Le règne tumultueux de Charles II, dit le Chauve
Petit-fils de Charlemagne et fils de Louis Ier le Pieux et de sa seconde épouse Judith de Bavière, Charles II le Chauve a marqué l’histoire de France par un règne mouvementé (843-877). Né le 13 juin 823 à Francfort, ce souverain carolingien a dû faire face à de nombreux défis internes et externes qui ont façonné son règne. Devenu roi de Francie occidentale suite au traité de Verdun en 843, puis empereur en 875, Charles le Chauve a gouverné dans un contexte de tensions familiales, d’invasions étrangères et de transformations politiques majeures.
Les origines et l’accession au pouvoir
Contrairement à ses frères aînés qui avaient déjà reçu des territoires de leur vivant, Charles dut attendre la mort de son père pour obtenir un royaume. Louis le Pieux avait tenté à plusieurs reprises de lui attribuer des terres, notamment l’Alémanie puis la région entre la Meuse et les Pyrénées, mais sans succès durable. Ce n’est qu’après la mort de Pépin d’Aquitaine en 838 que Charles reçut finalement ce royaume, provoquant la colère des héritiers de Pépin et de la noblesse aquitaine. La disparition de l’empereur Louis le Pieux en 840 déclencha une guerre fratricide entre ses fils. Charles s’allia avec son frère Louis le Germanique contre l’empereur Lothaire Ier, et les deux alliés remportèrent la bataille de Fontenoy-en-Puisaye le 25 juin 841.
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Le traité de Verdun et la division de l’Empire
Le conflit entre les trois frères s’acheva avec la signature du traité de Verdun en août 843, qui divisa l’Empire carolingien en trois parties. Charles reçut la partie occidentale, correspondant approximativement à la France actuelle jusqu’à la Meuse, la Saône et le Rhône, avec l’ajout de la Marche d’Espagne jusqu’à l’Èbre. Louis le Germanique obtint la partie orientale (future Allemagne), tandis que Lothaire conserva le titre impérial, le royaume d’Italie et les régions centrales allant de la Flandre à la Bourgogne en passant par la Rhénanie. Cette division territoriale marque le début du règne effectif de Charles II le Chauve sur la Francie occidentale.
Les défis intérieurs et extérieurs
Le règne de Charles le Chauve fut constamment menacé par des troubles internes et des invasions étrangères qui mirent à l’épreuve ses capacités de souverain. Malgré ces difficultés, il réussit à maintenir son autorité et à mettre en place des réformes significatives pour renforcer son royaume.
Les conflits familiaux et territoriaux
Les premières années du règne de Charles, jusqu’à la mort de Lothaire Ier en 855, furent relativement paisibles. Les trois frères maintenaient un système de « gouvernement confraternel », se réunissant régulièrement à Coblence (848), Meerssen (851) et Attigny (854). Cependant, en 858, Louis le Germanique, invité par des nobles mécontents, envahit le royaume franc occidental. Charles, impopulaire, fut incapable de lever une armée et dut fuir en Bourgogne. Il ne dut son salut qu’au soutien des évêques, qui refusèrent de couronner Louis le Germanique, et à la fidélité des Welfs, apparentés à sa mère. En 860, Charles tenta à son tour de s’emparer du royaume de son neveu, Charles de Provence, mais fut repoussé.
La menace viking et la défense du royaume
Les invasions vikings représentèrent une menace constante pendant le règne de Charles le Chauve. Ces guerriers scandinaves dévastèrent le nord du pays, les vallées de la Seine et de la Loire, et poussèrent même jusqu’aux frontières de l’Aquitaine. Lors du siège et du sac de Paris par les Vikings en 845, et à plusieurs reprises par la suite, Charles fut contraint d’acheter leur retraite à prix d’or. Face à cette menace, il organisa plusieurs expéditions contre les envahisseurs et, par l’Édit de Pistres de 864, rendit l’armée plus mobile en créant un élément de cavalerie, précurseur de la chevalerie française. Par ce même édit, il ordonna la construction de ponts fortifiés sur toutes les rivières pour bloquer les incursions vikings. Deux de ces ponts à Paris sauvèrent la ville lors du siège de 885-886.
