– Après le Débarquement de Provence, le Generalfeldmarschall Albert Kesselring a ordonné à plusieurs divisions de tenir le front des Alpes, pendant que le reste des unités du Heeres-Gruppe G tenaient la ligne sur le Pô. Avant d’être envoyée en Alsace, la 2nde Division d’Infanterie Marocaine avait conquis Mondane et Lanslebourg mais plusieurs cols de Maurienne, de Tarentaise, du Briançonnais, du Queyras, d’Ubaye et de l’Authion restent aux mains des forces de Kesselring. L’hiver 1944-1945 particulièrement rigoureux à empêcher de déclencher de nouvelles opérations. Les Français mènent quelques actions de reconnaissance avec leurs souples et efficaces Sections d’Eclaireurs à Skis (SES).
– Pour conquérir le Front des Alpes afin de pressurer les forces allemandes d’Italie par l’ouest, les troupes alliées peuvent compter sur les forces françaises du Détachement d’Armée des Alpes du Général Paul Doyen, rattaché au VIth Army Group du General Jacob L. Devers. Mais celui-ci n’est guère enthousiaste à lancer une grande attaque dans les Alpes et préfère que le DAA serve de « flanc garde » tout au sud de son dispositif. Aussi Devers préfère-t-il n’octroyer à Doyen qu’un soutien matériel limité, allant même jusqu’à rationner le carburant. Mais la volonté offensive des Français trouve l’appui du commandement britannique du XVth Army Group (Harold Alexander) qui souhaite qu’une pression soit exercée dans le flanc des troupes de Kesselring pour faciliter la progression des VIIIth et Vth US Armies dans la Plaine du Pô. Si les Français disposent de bonnes troupes de montagne et d’éléments FFI (27e Division d’Infanterie Alpine), ainsi que des vétérans de la 1re Division de la France Libre de Garbay, ils manquent cependant d’artillerie – deux régiments d’appui en tout, le 69e RA et le 93e RAM –, ce qui va les contraindre à lancer des attaques successives et non concomitantes.
La 27e DIA est placée sous le commandement du Lieutenant-Colonel Jean Valette d’Ossia, ancien de Narvik et de la campagne de France et organisateur du Maquis des Glières. Capturé par les Allemands en février 1944, il s’était évadé en sautant du train en Bourgogne avant de reprendre du service dans la Résistance. La Division compte la 5e Demi-Brigade de Chasseurs Alpins (Colonel de Galbert) avec les 7e, 13e et 27e Bataillons de Chasseurs Alpins (BCA) ainsi que la 7e DBCA du Lieutenant-Colonel Le Ray (6e, 11e et 15e BCA). Ils ont face à eux la 5. Gebirgsjäger-Division du Generalleutnant Julius Ringel ; unité qui s’est distinguée face aux CEF du Général Juin au Monte Belvedere un an plus tôt.
– Doyen décide donc d’attaquer d’abord en Tarentaise, puis en Maurienne (27e DIA) avant d’entamer une offensive dans les Alpes-Maritimes, par l’Authion (1re DFL) pour terminer par un assaut dans le Col de Larche.
Les combats ne se caractériseront pas des assauts massifs, contre tel ou tel objectifs mais par des assauts de sections ou de petits groupes appuyés par des mortiers et des mitrailleuses.
Voici une chronologie des combats
1 – TARENTAISE
– 23 mars : Offensive de la 5e DBCA (Colonel de Galbert) en Tarentaise. Prise du Col de Forcle par le 7e BCA. De son côté, après plusieurs difficultés, le 13e BCA (Commandant Héritier) s’empare du Col de Forcle mais se trouve bloqué au Roc-Noir et au Col des Embrasures, en raison de mortiers disposés sur la Route Ruinée. Les conditions météorologiques sont aussi très difficiles.
– 30 mars : Plusieurs sections du 13e BCA attaquent par le Mont-Valezan mais elle échoue face à des Allemands bien retranchés. Plusieurs chasseurs sont tués ou blessés.
A 17h15, une seconde attaque est relancée. Finalement le Roc-Noir tombe.
