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Guerres & Histoire : dossier spécial sur l’armée carolingienne

par adminfhesp
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Pour son dernier numéro de février-mars 2016, la revue « Guerres & Histoire » publie un très intéressant dossier intitulé : « L’Armée de Charlemagne. Comme elle a conquis et perdu un Empire ». Jean Lopez et Laurent Henninger font intervenir des spécialistes de l’histoire militaire carolingienne, notamment l’américain Bernard Bachrach et l’allemand Stefan Weiss.


– L’Armée carolingienne dont la montée en puissance date de Charles Martel reste curieusement l’un des points les moins connus du règne du grand empereur d’Occident. Pourtant, c’est le plus puissant outil militaire forgé en Occident après la Légion romaine. On estime que Charlemagne pouvait s’appuyer sur 135 000 hommes, fantassins et cavaliers confondus. Même si un tel nombre n’a pas suffi pour contrôler durablement les frontières de l’Empire. En revanche, il faudra attendre le XVIe siècle pour voir les Royaumes d’Europe se doter d’une telle force.

– En outre, le dossier met en évidence les aspects suivants méconnus de l’Empire carolingien, notamment du point de vue militaire :

1 – Charles Martel, Pépin le Bref et Charlemagne n’ont pas eu de stratégie à long terme. Mais ils ne peuvent être fautifs car la Neustrie, puis l’Empire étaient sans cesse soumis à des attaques aux frontières, ce qui forçat les souverains à engager des expéditions de « sécurisation » aux succès inégaux. Les moins bien réussies furent celles de Catalogne et des marches de Bretagne. La conversion de Widukind n’empêchera pas les soubresauts de tribus saxonnes. En revanche, celles contre les Bavarois, les Avars et les Lombards furent d’indéniables succès. Cela conduit ainsi Charlemagne à pratiquer des invasions pour mieux défendre son empire. D’où la création de « marches » (la Catalogne et l’Ost-Mark qui donnera l’Autriche).

2 – Charlemagne est comparé par Eisenhower. Le rapprochement n’est pas hasardeux. Grand connaisseur des guerres antiques et des auteurs comme Polybe ou Végèce, Charlemagne est d’abord un « empereur stratège » qui manie ses armées au regard de l’espace de son Empire. Dans sa conduite des opérations, il est sans doute plus proche de Trajan que de Philippe Auguste ou de Saint Louis. Quand il mène ses armées, c’est depuis une colline depuis laquelle il peut diriger les mouvements de ses soldats. Chose intéressante, il ne recherche pas la gloire et s’efforce d’économiser le sang de ses soldats. A cette fin, il sait utiliser le renseignement et un art de planification très avance sur son époque. Charlemagne n’engage jamais l’intégralité de son armée lors d’une campagne. Il maintient d’importantes réserves pouvant être envoyées en renfort aux frontières, pendant que lui conduit une armée de 40 000 hommes. S’il n’a pas une vue stratégique à long terme, Charlemagne mène ses campagnes d’une manière savante. Il utilise la technique de la double pince, c’est-à-dire qu’il scinde ses forces en deux puissantes colonnes pour briser le corps de bataille ennemi et s’emparer des places fortes en un temps réduit. Ce qui n’empêche toutefois pas les sièges (Pavie). Enfin, il sait déléguer et s’entourer d’officiers compétents, même si la tradition historique et la littérature médiévale classique a retenu Roland à Roncevaux, quitte à oublier les autres campagnes.

3 – L’Armée franque dispose certes d’une forte cavalerie. Mais les chroniques de l’époque vantant les exploits de la noblesse à cheval, le rôle de l’Infanterie carolingienne est occulté. Or l’archéologie – allemande en majorité – a montré que les hommes à pied fournissaient la majorité des troupes de l’Empire. Pourtant les deux sont complémentaires, puisque les hommes à pied on la tâche d’enfoncer le corps de bataille ennemi par une avance lente mais résolue sur le champ de bataille. Mais Charlemagne doit l’emploi d’une infanterie puissante à son grand-père Charles Martel qui l’utilisa contre les pillards arabo-berbères à Poitiers, comme contre les nobles de Provence et de Septimanie.
La puissance de l’armée franque est aussi fondée sur l’avance technologique et sidérurgique. Avec un grand nombre de forges dans les villes de l’Empire, Charlemagne dispose d’une véritable industrie de guerre capable de rationaliser la production en armes et en équipements. Enfin, le ravitaillement comme la logistique ne sont pas oubliés et s’avèrent particulièrement performants. Seule la connaissance en poliorcétique connaît des lacunes, en particulier en raison d’une qualité moindre des fortifications (le bois est souvent préféré à la pierre).

4 – La féodalisation en marche va contribuer à provoquer la chute de l’Empire. En effet, le charisme de Charlemagne fut beaucoup dans le maintien de son autorité. Empereur fort, il put compter sur des serviteurs fidèles pour administrer ses possessions. En revanche, il récompensait ses « vassaux » en terres pour leur fidélité. Or, dès le règne de Louis le Pieux – empereur plus faible – ces hommes qui durent leur place à l’Empereur vont commencer à se montrer plus indépendants vis-à-vis du pouvoir d’Aix-la-Chapelle. Sans entrer dans les détails, ses féodaux vont agir de manière indépendante face aux Vikings, Magyars (Hongrois) et Sarrasins, quitte parfois à passer des alliances avec les envahisseurs côtiers. Et le Traité de Verdun qui signe l’agonie de l’Empire et la déliquescence du pouvoir central conséquente, ne feront que les encourager.

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