Les rébellions en Aquitaine et en Bretagne
Outre les conflits familiaux et les invasions vikings, Charles dut faire face à des rébellions répétées en Aquitaine et en Bretagne. Menés par leurs chefs Nominoë et Erispoë, qui vainquirent le roi à la bataille de Ballon (845) et à la bataille de Jengland (851), les Bretons obtinrent une indépendance de fait. Ces conflits internes affaiblirent considérablement l’autorité royale et contribuèrent à l’instabilité du royaume franc occidental.
Conflit majeur | Date | Adversaires | Résultat |
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Bataille de Fontenoy-en-Puisaye | 25 juin 841 | Charles et Louis le Germanique contre Lothaire Ier | Victoire de Charles et Louis |
Bataille de Ballon | 845 | Charles contre les Bretons de Nominoë | Défaite de Charles |
Bataille de Jengland | 851 | Charles contre les Bretons d’Erispoë | Défaite de Charles |
Bataille d’Andernach | 8 octobre 876 | Charles contre les forces de Louis le Germanique | Défaite décisive de Charles |
L’accession au titre impérial
En 875, après la mort de l’empereur Louis II (fils de son demi-frère Lothaire), Charles le Chauve, soutenu par le pape Jean VIII, se rendit en Italie. Il reçut la couronne royale à Pavie et les insignes impériaux à Rome le 25 décembre. En tant qu’empereur, Charles combina les devises utilisées par son grand-père et son père en une seule formule : « renovatio imperii Romani et Francorum« , « renouvellement de l’empire des Romains et des Francs ». Ces mots apparaissaient sur son sceau et témoignaient de son ambition de restaurer la grandeur de l’Empire carolingien.
Louis le Germanique, également candidat à la succession de Louis II, se vengea en envahissant et dévastant les domaines de Charles, forçant ce dernier à retourner précipitamment en Francie occidentale. Après la mort de Louis le Germanique (28 août 876), Charles tenta à son tour de s’emparer de son royaume, mais fut décisivement battu à la bataille d’Andernach le 8 octobre 876, ce qui mit fin à ses ambitions territoriales à l’est.
Les réformes et l’héritage de Charles le Chauve
Malgré les difficultés rencontrées durant son règne, Charles le Chauve a laissé une empreinte durable sur l’histoire de France grâce à ses réformes administratives et son soutien à la culture. Son règne a contribué à façonner les institutions et les pratiques qui caractériseront plus tard le royaume de France.
Réformes administratives et militaires
Face aux menaces extérieures, notamment vikings, Charles le Chauve mit en place plusieurs réformes militaires importantes. L’Édit de Pistres de 864 représente l’une de ses initiatives majeures, avec la création d’une cavalerie mobile et la construction de ponts fortifiés. Ces mesures défensives, bien que partiellement efficaces, posèrent les bases d’une organisation militaire plus structurée. Charles s’appuya également sur le haut clergé pour gouverner, choisissant ses conseillers parmi les évêques, comme Hincmar de Reims. Cette alliance entre le pouvoir royal et l’Église renforça son autorité face à une noblesse souvent rebelle.
Un mécène des arts et des lettres
Charles le Chauve était un prince cultivé, ami des lettres et protecteur de l’Église. Son règne vit un renouveau culturel important, parfois qualifié de « renaissance carolingienne tardive ». Il favorisa la production de manuscrits enluminés, dont la célèbre « Première Bible de Charles le Chauve » réalisée vers 845. Le palais de Compiègne devint un centre culturel et politique majeur à partir des années 860, et Charles y fonda un monastère en 876. Au Xe siècle, Compiègne était connue sous le nom de « Carlopolis » en raison de son association avec Charles, témoignant de l’impact durable de son règne.
