisenhower a qualifié l’entretien de « fou comme l’enfer », au regard des critiques émises par Devers sur sa stratégie, alors que le patron du 6th Cops alla jusqu’à se demander s’il « était dans le même camp ». Bien évidemment, la tension entre Eisenhower et Devers n’est plus retombée depuis ce jour.
Le 26 novembre, Eisenhower et Bradley concluent leur à Vittel, alors que Patch commence à appliquer les nouvelles instructions à son armée. Dès que possible, le XVth Corps doit avancer vers le nord à l’est des Bases-Vosges (sur sa droite) et à la limité des 6th et 12th Army Groups. Au final, la VIIth Army a pour mission de nettoyer la zone entre les Basses-Vosges et le Rhin. Patch et Devers souhaitent alors tourner la VIIth Army au nord aussi rapidement que possible, avant que les Allemands n’acheminent des renforts dans ce secteur. Par conséquent, les nouvelles limites du dispositif du 6th Army Group couvrent la Sarre au nord, entre Fénétrange et Ramstein, avant d’obliquer vers Haguenau et Strasbourg. Enfin, au sud la Ire Armée française couvre en partie la Haute-Alsace excepté bien sûr, la Poche de Colmar. Mais cette disposition a le vice de ne satisfaire ni Patton, ni Devers. Quelque fut la nouvelle disposition des lignes de Devers, la décision d’Eisenhower de ne pas franchir le Rhin allait avoir un effet sur la suite des opérations sur le Front Ouest. Il n’empêche que Devers, Patch et Haislip sont encore certains que le XVth Corps peut s’emparer d’une tête de pont à Rastatt ; tête de pont qui pourrait être exploitée avec une certaine facilité dès que le VIth Corps de Brooks sera disponible. Devers estime que la décision de son supérieur est une erreur, allant même à penser qu’Ike est davantage préoccupé par les gains territoriaux que par la destruction de l’ennemi. Selon lui, la IIIrd Army de Patton doit être rattaché au 6th Army Group, afin de mieux coordonner les opérations en Sarre et sur le Rhin. A tort, Devers estime aussi que la Ire Armée française viendra rapidement à bout de la 19. Armee dans la Poche de Colmar. Mais, toujours pour reprendre les mots de Clarke, rien ne transparaît au sein des états-majors américains de la détermination du Führer à tenir l’Alsace, quel qu’en soit le prix.
De son côté, il apparaît qu’Eisenhower veut d’abord privilégier le NETTOYAGE DEFINITIF DE TOUTE LA RIVE DROITE DU RHIN de la Hollande à la Suisse, au lieu de capitaliser sur la prise de Strasbourg, arrivée bien plus tôt que prévu dans le calendrier. En outre, reléguant de Lattre et ses hommes à une tâche presque subalterne, Ike ne voit non plus aucun intérêt à accorder une réelle signification à la trouée de Belfort, quoi qu’en disent Devers ou le nouveau Gouvernement français. Autre raison, Ike estime qu’avec seulement 2 armées – dont une toujours occupée à nettoyer le massif vosgien – le 6th Army Group n’est peut-être pas en mesure de lancer une large opération de franchissement du Rhin. Le lancement de cette opération – si bien eût-t-elle lieu – aurait nécessité de basculer l’effort principal de l’avance vers l’Allemagne, du 21st Army Group de Montgomery tout au nord au 6th Army Group tout au sud, ce qui aurait posé nombre de problèmes en matière de transferts de troupes et de logistique. Mais il ne faut pas oublier que Patton était d’accord pour que Patch lance une partie de sa VIIth Army sur la rive est du Rhin, du moment que son aile droite (XIIth Corps) soit couverte pour attaquer Bassin de la Sarre. Mais il semble bien qu’Eisenhower ait oublié cet avis.
