Chroniques de la Bataille de Normandie – 40 : Acte final, le franchissement de la Seine
– Alors que s’engage la Bataille du Chaudron de Falaise, les Américains sont déjà sur la Seine. Dans la nuit du 18-19 août, le XVth US Corps de Haislip a déjà traversé la Seine à hauteur de Dreux, pendant que la 7th Armored Division (Lindsay Silvester) XXth US Corps de Harris W. Walker est déjà en vue de Mantes et Fontainebleau et le XIIth Corps vient de libérer Orléans et Châteaudun pour s’approcher de Chartres. Venant constater l’avancée de ses éléments de pointe, Patton atterrit dans le secteur du XVth Corps et annonce plus tard à Bradley qu’il est « allé pissé dans la Seine ». Il fera d’ailleurs la même chose sur le Rhin sept mois plus tard…
– Pendant ce temps, Montgomery ordonne à la Ist Canadian Army du General Henry D.G. Crerar de franchir la Seine en s’élançant depuis le secteur de Troarn – Bavent – Falaise. Alors que Patton et Eisenhower souhaitent foncer tout droit vers la Lorraine, Montgomery souhaite privilégier la libération de la Belgique et la prise rapide d’Anvers. Le désaccord entre Américains et Britanniques concernant les objectifs stratégiques est encore profond. Le Ist Army Corps (britannique) de John Crocker doit opérer une puissante poussée vers le nord (depuis le secteur compris entre Troarn et Ranville) pour franchir la Seine à l’ouest de Rouen, après avoir traversé le Pays d’Auge et passé la Dives et la Touques entre Deauville et Lisieux. Les Canadiens du IInd Corps de Simonds doivent effectuer un mouvement en crochet depuis lesecteur de Falaise, franchir le cours moyen de la Dives et de la Touques, puis remonter vers la Seine à hauteur d’Elbeuf. Cette nouvelle opération est baptisée « Paddle» (rame d’aviron).
– Pour son attaque, Crocker dispose des 49th Infantry « West Riding » Division (Stuart Rawlins), 51st Highland Division (Thomas Rennie), 7th Armoured Division et de la 6th Airborne Division (Maj.Gen. Richard Gale), 1st Special Service Brigade (Royal Marines) de Lord Lovat, ainsi que de deux unités étrangères : les Belges de la Brigade Piron (Major Jean-Baptiste Piron), une unité d’automitrailleuses britanniques (Humber et Staghound), ainsi que des Hollandais la Brigade « Princesse Irene » (Lt-Col. Ruyter van Stevenick).
1 – OPÉRATION « PADDLE »
– Le 20 août, les valeureux parachutistes de la 6th Airborne Division de Gale, épaulés par les automitrailleuses de la Brigade Piron et la Brigade ‘Princesse Irene’ attaquent sur Dozulé et en longeant la côte. Sur cette partie du front, l’avance se passe correctement, la Brigade Piron libèrant Deauville le 23 août et arrivant aux portes de Honfleur le lendemain. Progressant en colonne à droite des Belges, les Paras de Gale libèrent Pont-Audemer.
– Mais les unités du LXXXVI. Armee-Korps de Hellmuth von Wissmann (711. et 346. ID, ainsi que des éléments de la 21. PzD) qui tiennent les villages et les haies du Pays d’Auge appuyés par des canons antichars de 75 mm et des pièces de FlaK de 88, retardent sérieusement l’avance des Alliés. Les pertes s’accumulent durant des escarmouches. Les unités blindées britanniques perdent 26 chars Sherman dans l’aff aire. Des éléments de la 7th Armoured libèrent Livarot le 21 août. Parallèlement, la 51st Highland et la 7th Armoured combattent durement pendant deux jours pour libérer les ruines de Lisieux le soir du 23 août. Et il faudra encore une journée pour que les Highlanders anéantissent les tireurs isolés allemands qui s’y étaient réfugiés. Dans leur conquête du Pays d’Auge, les Britanniques reçoivent l’aide des FFI du Maquis Surcouf qui tient une partie du Pays d’Auge, à cheval sur le Calvados et l’Eure. Un officier de la 7th Armoured expliquera que les Maquisards normands ont grandement aidé le 11th Hussars, la très bonne unité de reconnaissance des Desert’s Rats, à localiser les forces allemandes.
– La 7th Armoured Division poursuit alors son avancée vers le nord et atteint la Seine le 28 août à Risle. Deux jours plus tard, les Britanniques entrent dans Rouen, en grande partie détruite et capturent plusieurs centaines de soldats allemands.
