Chroniques de la Bataille de Normandie – 24/ « Cobra » (Troisième partie)

by adminfhesp

7 – PRISE DE COUTANCES

– De son côté, le VIIIth Corps s’apprête à lancer son assaut final vers le sud. Le Col. William R. Winslow, commandant du Génie du Corps monte à la hâte des équipes de déminage chargées de « nettoyer » les routes et les chemins. Middleton ordonne à ses forces de ne s’arrêter que lorsque Granville et Cérences seront libérées. Son fer de lance est constitué des 4th et 6th Armored Divisions, la seconde étant commandée par le Major.General Robert W. Grow. Le 27 juillet, Grow ordonne au Combat Command A du Brig.Gen James Taylor de se déployer à Lessay mais cela prend plus temps que prévu en raison de l’encombrement du trafic routier.
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– Toutefois l’avance vers Coutances démarre plutôt bien car le CC A de Taylor ne rencontre qu’une faible résistance et s’avance jusqu’à deux kilomètres au nord de Coutances. Dépassant Coutances par l’ouest, une unité de tête du CC A avance de quelques kilomètres vers Granville par la route côtière avant de s’arrêter pour la nuit.

– Sur l’aile gauche du VIIIth Corps, la 4th Armored Division  de Woods démarre son avance avec un léger retard, le 28 juillet. S’élançant de Périers, le CC B du Brig.Gen. Holmes E. Dager doit progresser dans un champ de mines près de Saint-Sauveur-Lendelin. Ses unités de reconnaissances cherchent des routes lattérales à l’aide de Tank Dozers. Malgré une plus forte résistance, le CC B de Dager atteint les abords de Coutances. Sauf que lorsque l’Infanterie blindée entre dans Coutances avec l’appui de Stuart et de Greyhound, elle se heurte à la violente opposition d’une arrière-garde allemande appuyée par des mortiers et des mitrailleuses. Dager doit faire venir le 66th Field Artillery Battalion pour appuyer ses hommes. Finalement, les ruines de Coutances sont arrachées aux Allemands à la fin de la journée. A partir de ce moment, les Allemands sont incapables de maintenir une ligne de front cohérente dans cette partie du Cotentin, ce qui est aussi l’avis des commandants américains.

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– Bradley ordonne alors à Middleton de foncer vers le sud. Le patron du VIIIth Corps lancer alors ses deux divisions blindées en avant. Talonnant les forces allemandes en retraite, elles libèrent Granville sans grande difficultés.

Prêtres dans les ruines de Coutances

Prêtres dans les ruines de Coutances


8 – LA POCHE DE RONCEY

A – LE LITTORAL EST ATTEINT

– Le 26 juillet, le 82nd Armored Reconnaissance Battalion chevauche rapidement vers le Cotentin afin de piéger les forces allemandes en retraite. Se heurtant à un barrage ennemi à Quibou, 2 km au sud de Canisy, les Greyhounds contournent le point de résistance en laissant les canons autoportés M7 Priest du 78th Armored Field Artillery Battalion. L’avance est aussi facilitée par une attaque de P-47 désintègre toute défense adverse sur le chemin du 82nd ARB. Celui-ci traverse la Soule à Pont-Brocard, même s’il se fait bloquer brièvement par un groupe de canons antichars et d’armes légères. A 02h00 du matin le 27 juillet, le groupement de tête de la « Hell on Wheels » sécurise sans difficulté Notre-Dame-de-Cenilly, à plus de 7 km au sud de Canisy. Plusieurs unités de la 275. ID de Schmidt sont alors considérées comme définitivement perdues. Enfin, Bayerlein toujours sous le choc, adresse un message à von Choltitz lui expliquant que la « Panzer Lehr est entièrement anéantie ». Les derniers survivants de ces deux divisions mentionnées se retirent depuis Pont-Brocard vers Hambye sans aucune coordination.

– Le 28 juillet, à l’exception d’un fort groupement de combat qui tient Gavray, le CC B de la 2nd Armored (Brig-Gen. White) passe la Sienne sur les trois ponts au nord de Cérences.
Convaincu toutefois que ses troupes sont arrivées en retard pour fermer la poche, White envoie l’une de ses colonnes au sud-ouest de Notre-Dame-de-Cenilly. La colonne d’infanterie et de chars vient facilement à bout d’éléments de barrage rassemblés à la hâte par la 353. ID entre Notre-Dame-de-Cenilly et Saint-Denis-le-Gast. Une Troop s’empare aussi du carrefour de Lengronne. Toutefois, la plus faible TF du CC B, celle qui garde la route Coutances–Gavray près de Cambry, voit ses positions débordées par des éléments de la « Das Reich ».

