Chroniques de la Bataille de Normandie – 8/ Début de la bataille de Cherbourg
Le 23 juin, le Generalmajor Karl-Wilhelm von Schlieben reçoit le commandement de l’ensemble des forces de la Festung-Cherbourg (« Forteresse » Cherbourg), jusque-là commandée par le Generalmajor Robert Sattler. Celui-ci a reçu du Führer l’ordre de « tenir Cherbourg jusqu’à la mort ». Avec cette nouvelle « stratégie des Forteresses », Hitler veut fixer le plus grand nombre possible de forces américaines dans de coûteux combats d’arrière-garde. Seulement, celles-ci vont être bien souvent menées par des troupes hétérogènes et de seconde catégorie. Mais loin d’abandonner cette stratégie, Hitler donnera les mêmes ordres aux forces repliées dans les villes de Biélorussie au même moment et dans les grands ports bretons en août 1944.
1 – PLANS
– Von Schlieben commande donc aux restes des 243., 709 et 709. Infanterie-Divisionen, comme de la 91. Luftlande-Division (d’autres formation de cette dernière étant restées au sud du Cotentin). Il peut ainsi s’appuyer sur de l’infanterie (921, 922, 729 et 1058. Grenadier-Regimente), les Flak-Abteilungen 14, 16 et 225, les parachutistes du Fallschirm-Lehr-Regiment 1 (unité d’instruction), ainsi que sur les Russes et Ukrainiens des Ost-Bataillonen. 144 et 604. On compte également des unités de la Kriegsmarine basées à Cherbourg et placées sous le commandement de l’Admiral Walter Hennecke. Celui-ci à notamment la haute-main sur toutes les batteries lourdes côtière qui ceinturent Cherbourg. En tout et pour tout, von Schlieben peut s’appuyer sur 21 000 soldats mais bien souvent de qualité assez moyenne. Ses Grenadiere sont épuisés et les unités de FlaK sont généralement composées de jeunes et/ou de réservistes d’âge mûr pour servir qui n’ont connu que l’occupation.
– Du côté des pièces de marine, un problème se pose. En effet, ces canons sont souvent des modèles de prise (Français, Belges, Tchèques, Polonais, voire même soviétiques) qui n’utilisent pas les mêmes munitions, ce qui pose notamment de sérieux problèmes en matière d’approvisionnement. Enfin, un important personnel médical de plus de 2 500 personnes est présent à Cherbourg, notamment pour les convalescents de la Kriegsmarine. Du moins avant le débarquement car depuis le Jour-J, de nombreux blessés ont afflué.
– S’attendant à une dure résistance de la part de von Schlieben, le Lt.Gen Joseph L. Collins décide de mettre tout son Corps à la peine pour réduire les forces ennemies. Son plan consistait à ce que ses trois divisions d’infanterie (4th, 9th et 79th) réduisent les points de résistance allemands les uns après les autres avec l’appui blindé du 801st Tank Destroyer Battalion, d’une forte artillerie, des pièces des navires de la Western Task Force (Admiral Alan G. Kirk) et des bombardiers de la IXth Air Force. Pour faire simple, Collins veut que ses forces mènent une courte bataille de siège, afin de tenir au mieux le calendrier voulu par Bradley. Celui-ci avait prévu que sa Ist Army s’empare de Saint-Lô à la fin juin. Toutefois, le consciencieux chef américain peut s’enorgueillir (pour l’instant) d’une meilleure performance que son collègue Montgomery dont les forces n’ont toujours pas atteint les faubourgs de Caen.
– Les régiments placés aux extrémités du VIIth Corps, soit les 22nd Infantry Regiment (droite– 4th Division) et 60th IR (gauche– 9thDivision) doivent respectivement contenir toute tentative de sortie allemande au nord-est et au nord-ouest de la cité portuaire. Dans le même temps, les deux autres régiments de la 9th Infantry Division d’Eddy (39th et 47th) doivent coordonner une attaque commune vers Octeville et les faubourgs du sud-ouest de Cherbourg. Les 8th et 12th Infantry Regiments de la 4th Infantry Division de Barton sont en charge d’une poussée par l’ouest en direction du centre et de la cité portuaire. Enfin, la 79th Infantry Division « Cross of Lorraine » (ce nom lui vient de son importante contribution aux combats de 1917-1918) du Major-General Ira T.Wyche doit s’emparer du secteur fortifié de la Mare-aux-Canards – Fort du Roule par un double enveloppement.
