Chroniques de la Bataille de Normandie – 23/ La « Vallée de la mort » (Seconde partie)
4 – « GREENLINE »
– En dépit de son double échec, Montgomery veur relancer l’assaut dans la vallée de l’Odon, avant de déclencher l’Opération « Goodwood » car les Américains viennent de le mettre au courant du projet de percée dans le Cotentin qui se concrétisera avec « Cobra ». Monty met alors Sir Alan Brooke au courant du lancement de deux opérations successives pour forcer le cours de l’Odon et dégager la rive ouest de l’Orne. Le commandant du XXIst Army Group veut alors profiter de l’état d’épuisement de la « Frundsberg ». Les deux plans mis au point rapidement et prévu pour le 15 juillet, sont baptisés « Greenline » et « Pomegranate » et confiés respectivement au XIIth Army Corps du Lieutnant-General Neil Ritchie au XXXth Army Corps du Gerard Bucknall. Soutenus par et par non moins de 450 bouches à feu, les deux divisions doivent enlever Gavrus, Evrecy et Esquay-Notre-Dame, secteurs tenus par une partie de la « Frundsberg » et par les 276. ID (Badinski) et 277.ID (Praum).
– Pour « Greenline » (aile gauche Noyers – Maltot), Ritchie compte alors sur la 15th Scottish Division (Barber) détaché du VIIIth Corps et sur la 53rd « Welch » Division du Major-General R.K. Ross. La seconde, arrivée en Normandie à la fin du mois de juin, connaît son premier engagement. Elles sont appuyées par la 34th Army Tank Brigade (William Clarke, 107th, 147th et 153rd Royal Armoured Corps).
– L’assaut démarre pendant la nuit du 15 juillet avec un fort barrage d’artillerie. Ecossais et Gallois s’élancent immédiatement à l’assaut dans l’obscurité. Parti de Baron et appuyé par des chars Crocodiles, le 2nd Bn. Glasgow Highlander du Lt.Col. Campbell (46th Lowland Brigade) réussit à enlever la Croix des Filandriers et le Bon Repos sur le flanc de la Cote 112. Les chars lance-flammes carbonisent encore des petits groupes de Panzergrenadiere, pendant que d’autres se rendent. A 23h00, les Glasgow nettoient Esquay-Notre-Dame mais l’euphorie est de courte durée puisque un violent barrage d’artillerie allemand rend la position intenable. Le Bataillon écossais est ensuite chassé d’Esquay par une contre attaque menée par des Panzer IV de la 6/SS-Panzer 10.
– A 23h30, au centre, la 44th Brigade tente d’avancer vers le sud-ouest avec 2 Battalions mais sous un fort tir de barrage d’artillerie. Toutefois, le 6th Bn. King’s Own Scottish Borderers réussit à accrocher le sommet de la Cote 112 et à opérer sa jonction avec le 2nd Bn. Glasgow.
– Sur l’aile gauche de la 15th Scottish Division, la 227th Highland Brigade connaît un début d’assaut bien plus difficile contre Evrecy. Prise sous un violent tir de barrage, elle ne peut avancer. Plus grave encore, tout son état-major est décapité par un obus bien placé et son commandant le Brigadier MacKintosh-Walker est tué.
– Le 16 juillet au matin, la 44th Lowland Brigade ne peut avancer davange car des champs de mines bloquent la progression d’appui des Churchill de la 34th Army Tank Brigade. Finalement, après plusieurs efforts, le 8th Bn. Royal Scots et le 153rd RAC réussissent à prendre Bougy avant d’être bloqués par une attaque de la Luftwaffe.
Devant la situation, Bittrich ordonne immédiatement à la « Hohenstaufen » fatiguée de rétablir la situation, avec l’aide d’éléments de la 277. ID. Stadler engage donc les SdKfz 251 Schütze-Panzer-Wagen (SPW) sur l’ensemble de la ligne. Le I/SS-PzGren.20 doit attaquer sur Gavrus avec l’aide du Füsilier-Bataillon 277 ; le III/SS-PzGren.20 doit partir à l’assaut sur la Cote 112, pendant que d’autres éléments de la 277. ID appuyés par les Panther du I/SS-Pz.Regt.9 de Tellkamp doivent rejeter les Ecossais de Bougy.
Pendant toute une partie de la journée, Waffen-SS et Ecossais combattent durement, les premiers détruisant 13 Churchill et réussissant presque à enfoncer les lignes britanniques. Il faut encore l’intervention salutaire de la Royal Artillery pour empêcher les Allemands d’aller plus loin
– Le 17 juillet à 21h30, la 158th Infantry Brigade de V. Blomfield (53rd Welch Division) passe à l’action en vue de prendre Evrecy par la route de Gavrus avec l’appui de pièces de campagne. Si les débuts de l’avance sont faciles, les 4th et 6th Bn. Royal Welch Fusiliers sont très vite pris sous un intense tir de mitrailleuses. Le 6th perd son commandant, le Lt.Col. E.H. Cadogan pendant que le 4th ne compte plus que 2 chefs de section valides. Sitôt engagée, la 158th Brigade accuse une sérieuse perte de motal qui nécessite son retrait à l’arrière.