Mais trente ans après les faits, le Lieutenant.General Garrison H. Davidson, commandant du Génie de la VIIth Army en 1944 (et donc en charge de la préparation de la traversée du Rhin), estimait qu’Ike avait clairement manqué d’audace. Ne reniant aucunement l’optimisme qui pouvait régner dans l’état-major de Patch, Davidson estimait qu’une traversée rapide du Rhin à Rastatt, puis une poussée vers Francfort et Mayence, auraient forcé les Allemands à annuler l’offensive dans les Ardennes. En effet, puisque Hitler aurait été contraint d’expédier des réserves en urgence en Sarre et dans le Palatinat pour contrer la menace directe sur le sol allemand. Davidson va donc jusqu’à dire que 40 000 soldats américains n’auraient pas été perdus en Belgique. Il n’empêche que pour Patch et son état-major, l’ordre abrupt d’Eisenhower de s’arrêter sur la rive droite du Rhin a provoqué une grande déception.
Sur le terrain, la VIIth Army du Général Patch perd trois divisions expérimentées, du moins temporairement : la 2e DB de Leclerc et la 36th US Divisions de Dahlquist, intégrées à la Ire Armée du Général de Lattre pour nettoyer la Poche de Colmar, ainsi que la 3rd US Division d’O’Daniel qui couvre la jointure des deux armées du 6th Corps à hauteur de Strasbourg. Mais Devers apprend qu’il doit céder 2 Divisions françaises (1re DFL de Garbay et la nouvelle 10e DI de Billotte) qui seront envoyées sur les Poches de l’Atlantique. Mais cette perte est vite comblée par l’arrivée quasi-simultanée début décembre des 12th et 14th Armored Divisions, encore inexpérimentées mais à effectifs pleins.
3 – Les ordres de bataille
a – Le XVth Corps
Patch voit donc ses unités disposées en équerre entre la ligne Fenetrange – Ramstein au nord-ouest et la limite Gerardmer – Selestat – Erstein, tenue conjointement avec la Ire Armée française. Le VIth Corps de Brooks se trouve toujours au débouché des cols vosgiens en amont de la Plaine d’Alsace, exceptés des éléments de la 3rd « Rock of the Marne » qui ont déposé Sainte-Croix-aux-Mines. Les deux autres divisions – les 100th et 103rd – sont toujours aux prises avec quelques faibles unités défensives allemandes. Au moins, le VIth Corps pourra-t-il assez vite marcher vers Sarrebourg, Strasbourg et la frontière franco-allemande. L’effort principal au nord doit être opéré par le XVth Corps de Haislip et la limite entre les deux Corps d’Armée est fixée entre Wasselone et La Wantzenau, moins de 5 km à l’est de Strasbourg. Le 27 novembre, Alexander M. Patch informe Leclerc qu’il a l’intention de transférer la 2e DB au VIth Corps en échange de la 100th Infantry Division qui revient à Haislip.
Wade H. Haislip compte alors 4 divisions d’infanterie, soutenues par 4 Bataillons de chars et 4 de Tank Destroyers. Les 44th, 45th, 79th et 100th qui sont donc charges de l’assaut principal à l’ouest des Basses-Vosges et dans la Vallée de la Sarre. Le flanc gauche tenu par la 44th Infantry Division de Robert L. Spragins (moins son 324th Infantry), avec le renfort du 157th Infantry Regiment de la 45th Division (Colonel Walter P. O’Brien) et du 106th Cavalry Group. A l’est des Vosges, le secteur au nord de Saverne est tenu par le 324th Infantry Regiment (Colonel Kenneth S. Anderson), qui flanque sur sa droite les 16 000 hommes de la 2e DB qui tiennent la ligne jusqu’à Strasbourg. Le flanc droit du Général Leclerc est alors tenu par le 180th Infantry (Colonel Robert L. Dunaley) de la 45th Division. L’aile droite est tenue par les soldats aguerris de la 79th « Cross of Lorraine » d’Ira T. Wyche. Le 27 novembre, Haislip dégage le 179th Infantry (Colonel Preston J.C. Murphy), troisième régiment de la 45th « Thunderbird », de sa mission de garde à Wasselone et l’envoie sur le flanc droit du 180th. La 100th Infantry Division de Wither A. Burress, détachée du VIth Corps, vient enfin s’intercaler entre les 44th et 45th Divisions au nord de Saverne. En outre, la 14th Armored Division du Brigadier.General Albert C. Smitch commence à arriver par échelon. Toutefois, toute la réorientation du XVth Corps nécessite plusieurs jours, puisqu’il faut aussi transférer chaque unité d’état-major, de logistique, d’artillerie et de soutien sur ses nouvelles positions.
