Chroniques de la Bataille de Normandie – 6/ L’heure de gloire de Michael Wittmann

by adminfhesp

Parallèlement aux combats de Tilly-sur-Seulles qui créent une brèche étroite dans le dispositif allemand et retiennent la Panzer-Lehr face aux XXXth Army Corps, Montgomery décide de lancer la 7th « Desert’s Rats » en avant-garde de la IInd Army de Dempsey prendre Villers-Bocage avant d’opérer un crochet vers Evrecy pour s’emparer ensuite de la Cote 113. Ce plan qui mise sur une action rapide de rupture est baptisé « Perch ».

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– Cependant, les Britanniques ne savent pas qu’une unité lourde vient d’arriver sur le front de Normandie ; la schwere-SS-Panzer-Abteilung.101 du SS-Sturmbannführer Hans von Westernhagen alignant (en théorie) 45 chars lourds PzKw VI Tiger I répartis en trois Kompanien. Surtout, le commandant de la 2. Komp n’est autre que l’un des plus grands as de la Panzerwaffe, Michael Wittmann  qui a déjà plus de 120 chars soviétiques détruits à son compteur (soit l’équivalent d’un Corps de Chars à lui tout seul).

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Insigne du SS-Schwere-Panzer-Abteilung 101

– Âgé de trente ans seulement, natif de Vogelthal (Bavière) au sein d’une famille rurale et catholique, Wittmann a commencé la guerre comme membre d’équipage de Sturmgeschützt. Intégrant la Waffen-SS pour faire partie de l’élite des Panzer, il commence à démontrer tout son talent sur l’Ostfront, gravit les échelons pour devenir officier et gagne aussi la Croix de Fer comme la Croix de Chevalier. Il intègre un équipage de Tiger I de la SS-schw.Pz.Abt. 101 à Koursk et remporte un score bien plus qu’honorable en matière de chars soviétiques détruits. Sa conduite au feu et son score en font très vite l’une des coqueluches de la propagande de Goebbels.

wit09– Mais il ne faut pas oublier que Wittmann n’est pas le manieur de Panzer le plus titré de l’armée blindée allemande, même s’il en est pas moins talentueux. C’était Kurt Knisppel de la SS-schw.Pz.Abt. 102 qui a détruit le plus de chars ennemis durant la Seconde Guerre mondiale… sans avoir reçu la Croix de Chevalier, en raison d’une certaine liberté d’esprit et de ton qui n’était pas du goût de ses supérieurs.

– Mais lors de son arrivée en Normandie, Wittmann ne peut aligner que 6 Tiger au sein de sa Kompanie. Qu’à cela ne tienne, le jeune officier talentueux est prêt à en découdre avec l’ennemi anglo-saxon qu’il n’a jamais encore affronté. Les deux autres commandants de Kompanien de la 101 (les 1 et 3) sont des amis de Wittmann eux aussi très expérimentés : les SS-Hauptsturmführer Rolf Möbius et Haano Rasch.

– Le 12 juin, la 7th Armoured Division démarre sa progression mais se trouve prise à partie par des  canons antichars allemands PaK non loin de Livry. Après avoir éliminé la menace, les Desert’s Rats reprennent leur marche vers Villers-Bocage sans rencontrer de résistance. C’est le 4th County of London « Sharpshooters » Regiment (équipé de 40 Cromwell, de M4 Sherman Vc Firefly, de 5 Cromwell Centaurs et de 8 Scout Cars) qui ouvre la marche, suivi de chars du 4th CLY, de Bren Carriers du 1st Bn. The Rifle Brigade et de camions de transports.

– Il faut bien remarquer que la 7th « Desert’s Rats » possède la particularité de posséder un parc blindé majoritairement composé du Cruiser Mk VII Cromwell. Char léger (environ 30 tonnes), il a pour inconvénient d’être trop faiblement protégé contres les calibres allemands, de ne disposer que d’un modeste canon de 75 mm et de posséder une mécanique encore fragile. En revanche, il a des avantages nets comme sa vitesse (60 km/h sur route, ce qui le rend idéal pour la poursuite et l’exploitation de percée) et sa maniabilité.