stabsw11– Sur la droite, des éléments de la 17. SS « Götz von Berlichingen » qui ont établi des positions à Montpinchon et Cerisy-la-Salle, le Bataillon de Panther du SS-Pz-Regt 2 (placé sous le contrôle d’officiers de la Panzer-Lehr), ainsi que des restes de la 275. ID parviennent à passer au travers des lignes du 183rd AFAB, unité du VIIth Corps déployé en soutien de la « Hell on Wheels ».
Seulement, une importante force allemande se retrouve coincée au-dessus de Montpinchon et Roncey (« Poche de Coutances »). White reporte l’attention de son CC B vers le nord et le nord-ouest pour contrer le mouvement de retraite ennemi.

– Du côté allemand, inutile de dire que la confusion règne. Le secteur côtier tenu par le LXXXIV. AK n’a plus de communication et le PC du Korps ne conserve que quelques liens avec plusieurs divisions sur lesquelles il ne pouvait conserver réel contrôle. Un régiment de la « Das Reich » couvre la retraite des restes de la 91. Luftlande-Division. L’anabase de petites unités allemandes confirme à von Choltitz et à Hausser que les Américains ont déjà passé la Soulle à Pont-Brocard (3rd Armored) et sont juste derrière eux. La preuve, Hausser se fait mitrailler par un blindé léger américain près de Gavray pendant que le SS-Stantardenführer Christian Tychsen, commandant (par intérim) de la « Das Reich » est tué dans un accrochage avec un patrouille du 82nd Armored Reconnaissance Battalion (2nd Armored).

Brigadier.General Isaac D. White

Brigadier.General Isaac D. White

SS-Standartenführer Otto Baum

SS-Standartenführer Otto Baum

– Tard dans la journée du 28 juillet, lorsque les communications sont coupées entre le LXXXIV. AK et la « Das Reich », l’Oberst Friedrich von Criegern chef d’état-major de von Choltitz vient reprendre personnellement contact avec la division de Waffen-SS. Il trouve le SS-Obersturmbannführer Otto Baum, patron de la 17. SS « Götz von Berlichingen », devenu par le même coup commandant intérimaire de la « Das Reich ». Évaluant la situation, Baum et Crieger concluent que les Américains ont déjà atteint la côte ouest du Cotentin. Selon une tactique allemande éprouvée sur le Front de l’Est, von Crieger et Baum planifient une opération d’évacuation se déclinant en une percée en force pour constituer un couloir d’évacuation par lequel doivent transiter le reste des forces.

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– Donc, alors qu’Otto Baum prépare son attaque, von Crieger saute dans sa voiture blindée et fonce informer von Choltitz des préparatifs. Seulement, le commandant du LXXXIV. AK vient juste de recevoir l’ordre de Hausser de percer vers le sud-est afin de rejoindre les forces que le Generalfeldmarschall Hans von Kluge rassemble à l’est de la Vire en préparation d’une contre-attaque vers l’ouest pour enrayer la progression américaine. Le LXXXIV. AK et les forces de regroupées par von Kluge doivent se retrouver à Percy. Von Choltitz proteste contre ce plan mais Hausser insiste et son subordonné finit par se rallier à cette option.

– Malheureusement, pour rajouter à la confusion, les instructions de von Kluge ne parviennent pas aux unités du LXXXIV. AK. Dans l’incapacité de téléphoner à von Choltitz, Hausser transmet un message au PC arrière du Corps, où un aide de camp, enfourche immédiatement une bicyclette pour aller transmettre le message à Choltitz qui le reçoit vers 00h00 le 28 juillet. Sans communications avec ses divisions et régiments et manquant de contrôle sur les opérations, von Choltitz laisse alors l’opération d’évacuation vers le sud suivre son cours. Le PC du Korps se retire vers le sud intact mais plusieurs restes unités s’apprêtent à exécuter l’ordre de Hausser d’attaquer vers le sud-est.

– Les Major.Generals Brooks et White, estimant que les Allemands tenteraient de percer pendant la nuit du 28 juillet, rappellent leurs détachements dispersés durant l’après-midi. Renforcé par la Réserve de la 2nd Armored et par un Battalion de la 4th Division, Brooks établit de solides positions défenseives entre Pont-Brocard et Saint-Denis-le-Gast.
De son côté, Otto Baum se replie au sud de la Sienne et oriente ses « Das Reich » et « Götz von Berlichingen » vers Percy.