En face des forces de Haislip, quelques éléments des 361. VGD et Panzer-Lehr Division tiennent la ligne Wolfskirchen – Eywiller – Durstel, pendant que la 25. Panzergrenadier-Division tient toujours Sarre-Union. Mais Balck et von Knobelsdorff espèrent établir une série de positions pour leur flanc est depuis Sarre-Union à travers les Basses-Vosges et le long de la Moder entre Haguenau et le Rhin. Du coup, la 25. PzGren.Div de Schürmann devra se placer entre Sarre-Union et Frohmuhl (sur la N 419) pour couvrir les Basses-Vosges. La faible 361. VGD est redéployée plus à l’est, sur la Moder entre Frohmuhl et Ingwiller, après avoir « aspiré » quelques éléments de la 553. VGD. A l’est des Vosges, la 245. VGD, rameutée d’urgence de Hollande tient s’ancre elle aussi sur la Moder entre Ingwiller et Gambsheim, via Haguenau et Gries. Ses divisions sont alors « coiffées » par le LXXXIX. Armee-Korps de Gustav Höhne, qui a perdu presque tout son équipement lourd dans le secteur de Saverne. Certaine divisions ne sont pas mieux loties. Au sein de la 361. VGD notamment, un bataillon (Abteilung) ne compte plus que 150 hommes et un régiment, 300. Le 256. VGD possède 6 bataillons réduits à la moitié de leurs forces.
b – Le VIth Corps
Le 26 novembre, la 2e DB reçoit l’ordre de passer aux ordres du VIth Corps de Brooks. Leclerc envoie alors les Groupements Tactiques L (de Langlade) et V (de Guillebon) dans le nouveau secteur d’action de l’unité de Brooks. Du coup, la 3rd Division doit venir relever les Français dans le secteur de Strasbourg. Brooks souhaite ensuite que les Français se portent au sud vers Erstein, Sélestat et Colmar afin de compléter l’avancée des troupes avançant depuis les cols Vosgiens. Le 26 même, trois jours après avoir libéré Strasbourg et le jour où une prise d’armes a lieu sur la place de la Cathédrale, le GT V s’empare de deux ponts sur l’Ill au sud de la capitale alsacienne. Pendant ce temps, le GT D (Dio) se prépare à descendre vers le sud, pendant que le GT R (Rémy) continue ses missions de patrouille sur le Canal ouest et la Bruche, afin de maintenir le contact avec la 3rd Division US à Molhseim. Les « Dogface soldiers » d’O’Daniel arrivant en tête, entrent dans Molsheim le 26 même et poussent leur effort plus au nord dans le vignoble, ne rencontrant qu’une faible résistance. Le reste de la division finit par déboucher dans la Plaine, pendant que les éléments avancés entrent dans Strasbourg pendant la soirée du 26. La relève peut alors commencer avec Leclerc. Brooks ordonne ensuite au Combat Command A de la 14th Armored Infantry (Brigadier.General Charles H. Karlstad) d’avancer sur Molsheim, pendant que la 103rd Infantry Divisio finit par atteindre Ville le 26, à une douzaine de kilomètres de Molsheim. Les objectifs immédiats de la « Cactus Division » sont alors Le Hohwald et Barr, deux secteurs défensifs ennemis au nord de Colmar. Plus au sud, le 142nd Infantry Regiment (George E. Lynch), élément de tête de 36th Infantry Division, atteint Saint-Croix et débouche sur la Plaine d’Alsace.