– 9 avril : Après une pause dans les combats, le BCA attaque la pointe de Belleface (2 857 m). Une section s’en empare après un furieux combat.
– 21 avril : Après une préparation d’artillerie, un groupe de Gebirgsjäger attaque les positions françaises sur la Pointe de Belleface. Les défenseurs français doivent décrocher, ce qui permet aux Allemands d’aménager un passage vers le Lac-sans-Fond. Une section manque d’y être encerclée et anéantie mais réussit à forcer l’étau. Toutefois, Gebirgsjäger ne vont pas plus loin.
– 26-28 avril : Plusieurs accrochages ont lieu entre patrouilles sur le Clapey et le Nid d’Aigle.
– 27 avril : Les Allemands quittent le Mont-Cenis et se replient sur l’Italie. Les Français s’installent donc sur les monts frontaliers. Le 127e FTA* remplace les chasseurs.
– 29 avril : Les Allemands se replient définitivement dans la Vallée d’Aoste.
2 – MAURIENNE
– L’attaque dans cette partie de la Savoie est confiée aux 6e, 11e et 15e BCA de la 7e DBCA, appuyés par plusieurs batteries des 69e Régiment d’Artillerie d’Afrique, 1er Régiment d’Artillerie et 93e Régiments d’Artillerie de Montagne.
Les objectifs sont la Pointe de Bellecombe, le Petit-Mont-Cenis, le Mont-Froid et le Fort de la Turra.
– 2 avril : Le 11e BCA attaque dans le secteur de la Pointe de Bellecombe. Une section s’en empare par un assaut à la grenade, appuyé par deux fusils mitrailleurs. Mais le Bataillon de parachutistes italiens « Folgore » contre-attaque dans l’après-midi. Il est repoussé mais la section française se replie en raison du manque de munitions.
– 4-5 avril : Des éléments des 11e et 6e BCA passe à l’attaque contre le Mont-Cenis. Après une confusion lors du déploiement des troupes. 1 section du 11e BCA attaque la Croix du Colleret qui est pris. Pendant ce temps, 1 compagnie attaque le Petit Mont-Cenis mais butte sur des barbelés piégés et un tir de canons de montagne. La 3e Compagnie du 6e BCA attaque la Croix des Coulours mais l’assaut échoue lui aussi.
– La 4/11e BCA attaque le Mont-Froid par la Vallée de l’Arc, difficile d’ascension. Le Mont-Froid est gardé par trois blocs allemands. Lorsque les chasseurs arrivent au somment, ils sont pris sous un feu de mitrailleuses, de canons et de mortiers. Si le bloc central tombe, de violents combats opposent Chasseurs Alpins et Gebirgsjäger qui tentent de s’infiltrer dans les positions françaises. Mais les Chasseurs tiennent bon.
– 5-6 avril : Le 15e BCA (Commandant Lecoanet) attaque le Col du Mont-Cenis, avec pour objectifs le Pas-de-la-Beccia, la Pointe de Cléry le Col des Randouillards et le Fort de la Turra.
– L’attaque contre la Pointe de Cléry échoue en raison du froid et du vent. Plusieurs Chasseurs tombent malades. Une seconde attaque se solde par une retraite sur le point de départ.
– Plusieurs sections attaquent le Fort de la Turra par plusieurs chemins. Mais ils se heurtent à la violente résistance d’une compagnie allemande. Les Français doivent décrocher.
Une attaque contre l’Ouillon des Arcellins n’a pas plus de succès.
– 7 avril : Les Allemands tentent de reprendre le Mont Froid. Mais les Chasseurs Alpins y ont fait acheminer renforts, munitions, grenades et même des canons.
Le Gebirgs-Bataillon 100 (Oberstleutnant Ernst) passe à l’attaque. Les combats sont particulièrement furieux. Les Français tiennent bon mais est à bout des deux côtés. Les Gebirgsjäger reçoivent ensuite des renforts du I/Aufklärungs-Abteilung 85 (1er Escadron du 85e Bataillon de reconnaissance).
– 11 avril : Plusieurs SS du 11e BCA remontent à l’assaut de la Pointe de Cléry et de l’arrête menant au Col de Solières. Là encore, le succès n’est pas au rendez-vous et le Lieutenant Faure qui menait l’assaut est tué.
