Tribune libre : Le « Mécanisme Européen de Stabilité » (MES) et ses conséquences
Retour sur le « Mécanisme Européen de Stabilité » (MES) et ses conséquences, adopté par le parlement français le 21 février 2012, avec fort peu d’échos dans nos médias.
Le but du MES est de faire appliquer aux États membres la discipline budgétaire contenue dans le Traité européen de stabilité signé le 30 janvier 2012. Autorité européenne, le MES est une organisation internationale, dont les membres ne sont pas élus.
Le but de cet organisme sera de prendre la suite du FESF (« Fonds européen de stabilité financière ») en finançant sous conditions (décidées par le MES) un État membre si sa situation menace la stabilité de la zone euro.
Le mécanisme d’action du MES permettra de lever des fonds auprès des États membres. Tout comme ses prédécesseurs, le MES ne prêtera pas son propre argent aux États en difficulté. Il se base sur un capital garanti par les États membres pour pouvoir emprunter sur les marchés. Le capital s’élève au total à 700 milliards d’euros, composé de fonds mobilisables (le « capital libéré ») dont 11% seront versés les 5 premières années, et d’un capital non libéré.
Le conseil des gouverneurs composant le MES pourra décider de modifier ces montants, selon son bon vouloir. Il pourra donc, d’un commun accord, augmenter le montant du capital.
Dans l’hypothèse où le MES se verrait dans l’incapacité potentielle d’honorer ses créanciers, ce MES pourra faire appel au capital non libéré : les États s’engageront alors « inconditionnellement et irrévocablement » à procéder au paiement dans les sept jours suivant l’appel. Avec les conséquences sociales qui s’en suivraient pour les États concernés, le cas échéant sur plusieurs générations (voir l’actuel exemple grec et sa spirale sans fin de plans d’austérité).
A noter par ailleurs le principe d’immunité tant du MES que de ses membres. Aucune responsabilité n’est attachée au pouvoir du MES et aucun acteur du MES n’est élu ni responsable devant les peuples européens. Aucune possibilité d’investigations ou d’intervention par les États sur les activités du MES n’est prévue.
La France s’est engagée auprès du MES à hauteur de 142,7 milliards d’euros, dont 16,3 milliards d’euros de capital à libérer dans les cinq ans suivant 2013. Si la décision d’augmenter le capital était prise par le MES, la France et les autres États membres devraient augmenter leurs transferts vers le MES dans les conditions évoquées plus hauts.
A noter également que certains candidats à l’élection présidentielle, qui se gargarisent nouvellement de la possibilité de référendum, et qui, de manière toute aussi nouvelle, mettent en avant leur « amour du peuple », opposent un « niet » catégorique à l’idée d’un référendum sur les implications dudit MES, au motif qu’il comprend 200 articles ; et révélant ainsi leur réel « amour » du dit peuple. Souvenons-nous à cet égard, qu’un traité établissant une constitution pour l’Europe, contenant plus de 400 articles, avait été soumis au peuple français par référendum en 2005. On sait de quelle manière l’expression souveraine ( ?) des français a par la suite été respectée.
« Démocratie », nous dit-on… ? Ou renouveau avec un ancien système de gouvernement, celui de l’asservissement par la dette ?
Et rappelons nous que ce système de servitude pour dettes a pu exister notamment dans la Grèce Antique, jusqu’à ce que Solon y mette fin.
Ainsi Aristote de citer Solon dans sa Constitution d’Athènes : « J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus plus ou moins justement (…), subissant une servitude indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres (despotes), je les ai rendus libres ».
L’exact contraire de ce que nous vivons.
(Notes : pour la première fois, les intérêts de la dette deviennent le premier poste budgétaire de la France en 2011. La charge des intérêts s’élèvera à 48,8 milliards d’euros, pour un endettement estimé à 87,4% du PIB. Autre record : celui du déficit commercial de la France, prévu à 73,8 milliards d’euros en 2012. Dans le détail, la dette représente sur 2011 la proportion de 85,5% du Produit intérieur. Source : INSEE, mars 2011. Sans changement vigoureux, la dette publique atteindra mécaniquement 110% du PIB en 2020 soit le niveau actuel de la dette de pays en crise comme l’Italie.)
Jo Saint-Antoine