– Le 13 juin à 05h00 du matin, la colonne Britannique arrive sur la RN 175. Mais George Erskine a commis une erreur qui va lui coûter cher. En effet, au lieu de lancer les blindés légers du 11th Hussars en reconnaissance comme c’est leur rôle, il leur confie un rôle de surveillance de son flanc gauche. Du coup, le 4th County of London Yeomanry du Lt.Colonel Cranley s’avance à l’aveugle dans un piège que les équipages de Panzer lourds ne lui ont pas tendu.

– Wittmann qui  stationne à l’abri de la Cote 213 avec sa Panzer-Kompanie entend les cliquetis de chenilles des Britanniques. Sans demander la permission à son supérieur von Westernhagen, il saute dans son Tiger et rassemble sa petite unité avec ses Kameraden LötschSowaHantauschStief et Brandt. Progressant à l’abri d’une haie, il aperçoit la colonne qui descend vers lui et fait arrêter ses chars Voyant que son Tiger présente des soucis mécaniques, Michael Wittmann procède à un échange avec celui de Sowa. Pendant ce temps, les chars britanniques avancent dans Villiers-Bocage et se mettent à progresser tranquillement dans la rue Clémenceau.

– Sans prévenir, les chars de Wittmann font rugir leur moteur et surgissent au-devant et sur les flancs des Britanniques. S’engage alors l’un des carnages de char les plus célèbres de la Bataille de Normandie. Wittmann remonte presque tout seul la colonne ennemie avec son « fauve », parvient dans la rue Clémenceau de Villers et détruit plusieurs Cromwell un Sherman et des Half-Tracks à l’aide de son canon de 88 mm savamment manié par le canonier Balthazar « Bobby » Woll. Et cela, comme s’il s’agissait d’un exercice.  Les autres Tiger imitent le char de tête et transforment les véhicules britanniques en carcasses fumantes. Un Sherman Firefly du 4th CLY réussit à placer un obus antichar de 17 livres dans la tourelle de Wittmann mais le projectile ne fait qu’égratigner la cuirasse. Wittmann se paie crânement le luxe d’ordonner tireur de placer une Granate (obus) dans une maison qui s’effondre sur le Firefly.

dva-tigery-z-2-kompanie-schwere-ss-panzerabteilung-101-ve-francii-1944– Courageusement, l’équipage du Cromwell du Captain Dyas affronte Wittman qu’il touche une seconde fois mais en ne faisant qu’égratigner la cuirasse du Tiger. Un second obus de 75 mm mieux placé parvient à endommager sérieusement le roulement de chenilles. Wittman ordonne alors à Woll de punir l’insolent et posément, le second tire sur le char anglais tuant deux hommes d’équipage. Mais Dyas réussit à s’extraire de la carcasse, à saisir une radio et à avertir le Lt.Col. Cranley de la situation critique dans laquelle se trouve son régiment. Mais le bruit des combats a alerté le reste du 101. Deux autres Tiger I arrivent alors en renfort pour se joindre au carnage. Sauf que si les Allemands ont réussi à neutraliser les engins motorisés, les fantassins britanniques ont été épargnés et peuvent toujours tenir les rues. Wittmann et son équipage entreprennent alors de laisser là le Tiger 222 et de se rendre à piedsau château d’Orbois où se trouve le PC de la Panzer-Lehr. L’intrépide chef de char fait alors son rapport à Bayerlein qui dépêche immédiatement le Major Kaufmann, commandant de la 6/Panzer-Lehr-Regiment 130, avec 15 chars PzKw IV appuyés par des Grenadiere du 902. Ils sont alors rejoints par le reste de la 2/SS-Sch-PzAbt 101 et d’autres Tiger I de la 1.Komp de Rolf Möbius.