De leur côté, les Allemands attaquent de nouveau le Mont Froid et réussissent à s’en emparer après un furieux accrochage.
– Le front ne bouge pas jusqu’au 27 avril, date à laquelle les Allemands se replient sur l’Italie.
3 – BRIANÇON – QUEYRAS – UBAYE
– L’attaque dans cette région est confiée est des troupes de seconde catégories, issues des maquisards et qui n’ont pas reçu l’instruction adéquate. On y compte des éléments des 159e, 99e et 141e Régiment d’Infanterie Alpine, ainsi que du 5e Régiment de Dragons. Le tout, commandé par le Colonel Francou (Secteur Centre ; PC à Embrun) et scindé en Groupements Nord (Chef d’Escadron de la Ferté), de Skieurs (Commandant Silvani) et Sud (Chef de Bataillon Henry). L’appui en artillerie est fourni par le 69e RAA.
– Prévue pour le 22 avril, l’attaque dans ce secteur a pour objectifs le Col de Larche, l’ouvrage de Roche-la-Croix et le franchissement de la Duyère.
– 4 avril : Un canon de 420 mm bombarde l’ouvrage du Gondran C dans le Briançonnais, tuant plusieurs occupants.
– Nuit du 21-22 avril : Tir préparatoire d’artillerie. Le 3e Escadron du 5e Dragons atteint Myeronnes.
– 22 avril : Faisant l’objet d’une faible résistance, le Col de Larche tombe aux mains d’une SES du Groupement Sud dans la matinée. Malgré quelques difficultés, la batterie de Roche-la-Croix est anéantie et l’ouvrage du mont est pris par une compagnie du 159e RI et par le 2/5e Dragons (Chef d’Escadron Collonges).
– 25 avril : Le village de Saint-Ours et son ouvrage fortifié tombent aux mains des Français. Après une première attaque infructueuse, la 4/159e RIA s’empare dans la batterie en aval.
– 27 avril : Le 99e RIA passe en Italie via les Cols de l’Echelle, du Montgenèvre et Bousson.
4 – L’AUTHION
– Confiée à la 1re Division de la France Libre, l’Opération « Canard » (prévue pour le 9 avril) prévoit de forcer le massif de l’Authion, prendre Saint-Véran, le Col du Raus, Breil-sur-Roya, La Brigue et Tende.
– 10 avril : Après un bombardement des ouvrages défensifs de la Forcia et des Mille-Fourches par le Groupe de chasse 2/6. Suivant un tir préparatoire d’artillerie, le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP – Commandant E. Magendie) et le 1/1er Régiment Blindé des Fusiliers Marins attaquent le secteur de Cabanes-Vieilles. Mais l’attaque échoue.
– 11 avril : Le BIMP réussit à prendre le Cotes 2068 et 2026. Le BM 21 (Capitaine Oursel) s’empare du Col de Raus et de ses ouvrages. De son côté, le BM 11 (Capitaine Brisebarre) prend Pont-Claval et l’ouvrage de la Dea.
– 13 avril : La 13e DBLE (Lt-Col. B. Saint-Hillier) attaque vers l’Arbouin mais se retrouve d’abord bloquée sur la Cime du Pézurbe. En revanche, le BM 11 prend la Tête de la Secca.
– 14 avril : Le 3/13e DBLE (Commandant Lalande) est bloqué sur la Béole.
– 15 avril : La Béole tombe enfin aux mains des Légionnaires, ainsi que l’Arbouin, la Vallée du Cairo, la Caussega, la Cime du Bosc, la Croix de Cougoule, Brouis et Breil-sur-Roya.
Anecdote
Le futur écrivain André Frison-Roche participa aux combats du Mont-Froid au sein de l’état-major de la 5e DBCA. Il secourut notamment l’aumônier de la demi-brigade qui était gravement blessé (il décédera à l’hôpital de Chambéry).
Sources :
– NOTIN Jean-Christophe : Le Général Bernard Saint-Hillier. De Bir-Hakeim au putsch d’Alger, Perrin
– http://www.memoire-des-alpins.com