Faisons un bref retour en arrière. Le 11 juin 1944, la 3rd Canadian Division du Major-General Rodney E. Keller emporte de haute lutte le Le Mesnil-Patry, achevant ainsi la mission première à l’issue d’Overlord. Cependant, le commandement britanniques n’a pu prendre Caen dès le 6 juin, pour trois principales raisons : les embouteillages causés lors du débarquement sur Sword Beach qui ont mis à mal la coordination des unités du Ist Corps britannique de John Crocker, une contre-attaque improvisée par la 21.PzDiv vers Sword et la troisième, résultant en grande partie de la seconde, le manque d’audace de Crocker qui a préféré placer ses forces sur la défensive au lieu de les lancer sur Caen. .
1 – LE PLAN DE MONTGOMERY
– Plusieurs éléments conjugués incitent Montgomery à décider le déclenchement d’Epsom : échec de Crocker au nord et au nord-est de Caen, échec des Canadiens à s’emparer de Carpiquet, échec piteux de la 7th Armoured à Villers-Bocage et aussi, l’arrivée très prochaine des 37 000 hommes et 350 Panzer du II. SS-Panzer-Korps d’Hausser sur le front de Normandie. Le chef britannique va donc tenter de prendre Caen par l’ouest en effectuant un crochet par la vallée de l’Odon orienté NO-SE.
– Par conséquent, Montgomery et Miles Dempsey, le commandant de la IInd Army, échafaudent plusieurs plans pour prendre Caen dès la fin juin. Toutefois, la prépondérance de Montgomery allait très vite poser des problèmes à Dempsey car son supérieur était sensé coordonner les efforts de l’ensemble du XXIst Army Group. Mais pour des raisons politiques, les Américains ne souhaitaient pas voir le Britannique se mêler de leurs opérations dans le Cotentin. Du coup, Montgomery va prendre ungrand ascendant sur Dempsey, en plus d’une propension à se mêler des décisions prises dans l’état-major de la IInd Army, reléguant ainsi Dempsey à un rôle d’adjoint. Discret et courtois, Dempsey était pourtant un chef d’expérience qui avait connu l’expérience du feu dans les tranchées en France. Commandant du XIIIth Corps en Méditerranée (Afrique et Sicile), il avait gagné la réputation d’un bon planificateur d’opérations combinées. Il avait aussi une capacité notable à pouvoir se représenter un paysage rien qu’en visionnant une carte.
– En outre, le commandant du XXIst Army Group (XXIe Groupe d’Armée, soit l’ensemble des forces terrestres alliées) sait qu’il doit prendre Caen au plus tôt. Le 18 juin, après la déconvenue de la 7th Armoured Division à Villers-Bocage, il ordonne au General Miles Dempsey, commandant de la IInd Army britannique de lancer une offensive générale sur Caen, avec les Ist et XXXth Corps de John Crocker et Gerald Bucknall à l’ouest et au nord, pendant que le VIIIth Corps de Richard O’Connor doit lancer un assaut à l’ouest de la ville à partir de la tête de pont de l’Orne. Sauf qu’avec les renseignements fournis par ULTRA, Montgomery et Dempsey doivent changer leur plan. Montgomery place alors son principal axe d’attaque à l’ouest de Caen, sur la Vallée de l’Odon. L’idée est d’atteindre Caen par un crochet du VIIIth Corps d’O’Connor par l’ouest. L’opération est baptisée Espsom, du nom d’un quartier de l’ouest de Londres. Montgomery prévoit aussi plusieurs attaques chargées de fixer des forces du Panzergruppe-West. Ainsi, l’Opération Martlet doit être déclenchée par la 49th Infantry Division de Rawlins et la 8th Armoured Brigade du XXXth Corps contre les positions allemandes autour de Fontenay-le-Pesnel.
– L’attaque principale d’Epsom doit avoir lieu à partir des positions remportées par les Canadiens de la 3rd Can. Division dans les jours qui ont suivi le 6 juin. Le VIIIth Corps d’O’Connor comprend 60 244 hommes, environ 600 chars, 700 canons, deux brigades de chars et trois divisions qui n’ont encore aucune expérience des combats, soit : la 15th Scottish Infantry Division de Gordon McMillan, la 43rd « Wessex » Infantry Division d’Ivor « Butcher » Thomas, la 4th Armoured Brigade de John Currie, la 31st Tank Brigade de Gordon Knight (soutien d’infanterie) et la 11th Armoured Division de George « Pip » Roberts, l’un des meilleurs commandants d’unité blindée de Sa Gracieuse Majesté.