– Seulement, les Britanniques se sont ressaisis et ont positionnés les CromwellFirefly et Centaurs survivants aux abords de Villers avec des canons antichars du 65th Anti-Tank Regiment (Norfolk Yeomanry) et des fantassins. Vers 12h00, les éléments de la Panzer-Lehr menés par Kaufmann passent à l’assaut pour le contrôle de Villers-Bocage. Un violent combat s’engage durant lequel Tiger I et PzKw IV jouent au « cache-cache » avec les équipages ennemis. Il faut noter l’exploit d’un des Centaurs du 4th CLY qui réussit, en manœuvrant entre les haies, à immobiliser un poignée de chars allemands. A 13h00, Wittmann revient à Villers-Bocage, retrouve sa compagnie et avec son ami Rolf Möbius décide de passer à l’assaut avec 9 engins sur le coup de 13h45. De plus, la 2/Panzer-Lehr-Regiment 130 avec ses Panzer IV, vient elle aussi d’arriver. Sans attendre, les « fauves » engagent les derniers Cromwell qui se trouvent sur les abords de Villers-Bocage. Wittmann se contente de se placer à la sortie de Villers afin « d’allumer » tout véhicule ennemi qui tenterait de sortir de la ville. Le combat dure ainsi durant une bonne partie de l’après-midi.

– Comprenant que la lutte est inégale, les Britanniques décident de se replier sans attendre vers leurs positions de départ. Le bilan matériel frôle presque le désastre : 20 Cromwells, 4 Sherman Firefly, 3 M3 Stuart, 2 M4 Sherman d’observation, 14 Half-Tracks et Scout-Cars et neuf véhicules légers (Humber et Staghound) du 11th Hussars (unité de reconnaissance) jonchent les rues et les abords de Villers-Bocage. Côté allemand, 6 Tiger I sont néanmoins endommagé et l’équipage du 122 d’Ernst a été tué. Enfin, le Panzer-Lehr-Regiment 130 doit déplorer la perte de deux engins.

– L’engagement de Villers-Bocage qui reste ni plus ni moins qu’un (remarquable) succès tactique va avoir une importante répercussion psychologie dans la bataille de Normandie. D’une part, la propagande nazie va immédiatement s’en saisir et porter le champion Wittmann au pavois pour démontrer la supériorité technique des équipages de Panzer sur leurs adversaires, d’autant plus que l’autre grand gagnant de la journée est le char Tiger. Toutefois, la légende du char allemand quasi-invincible va être colportée… par les Anglais eux-mêmes. Le choc qu’a laissé le combat de Villers-Bocage aux hommes de la 7th Armoured Division (à ceux qui s’y trouvaient ou non) va amener les Britanniques à penser que les Allemands ont acheminé une grande quantité de Tiger en Normandie… Ce qui est faux ! Les Allemands n’aligneront en tout et pour tout qu’une centaine de ces monstres durant toute la bataille de Normandie et comme nous avons pu le constater, ils n’ont pas tous été engagé au même moment et au même endroit. La majorité du parc blindé allemand (chars et canons d’assaut) sera composé de Panzer IV (à environ 60-70 %), en moindre proportion de Panther mais avec un plus fort ratio de Sturmgeschützte servant au sein des Panzer-Divisonen ou dans des unités autonomes plus petites. Précision ; les Britanniques ont déjà rencontré des Tiger en Tunisie et en Italie mais ils n’ont jusque-là pas connu un tel échec. Concluons en ajoutant que le spectre de Villers-Bocage va lourdement accroître le manque de combativité et le sentiment de malchance parmi les « Rats du désert ». Étonnamment, cette division sera celle qui connaîtra le plus grand nombre de désertions dans ses rangs pendant la Bataille de Normandie.

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