Dagobert III : un jeune roi sous l’ombre de Pippin
Dagobert III, né vers 699 et mort en 715, fut l’un des derniers rois mérovingiens à régner sur le royaume des Francs. Fils de Childebert III, surnommé « le Juste », il accéda au trône en 711 à l’âge d’environ 12 ans. Son règne relativement court de quatre années s’inscrit dans une période où le pouvoir réel était détenu par les maires du palais, particulièrement Pippin de Herstal (ou Pépin d’Héristal). Cette époque marque le déclin progressif de la dynastie mérovingienne au profit de la montée en puissance des Pippinides, futurs Carolingiens, qui finiront par s’emparer définitivement du trône franc quelques décennies plus tard.
L’héritage politique et le contexte de son accession au trône
Lorsque Dagobert III succède à son père Childebert III en 711, il hérite d’un royaume franc unifié comprenant la Neustrie, l’Austrasie et la Bourgogne. Cette unification résultait de la victoire décisive de Pippin de Herstal à la bataille de Tertry en 687, qui avait mis fin à une longue période de divisions et de luttes intestines. Bien que portant le titre de roi, Dagobert III, comme son père avant lui, ne détenait qu’un pouvoir symbolique. Le véritable détenteur de l’autorité était le maire du palais, Pippin de Herstal, qui dirigeait l’administration, commandait l’armée et prenait toutes les décisions importantes concernant le royaume.
Cette situation illustre parfaitement la période des « rois fainéants », terme utilisé pour désigner ces souverains mérovingiens tardifs qui, bien que légitimes sur le plan dynastique, se retrouvaient dépouillés de tout pouvoir effectif. Le jeune âge de Dagobert III à son accession au trône (environ 12 ans) renforçait davantage cette dépendance vis-à-vis du maire du palais, qui assurait la continuité du gouvernement et la stabilité du royaume.
Un règne sous tutelle
Le règne de Dagobert III se caractérise par une absence presque totale d’initiatives personnelles, ce qui explique le peu d’informations que les chroniques contemporaines nous ont transmises à son sujet. Le Liber Historiae Francorum, principale source sur cette période, se contente de mentionner sa mort due à une maladie sans rien révéler sur son caractère ou ses actions. Cette absence de données historiques est révélatrice du rôle effacé que jouait le jeune roi dans les affaires du royaume.
Durant les trois premières années de son règne (711-714), Pippin de Herstal continua d’exercer un contrôle total sur l’administration du royaume. Âgé et expérimenté, Pippin gérait les affaires intérieures et extérieures sans consulter le roi, réduisant ce dernier à un simple symbole de légitimité. Dagobert III résidait principalement dans une villa royale sur l’Oise, éloigné des centres de décision politique, et n’apparaissait que lors des cérémonies officielles où sa présence était requise pour valider les décisions prises par le maire du palais.
Les relations entre le roi et son maire du palais
Les relations entre Dagobert III et Pippin de Herstal restent largement méconnues en raison du silence des sources. Contrairement à son père Childebert III, qui selon certaines chroniques aurait parfois rendu des jugements de sa propre initiative, même contre les intérêts du clan des Arnulfing (famille de Pippin), aucun document n’atteste d’une quelconque tentative d’affirmation personnelle de la part de Dagobert III. Cette différence pourrait s’expliquer par le jeune âge du roi au moment de son accession au trône, mais aussi par un contrôle plus étroit exercé par Pippin sur l’éducation et l’entourage du souverain.
La crise de succession de 714
Un tournant majeur du règne de Dagobert III survint en décembre 714 avec la mort de Pippin de Herstal. Cet événement déclencha une grave crise politique dans le royaume franc. Pippin avait désigné comme successeur son petit-fils Théodebald, encore enfant, sous la régence de sa mère Plectrude. Cette décision fut mal accueillie par les nobles neustriens qui voyaient l’occasion de s’affranchir de la tutelle austrasienne. Pour la première fois depuis son accession au trône, Dagobert III se retrouvait au centre d’une lutte de pouvoir entre factions rivales.
Les nobles de Neustrie, profitant de cette situation instable, élirent leur propre maire du palais en la personne de Raganfred. Ce geste marquait une tentative de restaurer l’équilibre des pouvoirs entre la royauté mérovingienne et la mairie du palais, tout en affirmant l’indépendance de la Neustrie face à l’Austrasie. Dans ce contexte troublé, Dagobert III aurait pu tenter de reprendre en main son autorité royale, mais rien n’indique qu’il ait saisi cette opportunité, peut-être en raison de son manque d’expérience politique ou de soutiens suffisants.