– Ancien commandant d’une brigade blindée en Afrique du Nord, Roberts avait très vite compris que les forces terrestres britanniques devaient sortir de la sclérose doctrinale qui expliquait leurs non-succès tactiques. Roberts plaidait ardemment pour que les divisions blindées « s’assouplissent » en formant des groupes de combats interarmes à l’image des Kampfgruppen allemands. Malheureusement, l’audacieux jeune général (il n’avait que trente-sept-ans) se heurte fréquemment à la rigidité conservatrices de ses supérieurs (Montgomery en tête…) toujours attaché à la « séparation des tâches » infanterie-chars.
– Le plan établi par Montgomery se partage en quatre phases qui doivent finalement permettre le contrôle du terrain au-dessus de Bretteville-sur-Laize :
Phase 1 – Plan Gout : Saisir Saint-Manvieu et Cheux par l’assaut de la 15th Scottish Division.
Phase 2 – Plan Hangover : Les Ecossais doivent franchir l’Ordon en plusieurs points et s’emparer des villages de Mouen et Grainville-sur-Odon. En outre, si la résistance s’avère faible, la 11th Arm.Div de Roberts doit s’emparer des ponts enjambant l’Odon par un coup de main.
Phase 3 – Plan Impedigo : Des éléments de la 43rd Wessex Division doivent relever la 15th Scottish Division au nord de l’Odon, celle-ci devant étendre la tête de pont vers le sud-est et prendre plusieurs villages d’importance.
Phase 4 – Plan Goitre : La 11th Arm.Div doit alors franchir l’Orne et d’avancer sur Bretteville-sur-Laize. De son côté, la 4th Armoured Brigade du Brigadier John Currie doit « flanquer » la 11th Arm.Div entre l’Odon et l’Orne afin d’attaquer vers Caen si nécessaire.
– Bien entendu, Montgomery compte sur son artillerie pour « assommer » les forces ennemis pour que ses fantassins enfoncent les défenses durant la première journée.
– Si l’assaut du VIIIth Corps réussit, le Ist Corps de Crocker lancera une attaque de soutien avec la 3rd Canadian Division et la 2nd Canadian Armoured Brigade pour prendre le village de Carpiquet. D’autre part, la Guards Armoured Division, fraîchement débarquée place sa 32nd Infantry Brigade à la disposition de la 43rd Division. D’autre part, Montgomery attribue à O’Connor une forte artillerie avec des pièces de 4.2 et 4.3-inch, en plus de celles dont dispose déjà la VIIIth Corps et ses trois divisions.
– Montgomery espère une offensive rapide, d’autant plus qu’en face, les Allemands alignent quelques éléments de la 12.SS-PzDiv « Hitlerjugend » de Meyer et d’autres de la 21.PzDiv, ainsi que de la Panzer-Lehr. Toutefois, Epsom qui est prévue pour le 22 juin, doit être retardé au 26 en raison du temps exécrable, ainsi que du temps nécessaire à O’Connor de mettre son VIIIth Corps en ordre de bataille. En outre, l’épais brouillard qui descend depuis la Grande-Bretagne vers la Normandie pendant ces jours de Juin empêche les avions d’attaque Typhoon et des bombardiers du RAF Group N° 83 de décoller et Montgomery a besoin de leur appui.
2 – FIXER LE FLANC GAUCHE ALLEMAND : OPÉRATION « MARTLET »
– Le 25 juin à 01h45, le XXXth Corps de Bucknall démarre l’Opération Martlet chargée de faire diversion. Un intense bombardement d’artillerie pilonne les positions allemandes situées juste devant les lignes de départ de la 49th Infantry Division « West Riding » de Stuart Rawlins. A 5h00, à la fin du bombardement, les fantassins britanniques avancent dans un épais brouillard. Plusieurs bataillons de tête s’égarent. Ainsi, le Hallamshire Battalion de la 146th Brigade se retrouve pris sous les tirs d’éléments de la Panzer-Lehr sur la route de Fontenay-Tessel – Bretteville et se replie immédiatement sur Fontenay. Pendant ce temps, le 11th Bn. Royal Scots Fusiliers de la 147th Brigade surgit du brouillard et attaque Fontenay-le-Pesnel mais le village est fortement défendu par le III/SS-Panzergrenadier-Regiment 26, ce qui force les britanniques à mener un dur combat pendant toute la matinée pour le contrôle du village. Le 11th Bn. RSF doit alors se replier au nord de Fontenay-les-Pesnel et attendre les renforts. Des combats très confus ont lieu le long de Rauray.
