Chroniques des Dardanelles – 14
– Le 8 août, Birdwood monte une nouvelle attaque contre Çunuk Bahr avec les Wellington Battalion, 7th Bn. Gloucestershire et 8th Bn. Royal Welch. A 03h30, Néo-Zélandais et Britanniques ouvrent un feu d’enfer avec canons et mitrailleuses, forçant les Turcs à quitter temporairement leurs positions. Ensuite, le Wellington Battalion, avec chacune de ses compagnie forte de 200 hommes, surgit de ses tranchés, franchit les quelques 95 m du no man’s land et réussit à occuper la première ligne turque. Les quelques soldats ottomans qui sont restés sur place sont tués ou capturés. Alors que les Wellington s’emploient à consolider leurs positions, les Welch et Gloucester se retrouvent durement exposé au feu ennemi en voulant appuyer les Néo-Zélandais sur leurs flancs.
– Le Lt.Colonel Malone envoie alors ses soldats sur la pente opposée de Çunuk Bahr mais les Néo-Zélandais reçoivent tout le choc d’une violente contre-attaque turque, appuyée par de l’artillerie et des mitrailleuses. Malone refuse de céder du terrain car toute retraite permettrait aux Turcs de récupérer le peu de terrain conquis. Du coup, pendant près d’une journée, ne recevant que des maigres renforts, le Wellington va tenir avant d’être relevé par les cavaliers démontés des Wellington Mounted Rifles et Otago Mounted Rifles. Mais le prix a été exorbitant pour le Wellington Battalion : 760 tués et blessés et seulement 70 hommes encore valides.
– Le même jour, la 29th Indian Brigade tente de s’assurer le contrôle du terrain au pied de la pente opposée de Çunuk Bahr, avec la cote « Q » pour objectif. Malheureusement, leur effort tourne à la confusion ; certains officiers britanniques ne savant même pas où se situe la Côte « Q » ! Un assaut a lieu avec le 5th Bn. Gurkhas et le 14th Bn. Sikhs, appuyés par les Australiens de la 4th Brigade sur leur gauche. Mais la tentative s’avère être un échec. Seul, les vaillants Népalais du 1/6th Bn. Gurkhas, emmenés avec détermination par le Lt.Colonel Cecil Allanson réussit à accrocher la Cote « Q ». Enfin, la 4th Australian Brigade de Monash se trompe tout bonnement de direction, puisqu’elle progresse vers Abdul Rahman au lieu de se diriger vers l’éperon de Damakjelik. Et comme de coutume, les Turcs s’emploient à bloquer efficacement leur avance.
– Incapables de débloquer la situation à Sulva, les Britanniques et soldats du Commonwealth laissent donc tout le loisir aux Turcs de faire venir des renforts. Ainsi, des régiments des 4e, 8e et 9e Divisions sont déjà venus renforcer ceux qui défendent Sulva, pendant que les 7e et 12e Division, sous le commandement du Colonel Felzi Bey prennent le chemin du secteur à défendre. Il apparaît alors que seul Mustapha Kemal est à même de coordonner les efforts défensifs des unités turques dans ce secteur. Du coup, Liman von Sanders lui confère la pleine autorité sur les divisions qui défendent Sulva, pendant que le commandement de sa 19e Division passe sous le commandement du redoutable Colonel Mehmet Sefik.
– Au soir du 8, il est clair que tous les plans britanniques pour effectuer une percée sur le crochet gauche de la tête de pont ont échoué. L’accès à Abdul Rahman pour prendre la Cote 971 est fermement verrouillé. Birdwood décide alors de confier un nouvel effort à la 39th Brigade qui n’a pas été encore pleinement engagée, ainsi qu’à la 29th Indian Brigade pour débloquer le secteur de la Cote « Q ». La 39th Brigade, commandée par Anthony Baldwin, est formée de Battalions issus de la 13th Division. Pendant ce temps, la New Zealand Brigade doit consolider ses positions attenantes à Çunuk Bahr avant de se porter sur la « Crête du Cuirassé » (« Battleship Hill »). Le bombardement préparatoire démarre à 04h30, avant que l’assaut ne soit lancé à 05h15. Mais la brigade de Baldwin perd un temps précieux à se mettre en position, ce qui a pour résultat d’affaiblir le dispositif offensif des Néo-Zélandais.
Le seul espoir reste entre les mains des soldats népalais du 1/6th Bn. Gurkhas du Lt.Colonel Allanson, renforcés par trois compagnies du 6th Bn. South Lancashire. Mais c’est bien peu en proportion de l’ampleur de la tâche.
Finalement, les hommes du Major Allanson doivent se replier sur leurs positions de départ. Dans une confusion certaine, Gurkhas et South-Lancs tentent de dégager la Cote « Q » mais aucune de leur tentative n’aboutit. Allanson étant blessé – il retournera néanmoins dans ses lignes en marchant avec une jambe en sang –, le Major Mott prend le commandement des anglo-indiens. Finalement, faute de soutien sérieux sur la Cote 971 de la part des Australiens, Népalais et Anglais sont contraints de se replier sur leurs lignes de départ. Peter Hart rapporte que pour le Major Allanson, l’un des principaux responsables de l’échec reste la Royal Navy dont les tirs d’appui ont été inefficaces. Quoiqu’il en soit, l’échec britannique est consommé.
*** Contre-attaque turque
– Enfin de journée, afin de prévenir de toute contre-attaque turque, les Néo-Zélandais épuisés et démoralisés sont renforcés par les jeunes conscrits des 6th Loyal North Lancashire et 5th Wiltshire. Sauf que Kemal ordonne de lancer une contre-attaque sur Çunuk Bahr avec une partie des forces qui lui sont parvenues. Et le temps joue en sa faveur. A 04h45, les Turcs tombent violemment sur les positions des Loyal North Lancs et Wiltshires, bousculant tout sur leur passage. Çunuk Bahr est dégagé et les défenseurs britanniques doivent se replier précipitamment en direction de la côte. Après une pause, les Turcs lancent une nouvelle charge vers la pente inférieure de la « Crête du Rhododendron ». Ils s’emparent encore du « Pinnacle » et seuls les mitrailleurs Néo-Zélandais arrêtent leur élan par un feu meurtrier. Mais plus au nord, les Turcs fondent sur le « Plateau de la Ferme » et massacrent les défenseurs, notamment des soldats sikhs.
– Incontestablement, les ANZACS, Indiens, Népalais et Britanniques se sont montrés particulièrement courageux durant ses trois jours sanglants. Mais pour quel résultat ? Clairement, les gains de terrain ont été nuls. Et ce pour 12 500 hommes de perdus pour les Néo-Zélandais et Australiens (dont 5 500 à la seule 1st NZ&A Division) et 5 800 pour la 13th Division. Mais parmi les blessés qui seront évacués par navires, beaucoup vont mourir faute de moyens et de soins durant le voyage de retour vers Alexandrie.
Source :
– HART Peter : Gallipoli, Profile Book, Grande-Bretagne