Région | Représentant | Position |
---|---|---|
Austrasie | Théodebald/Plectrude | Maire du palais officiel/Régente |
Neustrie | Raganfred | Maire du palais élu par les nobles neustriens |
Austrasie (faction dissidente) | Charles Martel | Fils illégitime de Pippin revendiquant la mairie |
Royaume franc (nominal) | Dagobert III | Roi légitime sans pouvoir effectif |
Le démembrement territorial sous son règne
Pendant que l’attention politique se concentrait sur les luttes de pouvoir dans le nord du royaume, plusieurs régions du sud de la Gaule commencèrent à s’émanciper de l’autorité centrale. Ce phénomène de démembrement territorial, déjà amorcé sous le règne de Childebert III, s’accéléra considérablement durant les années de règne de Dagobert III, particulièrement après la mort de Pippin de Herstal en 714.
Plusieurs figures locales profitèrent de l’affaiblissement du pouvoir central pour établir leur autorité sur des territoires de plus en plus autonomes :
- Savaric, évêque d’Auxerre, soumit à son autorité personnelle les régions d’Orléans, Nevers, Avallon et Tonnerre entre 714 et 715
- Eudo (ou Eudes) s’établit comme dirigeant quasi-indépendant à Toulouse, jetant les bases du futur duché d’Aquitaine
- Antenor affirma son autonomie en Provence, région historiquement difficile à contrôler pour le pouvoir franc
- Au nord, les Frisons représentaient une menace constante, nécessitant des campagnes militaires qui mobilisaient les ressources du royaume
Cette fragmentation territoriale témoigne de l’incapacité croissante du pouvoir central à maintenir l’unité du royaume franc. L’absence d’un maire du palais fort et incontesté après la mort de Pippin, combinée à la faiblesse institutionnelle de la royauté mérovingienne personnifiée par Dagobert III, créait un vide de pouvoir que les élites locales s’empressaient de combler.
La mort prématurée et la succession
Dagobert III mourut en 715, à l’âge d’environ 16 ans, après seulement quatre années de règne. Le Liber Historiae Francorum indique simplement qu’il succomba à une maladie, sans fournir davantage de détails sur les circonstances de sa mort. Cette fin prématurée survint en pleine crise politique, alors que le royaume franc était divisé entre factions rivales et que plusieurs territoires périphériques s’émancipaient progressivement de l’autorité centrale.
Malgré sa jeunesse, Dagobert III avait eu un fils, Théodoric IV (ou Thierry IV), qui ne lui succéda pas immédiatement. En effet, la situation politique complexe qui prévalait à la mort du jeune roi conduisit à l’intronisation de Chilpéric II en Neustrie, tandis que la faction austrasienne plaçait Clotaire IV sur le trône. Cette division reflétait la fragmentation politique du royaume franc et l’instrumentalisation de la royauté mérovingienne par les différentes factions en lutte pour le pouvoir. Théodoric IV ne deviendrait roi qu’en 721, après une période de troubles intenses qui verrait l’ascension irrésistible de Charles Martel, fils illégitime de Pippin de Herstal.
Conclusion
Le règne de Dagobert III, bien que bref et peu documenté, illustre parfaitement la situation de la royauté mérovingienne au début du VIIIe siècle. Roi fantoche dès son accession au trône, il incarne cette période des « rois fainéants » où le pouvoir réel était détenu par les maires du palais. Sa mort prématurée en 715 s’inscrit dans une période charnière de l’histoire franque, marquée par l’effacement progressif des Mérovingiens et la montée en puissance des Pippinides-Carolingiens qui culminera avec le couronnement de Pépin le Bref en 751.
L’héritage de Dagobert III est donc moins à chercher dans ses actions personnelles, quasi inexistantes, que dans ce qu’il représente historiquement : l’un des derniers maillons d’une dynastie en déclin, dont le destin personnel reflète les transformations profondes qui affectaient alors les structures politiques du royaume franc. Son règne marque une étape significative dans le long processus qui vit le pouvoir glisser des mains des descendants de Clovis vers ceux de Pépin et Charlemagne.
Quiz : Dagobert III : un jeune roi sous l’ombre de Pippin
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1. Qui était le père de Dagobert III ?
- A. Clovis IV
- B. Childebert III
- C. Theuderic III
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2. Quel était le titre du maire du palais qui détenait le réel pouvoir pendant le règne de Dagobert III ?
- A. Pépin de Herstal
- B. Charles Martel
- C. Clovis II
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3. Quelle était la durée du règne de Dagobert III ?
- A. 711–715
- B. 700–705
- C. 720–725
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4. Quel était le nom du fils de Dagobert III ?
- A. Theuderic IV
- B. Chilperic II
- C. Clothaire IV
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5. Pendant le règne de Dagobert III, quelles régions de la Gaule du Sud ont commencé à se séparer ?
- A. Bourgogne, Aquitaine et Provence
- B. Normandie, Bretagne et Alsace
- C. Picardie, Champagne et Lorraine
Réponses
- 1. B. Childebert III
- 2. A. Pépin de Herstal
- 3. A. 711–715
- 4. A. Theuderic IV
- 5. A. Bourgogne, Aquitaine et Provence