– Le 18 juillet, la 44th Lowland Brigade subit une dernière contre-attaque allemande qui l’empêche d’avancer. Cela marque la fin de « Greenline » qui s’avère décevante quant aux résultats. Ritchie décide alors d’arrêter les frais pour la 15th Scottish qui a perdu 964 tués et blessés durant le mois de juillet, s’ajoutant aux 2 700 hommes déjà perdus lors d’« Epsom ».
5- « POMEGRANATE »
– Quasiment dans la foulée de Greenline, Dempsey charge le XXXth Corps de Bucknall, avec les 49th West Riding (Stuart Rawlins) et 59th Staffordshire Divisions (Lewis Lyne), de forcer la ligne Rauray – Cristot – Fontenay-le-Pesnel à partir des lignes de départ de l’Opération Epsom. L’objectif (ingrat) est de manœuvrer sur le flanc droit des forces engagées dans l’Opération Goodwood et de fixer des forces allemandes qui auraient pu être déployées au sud de Caen. Enfin, la 50th Northumberland de Graham doit intervenir en dernière phase pour s’emparer de Hottot-les-Bagues (Opération « Maori »)
– Ce nouvel assaut démarre donc le 16 juillet avec le traditionnel barrage d’artillerie qui s’abat sur les positions de la 2. PzDiv (Heinrich Freiherr von Lüttwitz), 276 et 277. ID. La 49th West Riding, appuyée paar les Sherman de la 8th Brigade (B. Cracroft). La West Riding se dirige vers le village de Vendes tenue par des elements du Panzergrenadier-Regiment 2, soutenus par les Panzer IV du II/Panzer-Regiment 3. Au terme de violents combats, la « West Riding » se rend maître de Vendes le soir même de la journée du 16 juillet.
– Simultanément, la 59th Staffordshire démarre son assaut par un imposant pillonage d’artillerie divisionnaire. Les 68th, 110th et 116th Field Regiments opèrent un savant tir de barrage sur un secteur réduit tenu par la Hohenstaufen. Le déluge de feu fait dire à plusieurs Grenadiere SS que « les Anglais venaient d’inventer la version « mitrailleuse » du canon de campagne » (A. Beevor). Lyne lance alors ses fantassins à l’assaut vers Noyers-Bocage. La rivère Bordel (!) est franchie sans encombre par les 176th et 177th Brigades, les Britanniques ramassent même 300 Waffen-SS hébêtés de la « Hohenstaufen ». Mieux encore, bien appuyée par des Sherman, ainsi que par des canons automoteurs M10 Wolverine et Achilles, la Staffordshire se paie même le luxe, malgré les pertes, de mettre hors de combat 23 Panzer IV et Panther du SS-Panzer-Regiment 9. Plusieurs engins étant même détruits au lance-roquette PIAT (L. Fortin).
– Le 17, la 176th Brigade de Reginald Fryer (7th Bn. Royal Norfolk, 7th Bn. South Staffordshire et 6th Bn. North Staffordshire) réussit à se rendre maître du village de Senvière, pendant que la 177th de Maurice Ekins (5th, 1/5th et 1/6th Bn. South Stafforshire) entre dans Noyers transformée en tas de ruines.
– Mais le même jour, sur ordre de Stadler, le SS-Panzer-Aufklärungs-Abteilung 9 du SS-Hauptsturmführer Victor-Eberhard Gräbner (unité de reconnaissance de la « Hohenstaufen »), avec quelques Grenadiers de la 277. ID déclenche une contre-offensive contre Noyers et Missy et y repousse les Britanniques durant la soirée. Gräbner place ensuite son unité en hérisson et tient définitivement la localité. Pour cette action, il recevra la Croix de Chevalier le 23 août.
Durant les jours qui suivent, la 59th Division se cantonne à lancer quelques patrouilles.
– Les résultats sont aussi décevants pour la 50th « Northumberland » qui ne peut s’emparer d’Hottot-les-Bagues fermement défendue par un fort parti de Grenadiers. Elle a perdu plusieurs centaines d’hommes, accusant 4 981 pertes depuis la mi-juin.
6 – « EXPRESS »
– Le 22 juillet, Ritchie ordonne à « Butcher » Thomas de lancer la 43rd « Wessex » dans une nouvelle attaque en vue d détruire Maltot. Malgré la fatigue et les pertes, la 129th Brigade appuyée par le 9th RTR repart à l’assaut à 19h30 contre la 272. Infanterie-Division de Schack qui a dans les jambes son arrivée à marche forcée depuis le Pas-de-Calais. Malgré une brève présence de Tiger de la 102, les 5th et 4th Bn. Wiltshire combat durement pour enlever le Bois et le Château de Maltot mais y parviennent durant la soirée. Le lendemain, les Allemands ne tentent rien contre Maltot. Les Britanniques remportent-là un de leurs succès les plus notables des combats de l’Odon mais les Allemands tiennent encore fermement les abords de la Cote 112. Celle-ci a reçu le surnom de « Verdun normand ».
– La Cote 112 reste toujours aux mains des Allemands qui l’évacueront seulement le 4 août.
Sans grande incidence tactique, Greenline a toutefois contribué à maintenir une fois de plus les Hohenstaufen et Frundsberg dans le secteur de l’Odon, tout en masquant les préparatifs de l’opération Cobra aux yeux du Heeres-Gruppe B.
Source :
– BERNAGE Georges : Enfer sur la Cote 112, Heimdal, Bayeux, 2008