- Soutien à la production de manuscrits enluminés
- Développement du palais de Compiègne comme centre culturel
- Fondation de monastères et protection de l’Église
- Diplomatie avec l’émirat de Cordoue (réception de chameaux de l’émir Muhammad Ier en 865)
- Promotion de l’éducation et des lettres
La fin du règne et la succession
En 877, alors que le pape Jean VIII, menacé par les Sarrasins, l’appelait à sa défense en Italie, Charles traversa à nouveau les Alpes. Cependant, cette expédition fut mal accueillie par les nobles et même par son régent en Lombardie, Boson, qui refusèrent de rejoindre son armée. Au même moment, Carloman, fils de Louis le Germanique, entra dans le nord de l’Italie. Charles, malade et en grande détresse, entama son voyage de retour vers la Gaule, mais mourut en traversant le col du Mont-Cenis à Brides-les-Bains, le 6 octobre 877, à l’âge de 54 ans.
Selon les Annales de Saint-Bertin, Charles fut enterré à la hâte à l’abbaye de Nantua, en Bourgogne, car les porteurs ne pouvaient supporter l’odeur de son corps en décomposition. Quelques années plus tard, ses restes furent transférés à l’abbaye de Saint-Denis où il avait longtemps souhaité être inhumé. Il fut placé dans une cuve en porphyre qui pourrait être la même que celle connue sous le nom de « cuve de Dagobert », aujourd’hui conservée au Louvre.
Conclusion
Le règne de Charles II le Chauve marque une période charnière dans l’histoire de la France médiévale. Entre guerres fratricides, invasions vikings et réformes administratives, ce souverain carolingien a dû faire face à des défis considérables qui ont façonné son règne. Malgré ses échecs militaires face aux Bretons et aux Vikings, Charles a su maintenir l’unité de son royaume et poser les bases d’institutions qui perdureront bien après lui. Son accession au titre impérial en 875 témoigne de ses ambitions, même si la fin de son règne fut marquée par des revers. Figure complexe et controversée, Charles le Chauve a joué un rôle déterminant dans la transition entre l’Empire carolingien et les structures féodales qui caractériseront la France médiévale. Son héritage culturel, notamment son patronage des arts et des lettres, reste l’un des aspects les plus durables de son règne tumultueux.
Quiz: Le règne tumultueux de Charles II, dit le Chauve
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Question 1: Quel titre Charles II, dit le Chauve, a-t-il reçu en 875 ?
- A. Roi de France
- B. Empereur du Saint-Empire romain germanique
- C. Duc de Normandie
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Question 2: Quel traité a permis à Charles II d’acquérir la partie occidentale de l’empire carolingien ?
- A. Le traité de Verdun
- B. Le traité de Paris
- C. Le traité de Rome
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Question 3: Quel était le surnom de Charles II et pourquoi lui a-t-il été donné ?
- A. Le Chauve, car il était extrêmement poilu
- B. Le Chauve, car il était extrêmement jeune
- C. Le Chauve, car il était extrêmement riche
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Question 4: Quels étaient les principaux ennemis de Charles II pendant son règne ?
- A. Les Vikings et les Bretons
- B. Les Romains et les Grecs
- C. Les Espagnols et les Italiens
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Question 5: Quelle était la devise de Charles II en tant qu’empereur ?
- A. « Renouvellement de l’empire des Romains et des Francs »
- B. « Paix et prospérité pour tous »
- C. « Unité et force »
Réponses
- Réponse 1: B. Empereur du Saint-Empire romain germanique
- Réponse 2: A. Le traité de Verdun
- Réponse 3: A. Le Chauve, car il était extrêmement poilu
- Réponse 4: A. Les Vikings et les Bretons
- Réponse 5: A. « Renouvellement de l’empire des Romains et des Francs »
Qui était Charles II, dit le Chauve?
Charles II, dit le Chauve, était un roi de West Francia (843-877), roi d'Italie (875-877) et empereur du Carolingian Empire (875-877).
Quels étaient les principaux défis de son règne?
Charles II a fait face à des luttes fratricides, des invasions normandes, des rébellions bretonnes et une omniprésence de l’Église.
Quels étaient les exploits de Robert le Fort?
Robert le Fort était un ancêtre de la dynastie capétienne qui a mené des exploits héroïques face aux envahisseurs scandinaves.