Face à la pression américaine, le LXIV. Armee-Korps de Helmuth Thumm est incapable d’offrir une résistance organisée entre Sélestat et Barr. Ses 708. Et 716. ID n’ont pas grand chose à oppose aux Américains. Du coup, une unite montée de toute pieces, la Division Bürcki, (amalgamant des SS, des hommes du SD*, des convalescents sortis de l’hôpital, quelques hommes du génie et 1 bataillon de canons de 88 mm) accourre pour former un écran protecteur dans le secteur d’Ernstein. Le Sturmgeschützt-Abteilung 280 (Hauptmann Fritz Sebald) arrive pour donner une certaine cohérence à la défense au nord de Colmar.
Au sud-ouest du LXIV. Armee-Korps, le nouveau XC. Armee-Korps de Petersen (nouveau nom donné au IV. Luftwaffe-Feld-Korps) continue de tenir les Hautes-Vosges et de défendre l’approche de Colmar face à l’approche de la 36th US Division et de la 3e DIA. Il dispose alors de la faible 16. VGD mais aussi de la 269. VGD (Hans Wagner), la seule unité ayant alors des effectifs convenables. Toutefois, les deux divisions occupent un excellent terrain défensif. Tout au sud, le LXIII. Armee-Korps du General der Infanterie Friedrich-August Schack fait face au gros de la Ire Armée Française au sud de la Poche de Colmar. Il dispose alors des 338. et 198. ID affaiblies, ainsi que des Russes et Ukrainiens de la 30. SS-Waffen-Grenadier-Division Weiss-Russischen Nr. 1, dont nombre de soldats font montre d’une combativité plus que douteuse.
Le 27 novembre, les forces de Jean de Lattre de Tassigny achève l’enveloppement de Burnhaupt, forçant Wiese à transférer les restes de la 198. ID dans le secteur de Sélestat, important croisement routier et ferroviaire dans la Plaine d’Alsace, au sud de Barr et au nord de Colmar. Au vu de la situation, Patch donne ordre au 103rd et 36th US Division de déboucher définitivement des Vosges avec l’aide du CC A de la 14th Armored, afin de sécuriser Barr et Sélestat. Mais Patch prévoit d’envoyer le VIth Army Corps vers le nord, en laissant la 2e DB dans le secteur de Colmar. Patch espère que la Division du Général Leclerc, appuyée par des Régiments américains, pourrait facilement venir à bout des forces allemandes entre Sélestat et Barr, avant de rejoindre la Ire Armée. Dans l’ensemble, il est clair que Patch veut se consacrer au soutien de Patton et laisser la Poche de Colmar aux Français.
Leclerc est lui-même enthousiaste ; sa division conserve encore des effectifs presque pleins (certaines unités ayant été complétées partiellement par l’engagement de quelques Lorrains et d’Alsaciens) et ses soldats sont toujours mordants. Leclerc espère que la conjonction de sa division avec les unités de la Ire Armée permettra de s’emparer de Colmar assez vite. Sur le tableau, avec 3 Divisions d’Infanterie, 3 Blindées (en comptant la 2e DB), les Commandos et Chocs, les Parachutistes du 1er RCP et les unités FFI, les Français sont en écrasante majorité mais de Lattre est préoccupé par l’étirement de ses lignes logistiques. Et n’oublions pas que le patron de la Ire Armée, comme Béthouart ont été échaudés par la contre-attaque surprise allemande entre Cernay et Mulhouse. En outre, le IInd Corps de Montsabert est épuisé par ses combats dans les Vosges.
De son côté, Edward H. Brooks ordonne au CC A de se scinder en colonne pour couper la N 83 au sud d’Erstein, derrière les lignes allemandes. Mais la prise de cette localité par la 2e DB le 27 novembre sécurise l’avance du CC A vers Sélestat. Les hommes du Brigadier.General Karlstad se regroupent alors dans les environs de Benfeld, à 4 km au sud d’Erstein. Pendant ce temps, les 103rd et 36th US Divisions continuent leur poussée vers la Plaine d’Alsace pour sécuriser les zones reconquises à mesure que la 2e DB poursuit vers le sud. Puis, Dahlquist déploie un Regimental Combat Team pour soutenir Leclerc, avant de préparer le reste de sa division à partir vers le nord, conformément aux ordres de Patch.
[Suite]
*SD : Sicherheits-Dienst, ou l’organe de sécurité intérieure du Reich.