– Les autres forces allemandes au nord de Cérences qui couvrent la retraite du LXXXIV. AK s’apprêtent à partir vers le sud et se rassemblent près de Roncey pour tenter de percer au sud-est. La principale force de percée comprend une partie de la « Das Reich », le SS-Pionier-Bataillon 17, le Fallschirm-Regiment 6, ainsi que les restes combattants de la « Götz von Berlichingen ».

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B – CARNAGE A RONCEY

– Peu avant l’aube du 29 juillet, environ 30 chars et véhicules ennemis menés par un canon automoteur de 88 mm, approchent des intersections situées à trois kilomètres à l’ouest de Notre-Dame-de-Cenilly, où sont déployées une compagnie d’infanterie portée et une compagnie de chars américains. Les Waffen SS et Fallschirmjäger (Fj-Regt. 13) rampent le long des haies des deux côtés de la route mais ils sont engagés par une douzaine de Sherman qui les force à se replier. Le canon automoteur réussit à forcer le passage quand des tirs d’armes légères tuent le pilote et le canonier, provoquant le blocage de la route. Un combat à l’arme individuelle s’engage et les Allemands sont forcés de se retirer après avoir perdu 17 tués et 150 blessés, contre moins de 50, un char et un half-track pour les Américains.

– Simultanément, environ 15 Panzer IV et Panther appuyés par plusieurs centaines d’hommes à pied arrivent sur la zone tenue par le Bataillon de la « Ivy Division » (4th). Un chef de compagnie américain est tué et les fantassins US doivent se replier 1 kilomètre en arrière dans les lignes du 78th Armored Field Artillery Battalion. Dirigées par des fantassins, deux batteries de M7 déclenchent un tir direct sur la colonne allemande, alors que la troisième effectue un tir indirect, pendant que quatre Wolverine du 702nd Tank Destroyer Battalion viennent en aide aux fantassins de la 4th Division à reprendre leurs positions. Quatre Panzer IV sont détruits et 125 Allemands tués, même si plusieurs hommes de Baum réussissent à s’extraire du « sac ».

– Le Brigadier.General Isaac D. White maintient alors ses positions défensives et demande l’appui du IXth Tactical Air Command de « Pete » Quesada. Celui-ci lâche alors ses pilotes de P-47 Thunderbolt et P-51 Mustang qui découvrent au-dessus de Roncey un véritable « paradis pour chasseurs bombardiers » en raison du nombre important de véhicules allemands qui sont incapables de bouger. Tournant tels des essaims de frelons au-dessus des Allemands qui ne peuvent rien faire, les chasseurs-bombardiers US parachèvent leur carnage pendant six heures. Une bonne centaine de chars et près de 250 véhicules sont détruits, endommagés ou abandonnés. Quelques groupes de soldats Alllemands réussissent cependant à s’extraire de la poche en forçant le bivouac du 62nd Armored Field Artillery Battalion. Notons aussi l’exploit du jeune as de la Panzer-Waffe Ernst Barkmann, chef de Panther du SS-Pz-Regt 2 « DR ». Traqué pendant plusieurs heures par des P-47 qui ont identifié son char, Barkmann réussit à mettre son équipage en lieu sûr même si la cuirasse de son Panther est tout simplement transformée en passoire.

4– Une nouvelle attaque montée sur Saint-Denis-le-Gast réussit juste à semer un temps la confusion dans les lignes américains mais s’achève par la perte de 130 tués, 124 blessés et plus de 500 prisonniers, ainsi que 25 véhicules dont 7 blindés. Les Américains n’ont que 100 pertes humaines et 12 véhicules détruits.

– Une dernière attaque est lancée sur la route Gavray–Cambry. 2 500 Allemands lancent leur attaque contre le 41st Armored Infantry Regiment. Mais découvrant la tentative ennemie, le Sgt. Hulon B. Whittington saute dans son char et commande à son équipage d’ouvrir le feu et le reste des chars disponibles suit, causant une véritable panique chez les Allemands. Résultat ; 450 Allemands sont tués et 1 000 sont faits prisonniers. 100 Véhicules de tous types sont détruits. Une cinquantaine de GI’s sont tués et 60 sont blessés.

Le 30 juillet, le reste des forces allemandes coincées dans Roncey se rend ou s’enfuit par petits groupes. Les Américains ramassent 4 000 prisonniers. Ont réussi à sortir de la poche : 1Abteilung de Panzer IV, le SS-Pionier-Bataillon 17, le Fallschirm-Regiment 6 de von der Heydte, pendant que plusieurs groupes épars se rallient au PC de la 91. Lft-Ld-Div.