– L’après-midi, la 146th Brigade réussit à saisir ses objectifs dans les bois près de Vendes, lorsque le 1/4th Bn. King’s Own Yorkshire Light Infantry tente de dégager le bois de Tessel-Bretteville mais ce bataillon se retrouve sous un violent tir de mitrailleuses et se retrouve forcé de s’enterrer. Sur la droite, des éléments du 7th Bn. Duke of Wellington’s Regiment viennent renforcer le 11th RSF, ce qui permet à ces deux bataillons de contrôler Fontenay le soir même. Cependant, Rauray est toujours entre les mains du SS-Panzergrenadier-Regiment.26 de Wilhelm Mohnke.
Si la 49th Division n’a pas réussi à pleinement sécuriser le flanc droit du VIIIth Corps, elle relance son offensive dès le lendemain afin continuer à fixer la Hitlerjugend.
– Le 26 juin à 05h30, la 70th Infantry Brigade et la 8th Armoured Brigade relancent l’offensive de la West Riding. Un Groupe de Combat formé du 24th Lancers et le 12th Bn. King’s Royal Rifle Corps (infanterie portée) entre dans Tessel-Bretteville mais doit évacuer le bourg pendant l’après-midi, du fait que les unités placés sur sa droite sont incapables d’avancer depuis leurs lignes de départ. Pendant la nuit, deux companies du 2/Panzergrenadier-Regiment 192 (21. PzD) viennent renforcer les defenses de la Panzer-Lehr près de Vendes, village qui reste aux mains des Allemands.
– Le 27 juin, la 146th Brigade capture le bois de Tessel-Bretteville mais ne peut pousser son avantage en raison des violents tirs de barrage des Panzergrenadiere. Cependant, la force combinée 70th Brigade – 8th Armoured Brigade est plus chanceuse en fonçant vers le sud et s’infiltrant dans Rauray. De durs combats s’engagent dans le village durant toute la journée mais à la tombée du jour, les Britanniques en sont maîtres. La 70th Brigade reprend son avance dès la matinée du 28 juin. Le 1st Tyneside Scottish (70th Brig.) commence à s’infiltrer dans Bretteville, au sud de Rauray. Seulement, pendant l’après-midi, les allemands accentuent leur pression sur les Britanniques grâce à l’arrivée des divisions du II. SS-PzK de Hausser. Ainsi, le Kampfgruppe Weidiger de la « Das Reich » est immédiatement envoyé sur l’Odon, afin de permettre aux deux divisions de Hausser (Hohenstaufen et Frundsberg) de se déployer. Pendant ce temps, Rawlins place sa 49th « West Riding » Division en position défensive autour de Rauray car il s’attend à ce que les Allemands passent à la contre-attaque. Cependant, entre les 29 et 30 juin, la 49th reçoit des tirs sporadiques de la part du KG Weidiger.
– Le 1er juillet, le KG Weidiger passe à l’attaque dès 06h00 du matin, avec pour objectif la reprise de Rauray. L’avance des Waffen-SS est d’abord rapide et ils réussissent à isoler le 1st Tyneside Scottish au sud de Rauray. Un furieux combat de près de trois heures s’engage alors autour de Rauray avec le Tyneside et le 11th Durham Light Infantry, les Britanniques faisant tout pour rejeter les Allemands vers leurs lignes de départ. Vers 10h00, les Waffen-SS finissent par se replie pour renouveler leur assaut à 11h00. Le nouvel assaut de Weidiger échoue face aux lignes de défenses anglaises.
– Pour les Britanniques, le résultat n’est pas si négatif. En effet, si la West Riding a connu des pertes importantes, elle a réussi à maintenir ses positions et à sécuriser la tête de pont sur l’Odon.
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