2 – L’ASSAUT AMERICAIN
a) 4th Infantry Division
– Le 24 juin, les 1st et 2nd Batallions du 22nd IR du Col. Hervey A. Tribolet contiennent une contre-attaque allemande dans le secteur de Maupertus-Gonneville. Des éléments allemands tentent toutefois de s’infiltrer au sud de la Cote 18, ce qui oblige les GI’s d’y lancer sans des opérations localisées de nettoyage. Un assaut rapide sur la zone de l’aéroport était prévu mais Barton choisit de maintenir le 22nd dans un rôle de « police » et de maintenir la sécurité sur la route d’approvisionnement de la division au sud du Theil.
– De son côté, le 8th IR du Col. James A. Van Fleet reçoit l’ordre de capturer une position fortifiée garnie d’une forte artillerie dans la zone du Theil. Von Schlieben y a placé plusieurs canons FlaK de 88 mm, des canons hippomobiles de 105 mm, ainsi que des pièces de 40 mm, de 20 mm (FlaK) et enfin, des mortiers et des mitrailleuses.
– L’assaut terrestre du 8th est d’abord précédé d’un pilonnage aérien assuré par des P-47 Thunderbolt qui larguent 23 bombes de 500 livres sur les positions allemandes. Ensuite, vient une préparation d’artillerie de quinze minutes assurées par des Howitzer de 105 et 155 mm. Le 2/8th s’élance à l’assaut derrière le barrage roulant mais vient butter sur les positions ennemies qui n’ont même pas été entamées. Les pertes américaines sont extrêmement lourdes. Ainsi la E Coy/8th ne compte plus que quarante hommes valides seulement lorsqu’elle revient sur sa ligne de départ. Deux heures plus tard, le 8th IR repart à l’assaut avec l’appui de chars du 70th Tank Battalion (Lt.Col. Weldorn) qui contournent les positions allemandes. Pris de panique, les défenseurs allemands abandonnent leurs canons, la plupart desquels étant restés intacts malgré le déluge de bombes et d’obus déversé par les Américains. Un officier supérieur est tué dans l’affaire, le Lt.Col Simmonds, commandant du 1/8th IR. Le lendemain 25 juin, le 8th consolide ses positions à l’est de La Glacerie, tout en nettoyant les dernières petites poches de résistance ennemie.
– L’effort principal de la 4th Division s’effectue au centre avec le 12th Infantry Regiment du Col. James S. Luckett (avec le renfort du 2/22th sur son flanc droit) qui s’assurer le contrôle de l’objectif final de la division, le secteur fortifié de Tourlaville. L’assaut démarre, le 3rd Battalion restant en réserve sur la Cote 140. Le 1/12th, appuyé par des chars du 70th TB avance rapidement sur une pente et s’empare d’une position d’artillerie en capturant des prisonniers au passage. Il perd aussi son commandant, le Lt.Col. Merrill lors d’une riposte d’artillerie allemande. Sur la droite, le 2/12th attaque Digosville mais après une avancée d’environ 250 mètres, se fait clouer par des tirs de mitrailleuses. Les Sherman d’appui du 70th TB ripostent, réduisent les mitrailleuses au silence. Pour dégager le passage, douze P-47 opèrent une attaque en piqué sur les positions allemandes, en faisant cracher leurs huit mitrailleuses de Calibre 50 (12,7 mm) et en lâchant leurs bombes. Les pilotes mènent rondement l’affaire, permettant aux fantassins de relancer leur assaut pour capturer six prisonniers seulement mais six pièces de campagne et plusieurs mitrailleuses. Lorsque le 2/22nd arrive dans la bagarre, 150 prisonniers sont déjà rassemblés. Sur la gauche, le 2/12th passe à l’assaut et emporte facilement plusieurs points fortifiés ennemis, faisant 300 prisonniers de plus. Le soir, le 2/12th IR occupe le plateau faisant face à Tourlaville.
– Barton décide d’exploiter ce succès le plus vite possible. Le 3/22nd, toujours posté en réserve sur la Cote 140, reçoit alors l’ordre de s’emparer de Tourlaville avec l’appui des chars du 70th TB. Grimpés sur les Sherman, les fantassins américains foncent vers leur objectif malgré la nuit qui commence à descendre. Toutefois, les GI’s ne rencontre aucune opposition à Tourlaville. A 2h00 du matin, le 3/12th se place en position défensive. Voulant pousser encore son avantage, le Col. Luckett ordonne à ses quatre Battalion de relancer chacun leur attaque sur une ligne allant du bord de mer à Tourlaville via Digosville.
b) 79th Infantry Division
– Le 24 juin toujours, appuyée par les P-47, la 79th Infantry Division de Wyche déclenche son assaut contre Cherbourg en vue de s’emparer des fortifications de la Glacerie. Le 313th Infantry Regiment du Col. Sterling A. Wood avance assez facilement vers l’ouest de la Glacerie et Le Hameau Gringor, plus au nord. Malgré une opposition résolue de quelques unités allemandes le 313th encercle Le Hameau Gringor, ramassant au passage 320 prisonniers, ainsi que plusieurs pièces d’artillerie.