– Joseph L. Collins adresse alors ce mot de félications à Brooks et White : « Magnifique travail ».

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9 – « NUIT DE MORT » A LENGRONNE

– Le secteur de Roncey n’est pas le seul que les Allemands tentent de forcer. Ainsi, après le carnage sur le tronçon de la D 38, depuis les environs de Saint-Martin-de-Cenilly jusqu’à Saint-Denis – soit 10 km – les éléments du QG de la « Das Reich » et du III/SS-Panzergrenadier-Regiment 3 « Deutschland » se regroupent en petites unités mécanisées improvisées appuyées par des chars et orientées sud – sud-est. Le tout étant commandé par le SS-Obersturmbannführer Fritz Langanke. La 2nd Armored Division tient le secteur avec le 67th Armored Regiment et des éléments du 41st Armored Infantry Regiment.

– Le Colonne Langanke se met alors en route à la fin de journée du 29 juillet au nord de la D38 avec 2 Panther en tête et perce à La Valtolaine et roule ainsi sans grande encombre jusqu’à Lengronne dans le dos des Américains, occupés par le secteur de Roncey. Arrivés à l’intersection des D38 – D49 – D610, Langanke tombe dans le secteur du 3/67th AR du Lt.Col. Harry Hillyard et perce une fois de plus après avoir semé la confusion dans les rangs américains. L’un des Panther va même jusqu’à ouvrir le feu sur le QG du Bataillon. En tout, la Colonne de Langanke détruit 1 M4 Sherman, 2 canons, 2 Jeeps, 7 Half-Tracks et 5 camions.

p013077– Malgré des combats ici et là, Langanke atteint Saint-Denis-le-Gast et le lieu dit La Lande des Morts, au nom prémonitoire. Grâce à l’appui d’un canon porté Hummel mais perd des hommes et des engins face à des groupes décidés du 41st AIR qui improvisent une dure résistance. Les GI’s mettent tout de même hors d’état de nuire le Hummel et 1 Sturm-Geschützt. Le chef allemand se regroupe finalement près de Saint-Martin-de-Cenilly avec d’autres éléments de la « Das Reich » et tout le monde fait route sur Lengronne.

– Mais une autre colonne allemande composée de 11 Panzer, Wespe et half-tracks, connaît un sort bien moins enviable. Partie de Saint-Denis-le-Gast et progressant sur la D13 à l’est de Lengronne non loin du lieu-dit la Chapelle dans la « Lande des morts ». Progressant de nuit, Waffen-SS juchés sur les blindés, elle parvient dans le secteur du carrefour de la Pinetière tenu par des éléments du 78th Armored Field Artillery Battalion du Lt.Col. Hugh Exton, équipé de M7 Priest, épaulés par des M10 Wolverines du 702nd Tank Destroyer Battalion. Le bruit que fait la colonne de nuit alerte alors un équipage de M10 Wolverine (Sgt. Oxenrider) du C/702nd TDB. Celui-ci ouvre le feu mettant en alerte le reste du 78th AFAB. Ayant localisé la colonne, celui-ci ouvre le feu sur la colonne allemande. Résultat, presque tous les véhicules sont détruits, 40 Allemands sont tués et 199 autres capturés dans la secteur de la Pinetière. Mais Exon comprend très vite que les Allemands tentent de passer en force en plusieurs groupes sur les D18, D38 et D49 Informé, le Major.General Edward H. Brooks ordonne aux 62nd, 78th et 92nd AFAB de déclencher un tir de barrage le long de la D49 et sur la « Lande des morts », pendant que des éléments du 67th Armored Regiment, du 238th Armored Field Engineer Battalion et du 41st Armored Infantry Regiment combattent directement au contact des Waffen-SS. Résultat, le 30 juillet au matin, les hommes de la « Hell on Wheels » découvrent qu’ils ont effectué un effroyable carnage. En effet, si quelques Waffen-SS et Fallschirmjäger coriaces ont réussi à passer à travers le dispositif américain, ils laissent près de 1 000 morts dans la Lande et 200 prisonniers  l’ennemi, ainsi que 3 Panzer IV, 4 Panzer III, 1 StuG armé d’un canon de 88 mm, 29 camions, 4 canons PaK 40, 27 voitures dont 15 Volkswagen, 4 canons FlaK 18, 1 canon de 150 mm, 1 Hummel et 2 canons de 170 mm.

[Suite]

Source :
– BRANDO Mark : Breakout at Normandy. La 2nd Armored Division, Normandy 1944, Heimdal, avril-mai-juin 2013