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Colonel Émile Driant, Verdun, 20 février 1916
« Je ne t’écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l’ordre du général Bapst (1) que je t’envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l’heure est proche et au fond, j’éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l’ordre du bataillon que je t’ai envoyé. À la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J’ai toujours eu une telle chance que j’y crois encore pour cette fois.
Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu’ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu’à présent… Qui sait ! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures-là.
Ce soir je passe en revue tous ceux et toutes celles à qui je veux envoyer ma pensée avant l’assaut. Je parle de l’assaut ennemi que nous attendons de jour en jour et qui est certain maintenant, car le général J… est venu nous l’annoncer hier et nous dire qu’il comptait sur nous. Il peut y compter. Le Kronprinz qui a annoncé à ces quatre corps d’armée la prise de Verdun terminant la guerre, va savoir ce qu’il en coûte pour ne pas le prendre. »