– Pendant ce temps, le 314th IR du Col. Warren A. Robinson démarre son assaut à 08h00 le long de la grand-route contre la position fortifiée nommée « Point F », avec l’appui de douze Thunderbolt qui matraquent ledit point. En une heure-et-demie, le 314th s’empare de son objectif et peut voir les imposants murs du Fort du Roule que le Col. Robinson pense pouvoir enlever le même jour. Avançant d’environ 1,5 km, le 3/314th tente un assaut contre la vieille fortification mais est immédiatement repoussé par un tir nourri provenant des hauteurs d’Octeville. Faute de soutien en artillerie, Robinson est forcé d’arrêter là son assaut. Enfin, pour sécuriser le flanc de sa division, Wyche ordonne au 315th Infantry Regiment du Col. Porter B. Wiggins de nettoyer les positions allemandes autour de Hardinvast.
– Simultanément, le flanc ouest de la 9th Infantry Division, avance vers le nord le long de la Divette et ferme les abords nord-ouest de Cherbourg à toute tentative de sortie allemande. Une forte résistance allemande freine l’avance américaine dans cette région et ne cesse définitivement le 25 juin quand les 39th et 47th IR pénètrent dans les faubourgs de Cherbourg. Le 60th Infantry Regiment du Col. Frederick J. de Rohan avance vers le plus possible vers le nord-ouest, afin d’écarter tout risque d’un contre-attaque allemande depuis cette direction et atteint Tonneville et Sainte-Croix-La Hague.
– Durant la matinée du 24, le 47th Infantry Regiment du Col. George W. Smythe s’apprête à passer à l’attaque contre les positions fortifiées dominant Cherbourg, en vue de contrôler toute la zone établie au nord de la route Cherbourg – Flottemanville – La Hague. En outre, il doit s’emparer du « Point fortifié C », une position de FlaK, qui devient l’une des cibles prioritaires des P-47.
– Pour faciliter sa progression, Manton S. Eddy lui adjoint le 39th Infantry Regiment du Col. Harry « Paddy » Flint. Celui-ci démarre son attaque à 08h00 mais la coordination entre les deux régiments s’effectue mal en raison d’un manque d’information sur les positions qu’ils occupent. L’assaut du 47th est rapidement bloqué en raison d’un feu nourri provenant du secteur de Flottemanville et d’une colline au sud de Nouainville. Eddy ordonne alors au 60th de nettoyer toutes les positions ennemies restantes au sud de Tonneville afin d’éliminer la source des tirs. Juste avant que son régiment ne s’élance, Smythe demande un tir de barrage sur la colline au sud de Nouainville et en informe le 39th. Mais lorsque le 47th tente de marquer la cible aux fumigènes, les Allemands utilisent l’astuce de dégager eux aussi de la fumée, ce qui provoque la confusion chez les artilleurs de la division. Smythe pense alors que l’ennemi a intercepté les messages radios de son unité. Finalement, le 3/47th démarre son attaque sans appui d’artillerie à 13h30. Eddy ordonne alors au 39th de partir au combat lui aussi sans se préoccuper du 47th. Les deux premiers points fortifiés sont enlevés sans grande difficulté mais plus à l’est, face à la dernière position située aux abords d’Octeville, le 39th butte sur la défense ennemie. Flint demande immédiatement l’appui des Howitzer du 26th Field Artillery Battalion, sauf que celui-ci allonge trop sa portée et manque la cible. Eddy prévoit alors d’assommer la position avec les Howitzer lourds (155 mm) du 34th FAB mais doit annuler l’ordre quand le 2/39th décide d’attaquer sans tir de barrage préalable. Heureusement, la position de FlaK tombe presque comme un fruit mûr et le 39th se fixe sur la pente au pied d’Octeville, Collins ayant donné l’ordre de ne pas s’emparer de la ville avant le lendemain.
– Simultanément, le 47th (2nd et 3rd) d’abord parallèlement au 39th mais oblique rapidement vers le nord pour s’emparer de la forteresse d’Equeurdreville et de la Redoute des Fourches. A la fin de la journée, les deux Battalions attendent le pilonnage de la redoute par l’artillerie divisionnaire avant de pouvoir lancer leurs assauts.
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