– Plus au sud, les trois divisions du IInd Canadian Corps de Simonds (2nd, 3rd et 4th Armoured) fonce à travers le Pays d’Auge pour s’emparer de Vimoutiers et d’Orbec. Les Canadiens doivent neutraliser une forte poche de résistance dans la Vallée de la Londe. Ils remontent ensuite vers Elbeuf mais c’est la 2nd US Armored Division « Hell on Wheels » (XIXth Army Corps de Corlett) qui libère la ville après de durs combats le 27 août, avant de laisser la place aux Canadiens.
2 – LES ALLEMANDS PASSENT LA SEINE
– Devançant la déferlante alliée, harcelées par les FFI normands et par les Hawker Typhoon, les forces des 7. Armee et 5. Panze-Armee qui ont pu s’extraire de la Poche de Falaise refluent vers la Seine. La prise de Mantes par le XXth US Corps de Patton et la progression rapide des Anglo-Canadiens menacent encore les forces de Model d’un encerclement.Seulement, les Allemands ont encore de la chance. En effet, alors qu’ils progressent vers la Seine les XIIth et XXXth Army Corps britanniques (Ritchie et Horrocks) emmêlent leurs lignes avec celles du XIXth US Corps de Corlett ce qui crée un important embouteillage qui profite immédiatement au Heeres-Gruppe B. Hausser et Eberbach (celui-ci ayant son QG à Rouen) organisent l’évacuation de leurs troupes restées sur la rive gauche de la Seine, après que Model eut ordonné au LXXXI. AK de Knutzen de ralentir les Alliés tant qu’il pouvait. Pour faciliter le franchissement de la Seine aux véhicules et blindés, les Allemands utilisent à plein régime le bac Caudebec-en-Caux. Sinon, ce sont les Pioniere qui se dévouent pour faciliter la traversée.
– Ainsi, le Panzer-Pionier-Battaillon 220 de la 21. PzD profite du brouillard pour dresser un pont flottant sur la Seine à Rouen. Mais les appareils britanniques surgissent dès que le beau temps revient et détruisent le pont. Toutefois, un grand nombre de soldats allemands a pu s’abriter dans les ruines de Rouen et continuer vers le nord. Même si chaque pont doit être (en théorie) attribué à telle ou telle division, la panique générée crée une certaine pagaille. Toutefois, le 25 août, Model a fait passer ses derniers 100 000 soldats derrière la Seine et les fait remonter vers le nord de la France et le Belgique. Par conséquent, lorsque les Anglo-Américains arrivent sur la rive gauche de la Seine, ils ne trouvent plus personnes et les ponts ennemis ont été détruits.
3 – OPÉRATION « ASTONIA »
– Fin août-début septembre, la Ist Canadian Army déclenche l’Opération Astonia afin de libérer la Seine-Maritime des dernières troupes allemandes. Le 1er septembre, la 2nd Canadian Infantry Division du Major-General Charles Foulkes prend sa revanche sur l’échec de l’Opération Jubilee deux ans auparavant en libérant Dieppe. Il reste alors Le Havre, tenu par plus de 7 300 soldats allemands, provenant de reliquats de diverses unités (Heer, Luftwaffe et Kriegsmarine) et commandés par Eberhard Wildermuth. Crerar confie l’assaut au Ist Corps de Crocker avec les 49th West Riding et 51th Highland Divisions, appuyés par les chars spéciaux « Funnies » (Farces et Attrapes) de la 79th Armoured Brigade du Major-General Sir Percy Hobart. La Royal Navy apporte son concours avec les HMS Warspite et Erebus. Pendant trois jous, du 6 au 8 septembre, la RAF et les pièces des deux vaisseaux lourds bombardent La Havre. La Cité portuaire, fondée par François Ier et développée par le Cardinal de Richelieu n’est plus qu’un champ de ruines.
– Le 10 septembre, les fantassins britanniques, montés Bren Carriers et sur les Kangaroos du 1st Canadian Carrier Regiment s’élancent à l’assaut du Havre, appuyés par les Churchill Crocodiles (lance-flamme), Crab (équipé d’un fléau de déminage) et AVRE (armés d’un lance-roquette de 380 mm spécialement conçue pour détruire des abris). Le 11 septembre, la 49th West Riding perce le front ennemi au nord-est du Havre imitée par la 51st Highland. Après de durs combats qui voient la perte de 29 Crab et 6 AVRE neutralisés au canon antichar ou au lance-roquette, les Britanniques forcent la garnison allemande à capituler le 12 septembre.